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Une opportunité médiatique à saisir

 

 

En tant qu’événement international, la Coupe du Monde féminine de football va permettre de mettre en lumière le football féminin. Une opportunité médiatique à saisir pour la Fédération Française de Football (FFF).

 Par Nicolas Delorme, Maître de Conférences en STAPS, Université de Bordeaux

 

Le football féminin – et par extension le sport féminin – souffre d’habitude d’une quasi-invisibilité médiatique, notamment au niveau du service public (Canal+ a acheté les droits TV de la D1 féminine de football jusqu’en 2023).

 

En effet, à l’exception des grands évènements sportifs internationaux (Coupes/Championnats du Monde, Jeux Olympiques), les médias français mettent en place une couverture biaisée, quantitativement et qualitativement, du sport féminin.

 

Quantitativement car, comme montré dans plusieurs études, le sport féminin est fortement sous-représenté dans les médias français, exception faite des Jeux Olympiques d’été. Qualitativement car les journalistes de sport – qui sont majoritairement des hommes – véhiculent fréquemment une représentation stéréotypée du sport féminin. Les femmes reçoivent par exemple plus de commentaires sur leur apparence physique que les hommes. Elles sont également plus souvent critiquées et leurs réussites sportives sont fréquemment dévaluées. Plus préoccupant, on constate que les femmes sont essentiellement dépeintes dans des sports « sexuellement appropriés » comme la danse, le patinage artistique ou la gymnastique qui mettent en avant des compétences « féminines » comme la « grâce ». Elles sont donc de fait exclues de la couverture des sports perçus comme « masculins » et mettant en avant des compétences comme la « puissance » ou l’« agressivité », à l’instar du football ou du rugby, qui sont aussi les plus médiatisés. Cette division sexuée des sports reste toutefois une construction culturelle très spécifique à chaque pays. Le football est par exemple perçu comme une pratique « féminine » aux États Unis.

 

« Une division sexuée des sports »

 

Partant de là, l’exposition médiatique dont va bénéficier le football féminin lors de cette Coupe du Monde va permettre – temporairement – d’obtenir un surplus de visibilité et, si les commentaires journalistiques ne véhiculent pas (trop) de stéréotypes, de modifier les représentations sociales liées à ce sport. Or, une modification des représentations sociales et la mise en avant de certaines joueuses peut avoir un impact important sur la pratique d’un sport féminin. En effet, des études ont montré une influence positive et significative des modèles sportifs (« role models ») sur le taux de pratique sportive des individus. Cet effet est encore plus puissant quand le « rôle model » choisi est du même sexe. Or, les biais quantitatifs et qualitatifs évoqués précédemment conduisent, dans de nombreuses pratiques, à une absence/rareté de modèles sportifs pouvant inspirer les jeunes filles/femmes. Ces dernières se sentent par conséquent moins légitimes dans la pratique sportive institutionnalisée et/ou compétitive. Ceci est fort dommageable à double titre. D’une part, de nombreuses études ont montré les effets positifs de la pratique sportive modérée sur la santé des individus. D’autre part, pour de nombreuses fédérations, les pratiquantes restent le dernier réservoir important de licenciées potentielles. Cette Coupe du Monde est donc une opportunité importante pour la FFF de promouvoir le football féminin et d’augmenter significativement son nombre de licenciées. Va-t-elle être saisie ?

www.u-bordeaux.fr

 

Retrouvez cet article dans la revue Sport et Citoyenneté n° 46 Sport et Genre



Sport et citoyenneté