« Il ne peut pas y avoir de sport pour tous dans une société qui n’est pas pour tous »

 

Co-présidente de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (FSGT), ancienne candidate à la présidence du CNOSF, Emmanuelle Bonnet-Oulaldj siège au Conseil d’administration de notre Think tank depuis l’an dernier. Elle porte à nos côtés l’idée d’un sport plus inclusif et émancipateur.

Propos recueillis par Sylvain Landa

 

Emmanuelle Bonnet-Oulaldj,   

Responsable des affaires internationales puis coordinatrice générale de la FSGT, Emmanuelle Bonnet-Oulaldj a été élue aux côtés de Gérard Dizet à la coprésidence de la fédération en 2017. Il s’agit à ce jour de la seule fédération sportive à avoir instauré une direction collégiale et paritaire. Elle est aussi Secrétaire générale d’ID Orizon et siège au conseil d’administration du CNOSF et de l’Agence nationale du Sport.

 

 

« JE MILITE POUR UNE RECONNAISSANCE DE LA DIVERSITÉ DU MOUVEMENT SPORTIF »

Pour quelles raisons avez-vous souhaité vous engager à nos côtés ?
EBO : Pour moi, le sport est un domaine qui permet de s’émanciper. Avec l’activité physique, c’est une des seules activités culturelles qui touchent le corps et l’esprit. Je considère que pour être un citoyen ou une citoyenne éclairée, il faut avoir être capable de s’approprier ces deux dimensions. Le sport est un enjeu essentiel de liberté.

 

Le sport et l’activité physique n’est pas étanche aux problématiques de société. Quels sujets aimeriez-vous porter en tant qu’administratrice de notre Think Tank ? 

EBO : Il ne peut pas y avoir de sport pour tous dans une société qui n’est pas pour tous. À mes yeux, l’enjeu premier, c’est celui des inégalités. Il faut comprendre ces mécanismes, pour mieux les combattre. Pour cela, le déploiement de politiques publiques est nécessaire, en donnant plus de moyens au sport et en actionnant des leviers sur les contenus des activités. Je milite pour une reconnaissance de la diversité du mouvement sportif, car c’est cette diversité (des fédérations, des acteurs) qui fait que nous pourrons répondre aux différents besoins de la population.

Finalement, n’est-ce pas ce que vous avez appelé dans votre campagne pour la présidence du CNOSF le « droit au sport » ?
EBO : La devise de notre campagne était « Nous le sport 2021 ». Je suis une défenseuse du sport populaire, celui qui appartient à tout le monde. On pourrait penser que tout le monde a droit au sport. En réalité, beaucoup décrochent de la pratique sportive, soit parce qu’ils ne se retrouvent pas dans les activités proposées, soit parce que leur condition sociale ne leur permet pas de commencer/ poursuivre leurs activités, soit parce qu’ils subissent des discriminations ou des violences (d’ailleurs Sport et Citoyenneté m’a sensibilisée aux questions d’homophobie dans le sport). Cela me tient à cœur de comprendre tous ces phénomènes et de construire un sport « émancipateur » ; pour reprendre le premier mot que j’ai employé.

Le sujet de cette revue est l’accès des filles et des femmes au sport, et plus particulièrement aux métiers de l’encadrement sportif, où elles sont encore très minoritaires. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
EBO : C’est un fait, l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport n’est pas encore une réalité. Pour autant, le fait que les comités olympiques et paralympiques français soient présidés par des femmes sont des avancées non négligeables. Cela va entraîner, je l’espère, un mouvement de fond au niveau des postes de direction. Forcément, on retrouve ces inégalités dans l’accès aux métiers du sport. Dans la société comme dans le sport, on retrouve les femmes à des postes moins qualifiés que les hommes, notamment parce que la structuration de la société et la charge mentale et familiale incombent toujours davantage aux femmes. Mais je pense que cela va dans le bon sens.

DÈS LE PLUS JEUNE ÂGE, LE SPORT EST TOUJOURS CONSIDÉRÉ COMME UNE ACTIVITÉ GENRÉE

Ce frein n’est-il pas aussi lié à notre culture, à notre façon de considérer le sport en France ?
EBO : Je le pense. C’est une question culturelle, profondément ancrée en France, qui tend certes à évoluer. Mais on voit bien que, dès le plus jeune âge, le sport est toujours considéré comme une activité genrée, en tout cas en ce qui concerne les disciplines sportives. Forcément, cela se retrouve après dans l’accès aux métiers du sport. Il y a un vrai travail à faire dès l’école en valorisant l’EPS et en continuant de travailler sur les contenus, pour que chacun puisse pratiquer le sport de son choix.





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