Elections à la FIFA :

quel candidat pour quels enjeux ?

15 mars 2016

Hamdi Benslama, Chargé de mission du Think tank Sport et Citoyenneté

 

« Nous avons passé une période difficile. C’était un test pour le football et ses dirigeants. En tant que capitaine, je peux dire que la tempête est derrière nous ». On peut espérer que le président de la FIFA qui sera élu aujourd’hui puisse conclure son mandat, dans quatre ans, sur ces mots. C’est en réalité une phrase prononcée par Sepp Blatter en 2013, qui annonçait alors ses réformes en matière de gouvernance et de transparence. 99% des fédérations nationales, réunies en Congrès, avaient voté favorablement ces réformes. Trois ans plus tard, et au vu des rebondissements de ces derniers mois, on peut se demander s’il faut attendre grand-chose de l’élection d’aujourd’hui.

Pour comprendre cette élection, il faut regarder le bilan de Sepp Blatter. Et là, il faut bien lui reconnaître un certain talent et le mérite d’avoir fait de la FIFA une véritable instance mondiale et mondialisée. C’est sous son mandat que les Coupes du Monde ont été attribuées pour la première fois en Asie, en Afrique et dans un pays arabe. C’est aussi sous sa présidence que les recettes générées par la Coupe du Monde, environ 80 à 90% des revenus de la FIFA, sont passées de 1,94 milliards de dollars en 2002 à 5,7 milliards en 2014. Ces chiffres parlent pour lui. Mais un tel bilan ne serait pas possible sans le « système Blatter » et le mode de gouvernance mis en place. C’est là tout le paradoxe de sa présidence. C’est en « offrant » une Coupe du Monde à l’Afrique et l’Asie qu’il a garanti sa réélection. C’est une habile gestion et redistribution des mannes financières générées par les Coupes du Monde qui lui ont permis de se maintenir à la tête de la FIFA. Même s’il s’avère être blanchi dans les affaires en cours, il a mis en place un système de gouvernance profondément politisé et dont l’objectif semblait être sa réélection avant tout. Alors que son bilan sportif et commercial semblait profiter au monde du football, Blatter lui a en réalité porté un coup dont on ne peut encore mesurer tous les effets. Ce sera ça le vrai défi pour la FIFA : se débarrasser de ce système de gouvernance dans l’espoir d’améliorer l’image de ce « gouvernement du football mondial ». Privilégier l’image au détriment d’un vrai travail de fond serait une erreur.

La FIFA a officiellement validé cinq candidatures pour l’élection d’aujourd’hui : le Prince Ali (40 ans, Jordanie), Jérôme Champagne (57 ans, France), Gianni Infantino (45 ans, Suisse/Italie), le Sheikh Salman (50 ans, Bahrein) et Tokyo Sexwhale (62 ans, Afrique du Sud). Ceux qui ont les programmes les plus solides sur le papier ne seront certainement pas élus (J. Champagne – Prince Ali) ; ceux qui ont une chance d’être élus ont des programmes soit très flous (G. Infantino) soit élaborés à la dernière minute (Sheikh Salman) ; enfin le dernier ne semble pas vraiment faire campagne (T. Sexwhale). Pour remporter le vote au premier tour, il faut collecter 139 voix (1 fédération nationale = 1 voix). A défaut, ce sera les deux candidats arrivés en tête au premier tour qui s’affronteront à la majorité simple au deuxième tour. On estime que le Sheikh Salman est soutenu par 80-90 fédérations, juste devant G. Infantino dont on estime le soutien à 70-80 voix. Le Prince Ali, crédité d’environ 30 voix, pourrait être amené à jouer un rôle important en choisissant un candidat au second tour si le vote est vraiment serré au premier.

Bonita Mersiades de l’organisation Sporting Intelligence, a comparé le contenu des programmes de chacun des candidats avec les recommandations sur les réformes à mener dans le domaine de la gouvernance élaborées par le Pr. Roger Pielke. Elle constate que les candidats qui ont le plus de chance de gagner sont ceux qui proposent le moins de réformes préconisées par le Professeur Pielke. Sans constituer une méthode scientifique, son classement nous en apprend sur le niveau des programmes des prétendants sérieux à la Présidence de la FIFA. Elle conclut d’ailleurs que l’élection ne se jouera pas sur des idées mais sur les ententes en coulisses. Les Fédérations nationales ont pour la plupart choisis leurs candidats avant même que ces derniers publient leurs programmes. En d’autres termes, ces élections, qui se déroulent au moment où la FIFA et donc le football sont plus que jamais menacés, se jouent sur les bases du système Blatter : qui permettra de maintenir les avantages concédés par Blatter aux fédérations tout en donnant l’espoir d’un changement ? Le vote d’aujourd’hui nous le dira.





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