Apprendre en bougeant !

par Sylvain LANDA, Directeur éditorial, Think tank Sport et Citoyenneté

 

 

La pratique d’une activité physique régulière est essentielle pour la bonne santé et des individus, notamment des enfants et des jeunes, en permettant de lutter contre les effets néfastes de la sédentarité. Face à constat, le cadre scolaire apparaît comme un environnement à privilégier. Pourquoi ? D’abord parce que les habitudes (bonnes ou mauvaises) s’acquièrent très tôt. Ensuite, parce que l’une des forces de l’école est qu’elle est accessible à quasiment tou.tes les jeunes aujourd’hui. En France, le taux de scolarisation est proche de 100% dès la scolarisation obligatoire (3 ans). C’est donc le seul lieu où les actions peuvent s’appliquer à une génération entière.

Un angle qui est moins développé dans la thématique du sport à l’école porte sur les bénéfices significatifs qu’il peut générer en matière d’apprentissage. Les aptitudes physiques étant complémentaires des autres apprentissages, leur mise en lien, dans un cadre d’apprentissage interdisciplinaire, ne peut qu’aider les jeunes à se développer et se structurer socialement. L’UNESCO a d’ailleurs identifié les différentes composantes d’une éducation de qualité, laquelle inclut l’éducation physique, le sport et le jeu.

Ainsi, plusieurs études menées à travers le monde démontrent que la pratique adaptée d’une activité physique permet de contribuer à leur développement social en leur fournissant des occasions de s’exprimer, en améliorant leur confiance en eux, en favorisant leur intégration sociale et leurs capacités d’interaction[1]. Un lien de corrélation entre l’activité physique et l’amélioration des résultats scolaires a aussi pu être été établi[2]. L’activité physique a également des effets bénéfiques sur les performances cognitives, sur l’attention, la mémorisation et la concentration en classe[3].

Or, l’espace et les temps scolaires ne sont pas toujours propices à l’activité physique. Des expérimentations ont donc été menées à travers le monde pour promouvoir l’apprentissage par le sport. En Finlande par exemple, le programme « Schools on the Move », réunissant aujourd’hui plus de 90% des écoles du pays, a pour objectif d’augmenter les temps d’activité physique quotidienne des enfants durant le temps scolaire. Il peut prendre des formes variées, comme des séquences d’apprentissage en mouvement, où les élèves sont invités à se lever de leur chaise pour suivre les leçons. Autre exemple, en Afrique du Sud, le programme « Move it, Moving Matters » permet aux enfants âgé.es entre 8 et 12 ans de pratiquer une activité physique durant le temps scolaire afin de faciliter le développement des compétences motrices. Aujourd’hui, plus de 11,000 enfants venant de 42 écoles différentes participent à ce programme. Basé sur la méthodologie pluridisciplinaire « read-do-write », le programme combine l’activité physique avec des exercices de lecture et de rédaction.

De même, l’apport du numérique est rarement intégré dans ces expérimentations, alors que les jeux numériques peuvent être envisagés comme des opportunités à saisir. De nombreux ingénieurs et artistes proposent aujourd’hui des outils ludiques pour bouger, à l’image des projets développés au CRI (Centre de recherche Interdisciplinaire) par le Motion Lab. Un exemple est le Hitbox, un sac de boxe connecté, à visée pédagogique, développé en 2019.  L’idée est de s’appuyer sur les mécanismes fondamentaux du numérique et des jeux vidéo, qui conduisent à un fort engagement, pour les mettre au service du mouvement et des apprentissages. Un autre intérêt d’intégrer le numérique dans l’apprentissage par le sport est qu’il permet de facilement collecter des données et des chiffres. Ainsi, il est possible de mesurer l’impact de l’outil, permettant une adaptation en continu et de soutenir l’expérimentation. Un autre exemple est le projet Gymnase Augmenté qui mêle pédagogie et réalité augmentée pour encourager l’apprentissage par le mouvement.

En associant chercheur.se, enseignant.e et élève ; de tels projets donnent du sens au mouvement, en servant de support aux apprentissages, à l’éveil et à la construction des enfants. Ils permettent aussi d’améliorer la connaissance, la compréhension et l’appréciation des multiples bienfaits d’une activité physique régulière, en accompagnant l’enfant dans la compréhension et l’appréciation de ces bienfaits. Pourquoi pas, donc, placer le mouvement au centre de l’apprentissage pour mettre à profit les bénéfices sociaux de l’activité physique ? Au-delà des considérations sanitaires, apprendre en bougeant permet de penser l’éducation différemment, de manière créative, ludique, et efficace.

Lors d’un colloque organisé fin 2017, Sport et Citoyenneté a réuni plusieurs organisations engagées sur ces sujets, comme le CRI et l’USEP. La perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 nous offre une excellente opportunité pour expérimenter à plus grande échelle de tels projets. Par ailleurs, la Semaine Olympique et Paralympique se termine, pendant laquelle les établissements scolaires ont répondu à l’appel au 30 minutes d’activité physique quotidienne. Nous sommes prêts à relever ce défi !

 

[1] Voir par exemple : Dyson, B. & Casey, A. (2012). Cooperative Learning in physical education: A research-based approach. London: Routledge; Bailey, R., Armour, K., Kirk, D., Jess, M., Pickup, I., & Sandford, R. (2009). The educational benefits claimed for physical education and school sport: An academic review. Research Papers in Education, 24(1), 1-27; Papaioannou, A. G., Appleton, P. R., Torregrosa, M., Jowett, G. E., Bosselut, G., Gonzalez, L., & Zour- Banos, N. (2013). Moderate-to-vigorous physical activity and personal well-being in European youth soccer players: Invariance of physical activity, global self-esteem and vitality across five countries. International Journal of Sport and Exercise Psychology, 11(4), 351-364.

[2] Lundvall, S. (2015). Physical literacy in the field of physical education. A challenge and a possibility, Journal of Sport and Health Science.

[3] Voir par exemple : Howie, E. K, Beets, M.W., Pate, R.R. (2014). Mental Health and Physical Activity; Ma, J. K., Le Mare, L., Gurd, B. J. (2014). Four minutes of in-class high intensity interval activity improves selective attention in 9 to 11 years old; Hillman, C. H., Erickson, K. I., & Kramer, A. F. (2008). Be smart, exercise your heart: exercise effects on brain and cognition. Nature Reviews Neuroscience, 9(1), 58.

 

 





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