Cet article est protégé par un mot de passe. Pour le lire, veuillez vous connecter.




Diplomatie sportive et soft power

Selon une expression aujourd’hui largement répandue, le sport serait un puissant vecteur de soft power. Pour autant, cela n’est possible que s’il existe une cohérence forte entre les valeurs du sport et le comportement de l’État ou de l’organisation qui s’en réclame. Sur ce plan, l’Union européenne a des atouts précieux.

 

 

Albrecht SONNTAG

 

Professeur à l’EU-Asia Institute ESSCA Ecole de Management,

Angers (France)

 

 

Étonnante carrière que celle de l’expression « soft power » ! Théorisé par Joseph S. Nye à la fin de la guerre froide, ce concept a été assez rapidement récupéré par les acteurs politiques, puis popularisé par le discours médiatique, même en dehors de la sphère anglophone. C’est qu’il a répondu, à un moment où la puissance américaine a été perçue comme hégémonique, à un besoin d’expliquer celle-ci par d’autres facteurs que la seule domination militaire et économique.

Pour le monde sportif, l’émergence de ce concept a été du pain béni. Associé spontanément à tout un éventail de valeurs positives – fair-play et respect, santé et dépassement de soi, égalité et méritocratie, courage et solidarité – le sport est une pratique sociale universelle qui permet effectivement d’établir un lien affectif au-delà des frontières. Par conséquent, il est quasi-impossible de trouver un plaidoyer en faveur de la diplomatie sportive qui ne qualifie pas le sport comme vecteur de soft power. Voilà un domaine dont un État peut tirer un « capital sympathie », dissiper des stéréotypes négatifs, créer un lien avec l’opinion publique du monde. Pour tout individu fasciné par la beauté de l’idée olympique ou par la capacité de mobilisation inégalée des grandes compétitions, la liaison entre sport et soft power est intuitive, indéniable. Il convient cependant de rester sceptique : pour tous les États, l’engagement dans la diplomatie sportive est à double-tranchant. Afin de tirer un bénéfice tangible, significatif et durable, une cohérence crédible entre les valeurs du sport et le comportement de cet État par ailleurs est un préalable indispensable. C’est ce que suggère la lecture attentive des différents classements internationaux en matière de soft power.

« L’UE, UN ACTEUR CRÉDIBLE »

Tout porte à croire que les opinions publiques du monde entier, composées d’amateurs de sport ou non, savent faire la part des choses entre les images sportives suggérant un monde meilleur et la contribution réelle des acteurs étatiques à ce que ce monde devienne meilleur. C’est sur ce point que l’Union européenne a plusieurs avantages compétitifs sur le terrain de la diplomatie sportive. Elle n’est pas un État lesté d’une longue histoire ambivalente. Elle est jeune, sans passif lourd en matière de non-respect de droits humains ou d’abus de « hard power ». Elle ne fait pas l’objet de graves préjugés négatifs dans le monde. Et surtout, il y a cette profonde cohérence entre les valeurs du sport et celles qu’elle souhaite projeter au-delà de ses frontières.

Bref, elle possède un grand capital en crédibilité. Et contrairement aux grandes nations sportives, toujours sous pression pour renouveler et consolider leur prestige, elle n’a pas forcément besoin d’être un acteur massif à part entière. Elle peut s’appuyer sur des coopérations avec d’autres organisations internationales, et elle peut surtout servir de catalyseur pour la société civile, lui permettant d’agir plus efficacement sur cette scène, afin de mettre le sport au service des intérêts vitaux de la société – apaisement des conflits et intégration sociale, égalité des genres et diversité.

Pas la peine de faire du soft power un objectif stratégique. Il viendra tout seul.



Sport et citoyenneté