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Pourquoi avoir écrit #Wondersportwomen ?

09/01/2017 – Emmanuelle JAPPERT

 
C’est vrai ça ! Pourquoi avoir écrit un livre sur le sport et les femmes alors que je n’ai jamais été sportive de haut niveau ? Justement, c’est bien parce que je ne suis pas au cœur du mouvement sportif que j’ai eu envie de proposer un livre avec une autre approche : en donnant la parole à des femmes qui représentent la société d’aujourd’hui et en voulant faire partager leur vision du sport et l’importance qu’il a pour faire de leur vie… une œuvre. Piliers dans la famille depuis des millénaires tout en restant dans l’ombre (voire dans le sacrifice), les femmes actuelles remettent tout à plat, secouent les idées reçues et prennent de plus en plus leur place, quitte à bousculer la gente masculine un peu désarçonnée, pour qu’au final, tous et toutes soient les gagnants d’une mixité plus que nécessaire, incontournable pour relever les défis de demain. Et le sport a, je pense, une grande part à jouer dans un tel contexte.

Les femmes sont des messagères

Même si les femmes, d’une façon générale, n’ont pas été éduquées à la prise de parole en public, contrairement aux hommes, plus enclins à s’exprimer dans les médias et devant une assemblée, elles ne sont pas moins messagères de valeurs précieuses pour tous. Mais ne manquons-nous pas cruellement de modèles féminins bien identifiés (Lady Gaga est-elle vraiment une femme inspirante ?….) qui montrent le chemin à toutes les autres ? Cette réflexion m’a tout droit menée au sujet du livre.

En voulant interviewer des femmes qui osent jouer un rôle dans la société, en abordant l’émancipation féminine par le prime du sport, ce qui permet de concilier à la fois corps et esprits, j’ai voulu démontrer que les 23 femmes emblématiques du livre sont les symboles dont nous avons plus que jamais besoin aujourd’hui. Quand on est une adolescente, une étudiante, une mère de famille, une épouse, une professionnelle, une leadeur, une grand-mère…avoir la preuve qu’il est possible de faire du sport plusieurs fois par semaine, de se nourrir de façon équilibrée, d’avoir une vie familiale épanouie ET une carrière professionnelle réussie, de développer son leadership et de prendre sa place, n’est-ce pas libérateur ? Si ces femmes y parviennent, pourquoi pas les autres ? Voilà pourquoi #Wondersportwomen est bien plus qu’un beau livre riche des belles photos de Jennifer Sampieri. Il est au service de deux causes : d’une part la cause féminine et d’autre part la cause du mouvement naturel. Car même si les chiffres sont en hausse (50% des françaises déclarent faire une activité physique contre 37% à l’échelle européenne), elles représentent seulement 37% des licenciés d’une fédération sportive en France en 2014. C’est encore trop peu. Et saviez-vous que les jeunes ont perdu 25% de leurs capacités physiques en 40 ans (les 9-16 ans courent moins vite et moins longtemps) ?! Quand on sait que l’adolescence (14-20 ans) est une période où l’abandon de la pratique est plus important chez les filles (-45%) que chez les garçons (-35%), alors on mesure l’importance de parler et parler encore des bienfaits de la pratique sportive sur notre quotidien et notre réussite professionnelle.

Etre en mouvement pour rester en vie

Bien sûr, chacun sait désormais qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour, faire du sport régulièrement etc. Mais combien sommes-nous à appliquer vraiment nos connaissances ? Peu au fond. Il y a bien la mode vegan ou running qui pourrait nous faire croire que l’humain semble avoir compris comment vivre de façon équilibrée. Les prises de conscience sont là, mais elles ne concernent encore qu’une minorité. Et plus nous serons nombreux à contribuer, ne serait-ce que de façon infime, à mettre en avant les bonnes pratiques, plus vite les résultats se feront sentir. Qui sait ? Une jeune femme qui ne trouve pas la motivation pour aller courir sera peut-être inspirée par l’état d’esprit de Laury Thilleman ? Une mère de famille débordée se trouvera peut-être moins d’excuses en lisant les propos d’Angélique Gérard ? Une trentenaire happée par Instagram aura peut-être envie de poster des photos d’elle en pleine activité physique, comme le font Lorie Pester ou Cyrielle Hariel ? Ces 23 femmes, elles ne sont pas dans le livre par hasard, loin de là. Pour la majorité, je les suis depuis des années sur les réseaux sociaux, je lis leur livre, je vais à leur rencontre, j’en connais certaines personnellement. Et de fil en aiguille, les pièces du puzzle se sont mises naturellement en place pour que toutes, à leur façon, témoignent de leur mode de vie, et de l’importance de rester en mouvement. Particulièrement dans une société soumise à un stress grandissant, dans un monde connecté en permanence, sédentaire, en surpoids, où il devient facile de se déconnecter…de soi. Ce qui explique je pense pourquoi tant d’individus font appel à des coachs, des thérapeutes, voire des médicaments, quand ce ne sont pas des anxiolytiques. Mais si seulement les femmes s’autorisaient plus souvent à s’extraire du tourbillon quotidien pour aller courir ou faire l’activité physique de leur choix, combien de bénéfices en retireraient-elles ! Pas besoin de faire le marathon de New York pour autant (sauf pour celles qui y tiennent), ni de se lever à six heures du matin pour répondre à l’injonction du « miracle morning », titre du best-seller de Hal Elrod qui fait fureur en ce moment. Arianna Huffington, célèbre éditorialiste et fondatrice du Huffington Post s’est exprimée à ce sujet dans son livre S’épanouir, réussir sans défaillir sorti en 2015. En effet, à quoi bon réussir si le succès n’est pas tenable physiquement et mentalement ? Loin d’être un gourou des temps modernes, elle utilise sa légitimité pour inviter les femmes à se ressourcer par la marche, la méditation ou des exercices de pleine conscience, quand Nathalie Loiseau, directrice de l’Ena, ose le « Choisissez tout » dont beaucoup rêvent mais peu se l’autorisent.

