Dans le cadre de la campagne électorale, Sport et Citoyenneté a présenté une série de convictions et d’orientations pour renforcer la place du sport dans la société.
Dans le prolongement de cette réflexion, notre Think tank a interrogé les candidats à l’élection présidentielle ainsi que plusieurs parties prenantes sur leur vision du sport et sa place dans le débat politique actuel. Une série d’entretiens que nous vous proposons de découvrir dans cette rubrique.
« Faire du sport une grande cause nationale dès 2023 »
Interview de Yannick Jadot, candidat à l’élection présidentielle 2022
Le sport occupe une place centrale dans notre société, il se situe au carrefour de nombreuses politiques publiques (santé, éducation, aménagement du territoire…), pourtant son poids politique demeure encore accessoire. Quelle est votre vision du sport et la place que vous lui donnerez si vous êtes élu Président de la République ?
YJ : Le sport doit avoir une place centrale dans l’ensemble des politiques publiques et cela passe par un grand plan de développement des activités physiques et sportives à tous les âges de la vie.
Si je suis élu Président de la République le 24 avril prochain, je compte recréer un ministère des Sports de plein exercice, qui ne dépende pas de l’Éducation Nationale. On l’a bien vu depuis trois ans, Jean-Michel Blanquer n’a quasiment jamais parlé de sport et ça n’a pas été une priorité. On a besoin d’avoir un ministère fort avec des orientations stratégiques interministérielles, centré notamment sur la prévention en santé publique. Cela passe également par des moyens humains forts et la réaffirmation du rôle pivot des conseillers techniques sportifs pour assurer un service public su sport sur tous les territoires.
Enfin, pour que le sport est une place centrale dans la société je souhaite proposer un correctif budgétaire dès le mois de juillet afin de programmer en 3 ans un triplement du montant du budget des sports en 2025 afin d’atteindre 3 milliards d’euros, soit 1% du budget de la nation.
Cela permettra notamment de lancer un plan pérenne de soutien aux nouveaux équipements sportifs (design actif, mobilités actives) et de rénovation des équipements sportifs les plus anciens, qui s’adresse à toutes les collectivités territoriales, un soutien financier au fonctionnement des 450 Maisons Sport-Santé, l’instauration d’un fonds d’Héritage Paris 2024 de l’État plus ambitieux et un véritable soutien du sport amateur.
Notre pays traverse une crise sanitaire inédite, dont les effets demeurent encore difficiles à mesurer. Le sport a particulièrement souffert lors de cette période (impact sur le nombre de licences, sur l’engagement bénévole, sur les recettes économiques des clubs professionnels…). Quelles mesures concrètes mettrez-vous en œuvre pour relancer le sport à la rentrée 2022/2023 ?
YJ : Premièrement, je souhaite faire du mois de septembre un mois de fête du sport rassemblant toutes les initiatives existantes du mouvement associatif sportif et olympique : forums associatifs, journées de la forme, semaine olympique et paralympique…
Je souhaite pour ma part faire du sport une grande cause nationale dès 2023, avant même les Jeux de Paris 2024 pour en réussir l’héritage sportif, territorial et sociétal, partout en France, en direction de tous les publics, en particulier ceux les plus éloignés de la pratique sportive : para-sports, sport au féminin, territoires urbains ou ruraux…
Nous envisageons des mesures fortes avec notamment l’élargissement du coupon sport actuel en un véritable « Pass’sport’ sans condition de ressources incluant les étudiants jusqu’à 20 ans avec un montant financier équivalent au « Pass Culture » de l’ordre de 300 euros par jeune (reprise de licence dans les clubs, achat d’équipements sportifs…).
Je souhaite également renforcer la reconnaissance des bénévoles sportifs. Pour les actifs, avec une réduction du temps de travail, l’élargissement du compte d’engagement citoyen et du congé d’engagement bénévoles, l’intégration de la durée du bénévolat responsable dans le calcul des trimestres requis pour le départ à la retraite, l’âge légal étant maintenu à 62 ans.
De plus, nous souhaitons passer le nombre de service civique de 130 000 à 500 000 jeunes par an et instaurer 300 000 emplois aidés pour soutenir les associations dont celles du secteur sportif.
