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Comment les migrants nouvellement arrivés en Europe accèdent-ils au sport ?

Par Julien Puech, Doctorant au sein du laboratoire VIPS2, Université de Rennes 2[1]

Des programmes sportifs destinés à des migrants aux statuts variables se multiplient depuis la crise de 2015 en Europe.

Le droit au sport pour tous constitue une valeur universellement proclamée par les principaux acteurs politiques et sportifs européens. Pourtant, les recherches sociologiques ont souvent mis en évidence l’existence de discriminations insidieuses et déterminantes des trajectoires sportives. En leur sein, des études récentes montrent que la plupart des migrants nouvellement arrivés n’accèdent pas facilement aux offres sportives classiques. Par exemple, l’ouverture formelle des activités sportives aux réfugiés statutaires ne suffit pas à assurer leur participation. Ces barrières invisibles se doublent d’obstacles juridiques pour les migrants dont le statut plus précaire illégitime la participation à la vie citoyenne du pays d’accueil. Parmi eux, les demandeurs d’asile et les déboutés ne possèdent pas de reconnaissance légale de leurs droits sur le territoire. Les pratiques sportives traditionnelles leur sont de ce fait inaccessibles. Parviennent-ils, malgré tout, accéder à des activités sportives organisées ?

« Des modalités distinctes d’accès au sport »

A partir d’un recensement de plus de 250 projets sportifs européens, nous avons mis en évidence des relations entre différents pays d’accueil, profils de programmes sportifs (ONG à vocation sportive ou non, clubs sportifs existants ou spécifiquement créés) et catégories de migrants accueillis. Même si la réalité des situations singulières est infiniment plus complexe, nous observons que le statut des migrants les rend dépendants de modalités distinctes d’accès au sport. La plus représentée consacre une pratique sportive instituée et destinée aux migrants dont la présence sur le territoire est acceptée. Cette modalité s’observe principalement dans les Pays nordiques et en Allemagne, où les clubs sportifs existants ont accueilli de nombreux réfugiés. Elle peut s’expliquer Outre-Rhin par un important engagement bénévole, encouragé et soutenu par les confédérations sportives des Länder en lien avec l’Office fédéral pour la migration et les réfugiés. D’autres modalités d’accès aux pratiques sportives, plus séditieuses, s’observent également. En Italie, des clubs sportifs se sont récemment créés afin de permettre l’accès à des compétitions sans distinction de statut. En France, en Grande-Bretagne ou en Grèce, diverses ONG, proposant des activités sportives variées et adaptées aux problématiques que rencontrent les migrants, revendiquent parfois ouvertement leur aveuglement aux statuts plus ou moins légaux. Ces modalités alternatives laissent à penser qu’une politique d’accueil de plus faible portée ouvre un espace exploité dans le champ sportif par de nouveaux acteurs redéfinissant localement les droits des migrants. Pour compléter une telle analyse macroscopique, très générale, il conviendrait d’appréhender plus précisément la manière dont ces différentes modalités typiques se concrétisent. Analyser les programmes sportifs destinés aux migrants permet alors de mieux saisir la dimension politique du sport, au-delà des visions idéalisées d’une pratique apolitique et universelle.

[1] Julien Puech conduit depuis septembre 2020 une thèse intitulée « Analyse des philosophies politiques des usages du sport dans l’accueil des migrants en Europe, et de leurs réceptions par les bénéficiaires. Vers une sociologie du sensible dans les pratiques d’inclusion par le sport », sous la direction de François Le Yondre (Université de Rennes 2) et de Jane Freedman (Université de Paris 8).



Sport et citoyenneté