Les #Wondersportwomen choisissent effectivement tout, mais pas tout au même moment, et en mettant au cœur de leur vie de femme un paramètre non négociable : l’activité physique.

Choisir son sport

Courir, boxer, faire du foot, du bikram yoga, de la gym suédoise, du wutao, de la natation, participer à un Mud day, … autant de possibilités infinies pour s’amuser tout en se faisant du bien. Quant au sport en général, c’est un fabuleux prétexte pour aborder plus largement les grands thèmes de la vie avec un regard féminin. Car il est un terrain de jeu formidable pour se dépasser, croître, se découvrir, partager et se confronter aux autres, et s’épanouir tout simplement. Quand on vit une expérience négative par exemple, il suffit parfois d’aller courir pour arriver à s’en détacher. Sans le décider, au fil de la course, des idées affluent et souvent la résolution du problème émerge. Le coût : une bonne paire de baskets. Mais surtout de la volonté, de la persévérance et un peu de discipline. C’est la meilleure recette qui soit pour prendre de la distance, mettre les choses en perspective et retourner ensuite à ses occupations, avec beaucoup plus de légèreté. Pour celles qui veulent aller plus loin, Sakyong Mipham Rinpoché, un bouddhiste marathonien témoigne dans son livre « Running with the mind of meditation »: « Le fait de prêter attention non seulement à son corps mais aussi à ce qui se joue au fond de soi aide à donner le meilleur de soi-même pendant l’entraînement et dans la vie ». Rien de mieux pour canaliser son attention dans une direction précise, mettre en route son imagination, libérer sa créativité, augmenter sa productivité et découvrir les forces cachées en soi. Forcément, à terme, cela impacte nos décisions. Une seule clé pour y parvenir : l’organisation.

En interrogeant toutes ces femmes qui nous ont fait l’honneur de participer à cette aventure, je savais que j’allais au-devant de belles surprises. Mais j’étais loin de me douter que toutes, sans exception, se dévoileraient avec autant de sincérité et d’enthousiasme. Leurs points communs sont aussi plus nombreux que je le soupçonnais : même si l’audace les caractérise, elles peuvent, même à leur niveau, manquer de confiance en elles, comme nous toutes parfois. Mais leur force est dans cette agilité à ne pas écouter leur peur, leur fatigue, les épreuves, quelle qu’elles soient, mais au contraire, à les sublimer. Le sport, pour elles, structure leur vie et leur permet d’être un bon coach pour elles-mêmes. En conclusion, je suis intimement convaincue que le sport peut être une force pour amplifier la voix des femmes, dépasser les questions liées au genre, et faire changer les mentalités, pour qu’à tout âge, chacune prenne la mesure de l’importance et des bienfaits de faire du sport.

Je tiens à souligner que ce livre est avant tout une œuvre collective. L’aventure n’aurait pas été aussi intense sans l’investissement total de la photographe Jennifer Sampieri, qui donne tout son cachet artistique à l’ouvrage. Depuis le début, la Fondation Alice Milliat et le think tank Sport et Citoyenneté ont cru à ce projet et m’ont donné les moyens d’aller jusqu’au bout. Grâce à l’éditeur Yves Michalon et aux éditions Fauves, nous avons pu mettre en musique les photos en miroir des entretiens. Et la FDJ et AS Group International, en nous soutenant financièrement, nous ont permis de donner plus d’ampleur à ce beau livre. Quant aux magazines Women Sports, FemininBio et LiveMore de Biotherm, ils nous accompagnent dans la médiatisation, pour que les messages du livre parviennent au plus grand nombre. C’est en assemblant nos forces que nous pourrons, ensemble, faire bouger les lignes.





Sport et citoyenneté