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Entretien exclusif

Roxana Maracineanu, Ministre française des Sports

 

 

Nommée ministre des Sports en septembre dernier, l’ex-nageuse Roxana Maracineanu était l’une des invitée de marque de la conférence « Sport et Emplois » coorganisée par Sport et Citoyenneté, la Fédération nationale Profession Sport & Loisirs et le CoSMoS le 16 janvier dernier. En exclusivité, elle nous partage sa feuille de route en matière d’emplois, appelée « PACK SPORT EMPLOI ».

 

Propos recueillis par Julian JAPPERT et Sylvain LANDA

 

Comment atteindre les objectifs ambitieux annoncés d’ici 2024 pour faire de la France une nation plus sportive ?

RM : En fixant un objectif de 3 millions de pratiquants supplémentaires, le Président de la République souhaite répondre aux enjeux de cohésion de notre société, aux enjeux de santé publique, d’économie aussi, et au-delà, aux enjeux de rayonnement de notre pays. Le sport devra représenter 2% du PIB national d’ici 2022 contre 1,8% aujourd’hui. J’ai donc l’obligation et le désir d’aider l’ensemble des acteurs du sport à se développer, pour que l’économie sportive soit plus forte, et plus solide.

 

En l’espace de 20 ans, la place du sport dans la société s’est accentuée. La demande sportive s’est intensifiée, ce qui offre de fortes potentialités d’emplois, notamment pour les jeunes. Comment votre ministère entend-il accompagner ce mouvement ?

RM : L’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris en 2024 est un premier challenge. La politique de l’emploi sportif doit servir notre capacité à réussir dans les compétitions, mais en même temps permettre de donner aux jeunes un rôle et une qualification. L’emploi sportif s’inscrit dans l’obligation qui est la nôtre de réussir l’héritage des JOP Paris 2024.

Ensemble, nous devons viser une augmentation des emplois qualifiés pour répondre :

  • Aux attentes des Français, avec plus de pratiques sportives sur leur lieu de travail, une meilleure expérience client à l’heure du digital ou des lieux sportifs plus ouverts et accessibles.
  • Aux enjeux de société : accroître la place du sport à l’école, sécuriser les usages et les pratiquants, participer aux politiques de prévention et de soin.
  • Au devoir de cohésion : le sport est créateur de lien social, il doit permettre d’offrir des filières d’insertion pour les jeunes, là où ils vivent c’est-à-dire dans tous les territoires, grâce à des emplois non délocalisables.

 

L’emploi sportif est dynamique mais il reste marqué par certaines faiblesses structurelles, renforcées par des éléments conjoncturels (réduction des contrats aidés, baisse des subventions…) qui le fragilisent. Comment jugez-vous la situation actuelle ?

RM : L’emploi sportif a de nombreux atouts. Depuis 20 ans, il a connu une croissance continue de ses effectifs (+3,5% par an en moyenne, trois fois plus vite que dans l’ensemble de l’économie).

Le Centre National de Développement du Sport (CNDS) participe activement à l’emploi sportif qualifié. Il a financé près de 5 000 emplois, au bénéfice notamment des quartiers prioritaires, de la pratique féminine, et des publics porteurs de handicap. Avec 79% des emplois pérennisés, c’est un dispositif moteur.

Le CNDS intègrera la future Agence du sport ces prochaines semaines, mais je vous confirme que le volume d’emplois soutenus pour 2019 sera maintenu

 

Cette dynamique ne doit pas masquer un emploi sportif encore trop morcelé. Il reste marqué par la saisonnalité, le temps partiel et les contrats précaires. Les aides publiques historiques en matière d’emploi ont été un véritable moteur de développement, mais nous devons nous en affranchir progressivement. C’est l’exemple de la transformation des contrats aidés en parcours emploi compétences.

Nos clubs et nos associations se complexifient et exigent des salariés et des dirigeants une professionnalisation accrue. On attend d’eux qu’ils soient dans une démarche entrepreneuriale, tout en créant de la valeur sociale. Nous devons les accompagner pour les aider à concilier ces deux objectifs

 

Quelles seront vos actions à venir ?

RM : Pour libérer les emplois de demain, notre feuille de route, appelée « PACK SPORT EMPLOI », répond à trois enjeux : Accompagner, Simplifier, Innover.

L’accompagnement sera réalisé dans trois dimensions : auprès des individus, auprès des structures et pour développer les partenariats.

Je souhaite par exemple développer les certificats complémentaires, et doter les salariés de nouvelles compétences en matière d’entreprenariat, de communication, de développement… Il faut imaginer ces certificats comme autant de briques se greffant sur un diplôme professionnel existant. Nous devons construire un système plus souple en la matière.

Pour accompagner les structures, je mobiliserai un million d’euros pour aider la structuration des groupements d’employeurs non marchands et amplifier le recours à l’emploi de qualité mutualisé. C’est un outil clé pour le développement de l’emploi.

Au niveau partenariats, je mets en place une task-force afin de développer les services sportifs fédéraux et l’hybridation des financements. Il s’agit demain d’allier performances économiques et sociales. Certains acteurs associatifs l’ont parfaitement réalisé, et il doit être possible de diffuser les bonnes pratiques.

Je lancerai un appel à expérimentation fédérale et territoriale « Économie Sociale et Solidaire » pour permettre le changement d’échelle dans le développement des modèles coopératifs et des groupements d’employeurs.

Simplifier, c’est rendre moins complexe l’environnement de l’emploi. J’ai déjà lancé un chantier autour de la proportionnalité réglementaire des certifications. Aujourd’hui tous les métiers sportifs obéissent à la même réglementation ; pourtant tous les sports ne répondent pas aux mêmes exigences. Il faut distinguer aussi une finalité de performance sportive d’une finalité de pratique de loisirs, et ainsi graduer les exigences et les prérogatives selon les besoins des publics.

Simplifier, c’est aussi poursuivre mon action et porter la parole des acteurs sportifs au sein des chantiers interministériels.

En matière d’innovation, je souhaite pour les jeunes des trajectoires de qualification innovantes. Avec la ministre du Travail, j’ai obtenu que le dispositif SESAME soit retenu comme dispositif innovant et permette le déclenchement des crédits « Fond Initiative Emploi » dans un parcours de qualification. Nous avons un objectif de 5000 jeunes en parcours individuel de qualification.

Innover, c’est aussi oser faire évoluer le modèle associatif. Permettre par exemple de tester les outils de l’économie sociale et solidaire comme les SCIC ou les coopératives d’activité et d’emploi. Ce sera l’objet d’une « rencontre des solutions sur l’emploi sportif » que nous organiserons prochainement.

Pour que le sport et l’emploi sportif prospèrent, nous avons besoin de l’énergie de chacun, de nos différences, de nos savoir-faire et de notre créativité. Faire mieux ensemble : c’est la devise que je propose pour cette nouvelle année.



Sport et citoyenneté