Une autre crise sanitaire couve, celle liée à l’augmentation des temps sédentaires et à la baisse des niveaux d’activité physique. Comment comptez-vous traiter cet enjeu lors des cinq prochaines années ?
YJ : Dans leur rapport parlementaire paru en juillet 2021, les députés Régis Juanico et Marie Tamarelle qualifie la sédentarité de « bombe à retardement sanitaire ». C’est particulièrement préoccupant pour les jeunes générations avec 50% des 11-17 ans qui sont dans un risque sanitaire « très élevé » du fait de leur sédentarité avec 4h30 de temps écran et moins de 20mn par jour ou pour la population générale, avec 95% de la population qui ne fait pas assez d’activité physique.
Face à ce constat, la lutte contre les modes de vies sédentaires doit constituer le fil rouge des politiques de prévention en santé publique à tous les âges de la vie.
Pour commencer, je propose au moins 1 heure d’activité physique et sportive par jour à l’école, en complément de l’EPS. Cela passe par le trajet domicile-école, par l’aménagement des cours de récréation, par un changement d’organisation des classes, par le renforcement de l’EPS ainsi que la généralisation de l’USEP, association sportive scolaire dans le 1er degré dans toutes les écoles. Cela passera également par le renforcement de la formation initiale et continue des professeurs des écoles en activités physiques sportives et artistiques.
On a, je crois, raté ces deux dernières années de formidables opportunités pour généraliser des « campus actifs » pour les étudiants, fragilisés psychologiquement, physiquement et aussi isolés qui étaient demandeurs de liens sociaux, d’activités collectives en plein air. Je souhaite également prêter gratuitement un vélo de fabrication française ou de deuxième main, à tous les jeunes le souhaitant.
Je souhaite le développement des activités physiques en milieu professionnel et sur le lieu de travail par l’obligation de doter de douches et de vestiaires tous les nouveaux bâtiments à usage industriel ou tertiaire mais également en permettant à tous les adultes de se voir proposer 30 minutes d’activité physique et sportive par jour.
De plus, le coût financier des activités physiques adaptées étant encore un frein. Je propose un premier pas avec le remboursement des premières consultations médico-sportives pour la prescription de l’activité physique adaptée ainsi qu’une incitation financière pour les mutuelles qui prennent en charge financièrement les séances d’activité physique adaptée.
Pour finir, afin d’obtenir des données plus importantes et un suivi de la population sur leur conditions physique, je propose la généralisation des tests de condition physique à tous les âges de la vie que ce soit à l’école, en milieu professionnel, dans l’enseignement supérieur, dans les établissements sociaux et médico-sociaux et avant le départ en retraite.
De nombreux événements sportifs internationaux seront organisés en France au cours du prochain quinquennat. Au-delà de leur impact économique, comment être sûr de réussir leur héritage social ? Êtes-vous favorable au développement d’outils permettant d’évaluer avec précision les impacts de ces événements ?
YJ : Pour commencer, sur ce sujet, je propose que l’attribution des grands événements sportifs internationaux obéisse à un cahier des charges strict de respect des droits humains, sociaux et environnementaux.
Il est vrai que nous accueillons de nombreux événements sportifs internationaux en France au cours du prochain quinquennat mais plus largement, ce sont 2,5 millions événements sportifs organisés en France chaque année. Je propose de conditionner les subventions de l’Agence nationale du Sport, des fédérations sportives et des collectivités territoriales en direction des clubs organisateurs aux critères de la charte ministérielle d’éco-responsabilité.
Concernant les outils permettant d’évaluer avec précision les impacts de ces événements, il faut les développer et surtout valoriser leurs données. On a trop longtemps fait un focus sur l’impact économique des événements sportifs pour les territoires mais cela ne suffit pas aujourd’hui. Chaque solution et outil qui nous permettra d‘évaluer les impacts sociaux et environnementaux d’un événement sera pris en compte et mis en avant.
Les prochains événements sportifs internationaux devront être exemplaires sur le plan économique, social et environnemental et l’État doit être à leurs côtés pour réussir ce défi.