Impulser une nouvelle dynamique
en faveur du bénévolat sportif


Sylvain LANDA, Directeur éditorial et Simon LAVILLE, Chargé de mission, Think tank Sport et Citoyenneté

 

À l’occasion de la journée internationale du bénévolat, qui se tient le 5 décembre de chaque année, les acteurs du sport étaient conviés lundi au Comité Economique Social et Environnemental (CESE) dans le cadre du cycle d’ateliers « Impulsion politique et coordination stratégique » lancé par la ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques Amélie Oudéa-Castera. Le même jour se tenait un séminaire de travail au CREPS des Pays de la Loire, réunissant les acteurs du sport ligérien. Une double occasion de se pencher sur la situation actuelle d’un bénévolat en pleine mutation.

 

 

Sport et bénévolat : les deux vocables sont indissociables tant l’importance des bénévoles dans le développement et la structuration du modèle sportif français et européen a été centrale ces dernières décennies. Le sport demeure ainsi le deuxième secteur d’engagement bénévole en France, réunissant près de 3,5 millions de personnes, parmi lesquels de nombreux jeunes. Cette forme d’engagement désintéressé est louée pour ses nombreux atouts : le renforcement du lien social, la découverte de l’autre, la prise de responsabilité, l’utilité sociale… L’engagement bénévole est en ce sens au cœur du concept de citoyenneté active, c’est-à-dire le fait de prendre une part active dans la vie de la Cité.

 

Un bénévolat impacté par la crise du covid

Où se situe le bénévolat aujourd’hui ? Après deux années de crise aux effets multiples, l’organisme Recherches & Solidarités a publié, en mai 2022, la dernière édition de son enquête « La France bénévole : Évolutions et perspectives ». Si cette enquête ne fait pas explicitement mention du secteur sportif, elle permet d’appréhender de manière précise le paysage bénévole français.

  • Ainsi, on apprend dans cette étude qu’un Français sur 5 a donné de son temps dans une association début 2022. Une tendance à la baisse depuis 2016, qui s’est accentuée entre 2019 et 2022 du fait de la situation sanitaire. Le secteur associatif aurait ainsi perdu environ 15% de ses bénévoles, avec un repli plus significatif chez les femmes que chez les hommes.
  • Au niveau générationnel, on observe un repli dans chacune des classes d’âge mais, contrairement aux idées reçues, de manière moins importante chez les jeunes (- de 35 ans) que chez les +65 ans.
  • D’un point de vue socio-professionnel, l’étude souligne une « fracture associative» assez nette selon le niveau de diplôme des bénévoles engagés dans les associations. Le nombre de bénévoles ayant un niveau d’étude inférieur ou égal au niveau bac diminue progressivement depuis 2016 (-9% pour ceux ayant un niveau bac par exemple).  Or, il est démontré que lorsque les bénévoles titulaires des formations les plus modestes franchissent le pas d’une association, ils sont plus enclins à lui consacrer du temps par la suite.
  • Enfin, en ce qui concerne justement la fréquence de l’engagement, près de 8% des bénévoles déclaraient donner du temps chaque semaine en 2022, alors qu’ils étaient 13% à le faire en 2010.

 

Ce net repli des bénévoles les plus impliqués confirme une nouvelle composition du bénévolat, davantage masculin et s’engageant plus ponctuellement. Cette mutation n’est pas sans conséquences pour le secteur du sport, qui semble moins bien s’accommoder de cette situation. Contrairement à d’autres secteurs comme l’action sociale, le sport s’est historiquement construit sur l’engagement bénévole. Le modèle sportif est quasi-exclusivement régi par des associations dites « loi 1901 ». Cette approche a longtemps retardé la professionnalisation du secteur, c’est-à-dire le recrutement de professionnels formés pour encadrer les activités sportives mais aussi pour administrer les structures sportives. L’image d’un club sportif historique, ancré sur son territoire, tourné vers ses adhérents, proposant une approche sportive à des fins compétitives et géré par une équipe fidèle de bénévoles, majoritairement masculins, a longtemps prédominé dans le paysage associatif.

