Charte d’éthique et de déontologie du CNOSF :
en progrès, mais peut mieux faire

 

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Par Colin Miège, président du comité scientifique du think tank Sport et Citoyenneté

 

C’est dans une certaine discrétion que le CNOSF a adopté une nouvelle charte d’éthique et déontologie lors de son Assemblée générale du 23 mai 2022. Ce texte remplace la précédente charte qui avait été adoptée en mai 2012, dont l’indigence et le caractère largement obsolète étaient devenus patents. Ce faisant, le CNOSF se conforme à l’obligation qu’édicte le code du sport[1].

On peut être surpris de la modestie de l’instance dirigeante nationale à cet égard, alors que les questions d’éthique et de déontologie dans le sport ont rarement été autant à l’ordre du jour. De surcroît, les principes définis par la charte du CNOSF ont vocation à être repris dans la charte que chaque fédération délégataire est tenue d’établir à son tour[2]. Plus largement, le préambule indique que les éléments de cette charte, dite « du sport français », « sont transposés par les fédérations adhérentes du CNOSF, au besoin en les adaptant ou en les complétant ».

Il parait donc légitime de présenter synthétiquement les lignes de la nouvelle charte, compte-tenu de son importante, mais aussi de la faible publicité dont elle semble avoir fait l’objet.

Un texte en sensible amélioration

Elaborée il y a une décennie, la précédente charte était divisée en quatre titres, et comprenaient 16 « principes »  Ce texte verbeux et redondant, truffé de nombreux truismes du genre « l’école est un lieu idoine d’enseignement et de mise en pratique des valeurs du sport », méritait à l’évidence d’être entièrement revu. La nouvelle charte adoptée en mai dernier résulte d’une refonte en profondeur, et se présente sous la forme de 16 articles, répartis dans les quatre titres suivants : 1 . Principes Républicains et valeurs du sport ; 2. L’éthique des acteurs du sport ; 3. L’éthique et la déontologie des organisations sportives ; 4. L’éthique des partenaires du sport. Précédé d’un court préambule, ce texte est beaucoup plus resserré que le précédent, ce qui est un avantage certain lorsqu’on aspire à être lu jusqu’au bout. Le titre premier qui fait référence aux principes Républicains est évidemment dérivé de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a ajouté à l’article L143-3-1 du code du sport la phrase suivante : «  Le CNOSF établit une charte du respect des principes de la République dans le domaine du sport ». Il est difficile toutefois d’imaginer que le CNOSF s’engage dans l’élaboration une charte spécifique à ce titre, et qu’il n’opte pas pour une charte unique. Toutefois les quatre articles qui composent le titre I de la nouvelle charte sont assez allusifs à cet égard, en n’évoquant que la laïcité (art. 2) et le refus de toute forme de discrimination (art. 3), sans mentionner le contrat d’engagement républicain, rendu pourtant obligatoire pour toute association qui souhaite être reconnue et subventionnée par les pouvoirs publics[3]. Dans ce registre comme dans d’autres, la charte adoptée semble donc perfectible.

Des améliorations pourraient encore être apportées

On peut observer que la prévention des agressions sexuelles n’est pas mentionnée en tant que telle, alors que leur existence dans le sport est révélée chaque jour davantage. Pudiquement, la charte préconise simplement « la préservation de l’intégrité morale, physique et psychique des sportifs, et notamment des mineurs » (art. 21) . On se serait attendu à une formulation plus exigeante en la matière…

Les puristes noteront aussi que parmi les textes de référence cités en annexe,  certains sont assez franchement obsolètes ou éloignés du sujet : ainsi par exemple est cité  le plan de travail de l’Union européenne en faveur du sport (2017-2020), alors que celui-ci  a été suivi d’un autre pour la période 2021-2024. On relève surtout l’absence regrettable de référence à la Charte européenne du sport révisée, qui a été adoptée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe  le 13 octobre 2021. Ce texte essentiel aurait pu servir de guide à la charte du CNOSF, qui semble l’avoir ignoré, dans une conception quelque peu franco-française de sa démarche. Pour ces raisons, la charte adoptée par le CNOSF, bien qu’en amélioration, apparaît encore assez éloignée des standards internationaux, que l’on retrouve dans les textes adoptés par diverses instances sportives internationales.

Reste enfin à s’interroger sur la diffusion des dispositions de la nouvelle charte au sein du mouvement sportif fédéré autour du CNOSF. Dans leur rapport d’évaluation de la loi du 1er  mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport[4], les députés Roussel et Juanico observaient que près de 20 % des fédérations délégataires n’avaient pas établi de charte d’éthique en juillet 2020, et notaient que les retards observés dans l’établissement de ces chartes d’éthique « ne manquaient pas d’interroger sur le degré d’adhésion au dispositif légal » instauré par la loi précitée. On peut souhaiter le CNOSF, rendu conscient des attentes de l’opinion publique quant au respect de l’éthique et de la déontologie dans le sport, s’efforce à présent de promouvoir la charte qu’il vient d’adopter, et s’assure que les fédérations qu’il regroupe la transposent effectivement. Il appartient aussi au ministère des sports de veiller à ce que les dispositions légales en la matière soient bien respectées.


[1]  « Le Comité national olympique et sportif français veille au respect de l’éthique et de la déontologie du sport définies dans une charte établie par lui » (Code sport, art. L141-3).

[2]En vertu de l’article  L131-15-1 du code du sport, qui dispose que « Les fédérations délégataires, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées, établissent une charte d’éthique et de déontologie conforme aux principes définis par la charte prévue à l’article L. 141-3 ».

[3]Cf le décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 approuvant le contrat d’engagement républicain des associations et fondations  bénéficiant de subventions publique ou d’un agrément de l’État.

[4] Loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des club.s





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