« La baisse des crédits Sport est un mauvais signal
adressé au sport pour tous »

Régis Juanico est député Nouvelle Gauche de la 1ère circonscription de la Loire. Il est également secrétaire de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et co-président du groupe de travail sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024.

 

Les débats autour du projet de Loi de Finances 2018 (PLF2018) ont été animés ces dernières semaines, notamment en ce qui concerne les crédits Sport. Où on est-on aujourd’hui en termes de procédure parlementaire ?

RJ : Le PLF2018 a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Il va désormais passer en examen puis en discussion au Sénat. Globalement, si on prend l’ensemble des crédits « Sport », à la fois du budget général (« Programme 219 ») et du Centre National de Développement du Sport (CNDS), nous sommes passés de près de 520 millions d’euros l’an dernier à 480 millions d’euros pour l’année 2018, ce qui représente une baisse effective de 7%. C’est un signal assez négatif quelques semaines après l’obtention des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024.

En cours de séance, un amendement du gouvernement a créé dans la mission « Sport, jeunesse et vie associative » une nouvelle ligne budgétaire à hauteur de 48 millions d’euros, qui concerne avant tout les JOP. Ces crédits portent sur les besoins de fonctionnement de « Solidéo » qui est la structure chargée de la délivrance des infrastructures, notamment du village des athlètes, de la piscine olympique et du village média. On ne peut donc pas considérer que ce sont des crédits spécifiquement dédiés au sport et à la pratique sportive, de haut niveau ou de masse. Le gouvernement avance que le budget est à peu près stable (-1%), mais la réalité budgétaire précise que c’est une baisse sensible de 7% des crédits et surtout une économie imposée au CNDS, qui est l’opérateur de l’État en matière de sport pour tous. Cela aura des conséquences inévitables sur le programme et les actions du CNDS notamment vers les territoires carencés, les publics les plus éloignés de la pratique sportive et les 5000 emplois sportifs qualifiés. Mais aussi pour les clubs, les comités, les ligues, le mouvement sportif décentralisé, qui seront moins bien subventionnés et en moins grand nombre. Certaines incertitudes persistent également à propos du plan outre-mer par rapport au rattrapage qui concerne les équipements sportifs.

Le PLF 2018 prévoit la suppression du prélèvement exceptionnel de 0,3% sur les jeux de la FDJ, qui visait à dégager 25 millions d’euros par an d’ici 2024 pour le consacrer au fond d’héritage Paris 2024, ainsi que l’abaissement du plafond de la taxe Buffet de 40 à 25 millions d’euros. Si cela se confirme, comment expliquer cette position ?

RJ : J’ai eu l’occasion de partager cette inquiétude en commission élargie et en séance publique. Je regrette la façon dont les taxes affectées au financement du CNDS ont été abaissées.

Le gouvernement a décidé de supprimer le prélèvement exceptionnel de 0,3% sur les jeux de tirage et de grattage, un prélèvement qui avait été voté par amendement à l’unanimité l’an dernier lors du PLF 2017. Ce prélèvement exceptionnel avait été prolongé de 2018 à 2024, pour en faire un fond de 25 millions d’euros par an destiné à financer l’héritage sportif et territorial de Paris 2024, notamment en termes d’infrastructures dans les territoires. Cette suppression envoie un mauvais signal. Même si le gouvernement a assuré que ce financement serait maintenu via les crédits du CNDS, on supprime quand même le prélèvement qui le finançait directement.

Le gouvernement a également décidé de diminuer fortement le rendement de la taxe Buffet en le déplafonnant. On passe ainsi de 40 millions chaque année à 25 millions d’euros. Là aussi cela pose problème, car la taxe Buffet, qui est la taxe sur la cession de droits télévisés d’événements sportifs, représente le marqueur symbolique de la solidarité entre le sport amateur et professionnel. On donne le sentiment qu’en passant de 40 à 25 millions d’euros, on diminue cet effort de solidarité.

La France accueillera beaucoup d’événements sportifs ces prochaines années. On demande également beaucoup au sport pour répondre aux enjeux de société. Aujourd’hui, le secteur a-t-il les moyens de ses ambitions ?

RJ : Nous avons l’objectif de recevoir d’ici 2024 beaucoup d’événements sportifs internationaux majeurs, comme la Ryder Cup de golf 2018, la coupe du monde féminine de football 2019 ou encore la coupe du monde masculine de rugby 2023. Il faut pouvoir programmer avant ces grands événements sportifs internationaux et dans la dynamique des JOP un héritage sportif et territorial qui nous permette d’accueillir plus de licenciés. Il faut faire cet effort, car les grands événements sportifs permettent un éclairage sur une discipline, par exemple sur le rugby féminin, le rugby à VII, le rugby de loisir, le rugby scolaire… L’organisation de compétitions est très importante mais tout ce qui se passe en amont/aval, ce qu’on appelle l’héritage sportif, territorial et sociétal, est tout aussi important. Cet héritage doit toucher tous les territoires et notamment les plus dépourvus.

Un dernier point au niveau du budget du CNDS. Le ministre de l’action et des comptes publics a annoncé le déblocage d’une enveloppe de 20 à 30 M€ supplémentaire dans le PLF Rectificatif. Que pensez-vous de cette proposition ?

RJ : Nous espérons que ce soit plutôt une enveloppe de 30 millions supplémentaire ! Comme vous le savez le CNDS finance des équipements sportifs à dimension structurante au niveau régional. Le financement d’équipements de dimension nationale, qui relevait jusqu’à maintenant du CNDS, va repartir sur le budget Sport. Que ce soit pour les grands événements sportifs internationaux ou les équipements structurants territoriaux, les engagements pris sont pluriannuels. Les sommes sont décaissées du CNDS au fur et à mesure, parfois sur plusieurs années. Des restes à payer existent donc par rapport aux engagements financiers pris, qui sont de l’ordre de 180 millions. En loi de finances rectificative, le ministre des comptes publics s’est engagé à consacrer 30 millions d’euros à ces restes à payer, ce qui permettra au CNDS d’essayer de mieux absorber, même si ça sera compliqué et même s’il y aura forcément des conséquences, les 64 millions d’économie pure qu’on lui inflige pour 2018.





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