 

C’est cette organisation classique du club associatif sportif qui est aujourd’hui bousculée. Car si le bénévolat s’effrite, il ne disparaît pas pour autant et laisse souvent place à de nouvelles formes d’engagements. On observe ainsi une hausse du bénévolat hors organisation. Cette démarche est à considérer comme un signe de solidarité et de citoyenneté, qui témoigne d’une volonté d’engagement toujours présente. Les mobilisations citoyennes spontanées autour de la lutte contre le réchauffement climatique ou les élans de solidarité avec le peuple ukrainien en sont quelques exemples. En outre, l’engagement ponctuel, lors d’événements ou de temps forts, a tendance à s’accentuer. C’est évidemment le cas lors des grands événements sportifs internationaux, comme l’engouement pour le programme des volontaires de Paris 2024 en témoigne. Enfin, l’essor du numérique et le développement des outils digitaux de gestion ou de communication appelle de nouvelles compétences, que les jeunes générations peuvent plus facilement appréhender. Aujourd’hui 60% des bénévoles agissent ainsi à distance et utilisent le télé-bénévolat (40% de manière régulière), une pratique qui facilite l’action des personnes peu disponibles ou peu mobiles.

 

Les défis du bénévolat sportif

Ces évolutions du bénévolat sont couplées à des mutations profondes de la société. Le rapport au temps, le rapport aux loisirs, les contraintes économiques et environnementales, les évolutions juridiques, avec par exemple, la loi visant la parité dans les organes de décision des fédérations sportives à horizon 2024 (et 2028 pour leurs organes déconcentrés) ou encore le sens donné à l’engagement obligent à repenser le bénévolat sportif de demain ainsi que la place du club sportif dans son territoire.

 

L’atelier sur le bénévolat organisé par le ministère des Sports et des JOP ce lundi apporte des premiers éléments de réponse. Trois axes porteurs d’évolutions ont été définis sur le sujet.

  • La reconnaissance et la valorisation des compétences des bénévoles sportifs, avec pour objectif une meilleure reconnaissance de l’engagement bénévole lors d’un parcours scolaire, universitaire ou professionnel notamment. Cet axe de travail rejoint la proposition exprimée par le CNOSF lors de la dernière campagne présidentielle, visant à porter un « Plan Marshall » massif de valorisation et de développement du bénévolat sportif dans une logique intergénérationnelle. Il s’agit aussi d’une des convictions exprimées par notre Think tank à l’occasion lors de la dernière période électorale.
  • L’amélioration de la gestion quotidienne de l’association par un choc de simplification, dans le but d’alléger les contraintes administratives et de pallier aux défauts de gouvernance, souvent présentés comme un facteur de désengagement associatif par les bénévoles.

Invité par Groupama Rhône-Alpes Auvergne à intervenir devant une centaine d’acteurs sportifs de la région début novembre, Julian Jappert, Directeur général de notre Think tank, portait ainsi l’idée de « créer un guichet unique permettant de centraliser les dispositifs et les soutiens auxquels les associations peuvent prétendre ». L’idée est de revitaliser le bénévolat sportif de proximité, en accompagnant les associations pour attirer et fidéliser de nouvelles personnes, notamment les jeunes. Des solutions très opérationnelles pourraient être étudiées et mise à disposition des associations pour faciliter la gestion de leur ressources/richesses humaines : expression des besoins en matière de bénévolat, rédaction de fiches de poste précises, missions adaptées à tous les profils, quel que soit le temps bénévole à consacrer, définition et conduite d’une stratégie de recrutement des bénévoles, en se tournant davantage vers les étudiants et les jeunes actifs, etc.

  • La promotion de l’engagement, des jeunes et des femmes en particulier, au sein des instances dirigeantes sportives, afin d’accompagner la transition générationnelle qui s’opère dans le bénévolat et assurer une diversité homme-femme dans les organisations sportives.

 

Ces axes de travail vont dans la bonne direction. Nous considérons toutefois que cette réflexion ne doit pas occulter la vision que les bénévoles, et notamment ceux qui dirigent les structures, ont de leur association et le sens qu’ils veulent donner à l’action du club sportif sur son territoire. Les pratiques sportives évoluent fortement (pratique associative, pratique autonome, pratique commerciale…), elles se complètent plus qu’elles ne s’opposent et répondent toutes à des logiques et des aspirations différentes (la flexibilité, le lien social, le bien-être…). C’est aussi le cas du bénévolat. Attirer et fidéliser de nouvelles forces implique à nos yeux d’interroger régulièrement ce qui fait « club », c’est-à-dire le projet associatif des structures, leur place dans leur écosystème local et leur impact social.

 


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