Pour les jeunes joueurs, la difficile combinaison entre sport et école

30 mai 2012

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Julian Jappert

Directeur, Sport et Citoyenneté

 

 

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Maxime Leblanc

Chargé de mission « Financements européens « , Sport et Citoyenneté

 

 

 

La Coupe du monde 2010 a vu l’origine sociale des Bleus être évoquée pour expliquer le désastre de Knysna et les clans qui se seraient formés au sein du groupe, entre les joueurs issus de « banlieue » et les autres par exemple. On a notamment évoqué le rejet dont aurait fait l’objet Yoann Gourcuff, joueur au profil singulier. L’instrumentalisation qui en a résulté est à l’image de la popularité du football dans l’Hexagone.

Deux ans après Knysna, les Bleus éprouvent toujours autant de difficultés à développer un jeu collectif sur le terrain et à dégager une image positive. Comme si la page n’avait pas encore été tournée complètement. Les Bleus sont en effet crédités d’un 4,97/10 selon le dernier « baromètre de l’image des Bleus » créé par la Fédération française de football (FFF). Ces difficultés persistantes et l’éviction d’un joueur, loin des standards du football moderne mais pourtant réfléchi et maîtrisé, doivent nous permettre de nous interroger sur le modèle de formation de footballeurs qui est le nôtre.

Une formation perfectible

Reconnus au niveau européen pour les très bonnes bases techniques qu’ils inculquent aux jeunes footballeurs, les centres de formation français ont, à l’inverse d’autres pays européens, tendance à trop peu développer les capacités scolaires des athlètes. Un centre de formation doit pourtant tout autant permettre à un jeune joueur de devenir un bon footballeur que lui donner l’opportunité d’acquérir un niveau scolaire satisfaisant. Or, en France, pour peu qu’un jeune espoir ait du talent, les centres de formation se montrent peu regardant sur ses capacités scolaires. Si certains clubs disposent de structures scolaires privées, trop peu est fait pour aider le jeune footballeur sur ce point. Les autorités se sont focalisées sur le jeu sans se préoccuper des acteurs. Surtout, le passage du lycée à l’enseignement supérieur est crucial car c’est à ce stade que les structures de soutien et d’accompagnement n’opèrent plus.

S’inspirer des autres disciplines

En France, le football est un milieu à part. Il aurait tout à gagner à s’inspirer des autres sports, notamment olympiques et de l’INSEP, où le cursus éducatif est suivi attentivement. Il en résulte surtout des athlètes mieux à même d’opérer la transition après leur vie d’athlète professionnel. Car, pour ceux qui réussissent une bonne carrière sans pour autant devenir une référence dans leur discipline, la reconversion est souvent un moment difficile à appréhender. Le football français ne peut faire l’économie de montrer davantage d’ambitions et de considérations envers les jeunes joueurs. C’est une question de responsabilité. Car si ceux qui réussissent sportivement pourront vraisemblablement s’en sortir, ceux dont l’avenir sportif est réduit à néant n’ont pas les armes pour entrer dans la vie active de manière facilitée. La production de jeunes talents ne doit pas se faire au détriment de leur santé mentale et de leur bien-être intellectuel.

Des exigences encore insuffisantes

Nos voisins européens offrent certaines alternatives viables aujourd’hui pour combiner sport et école, mais ces initiatives restent aujourd’hui trop isolées. Au Portugal, la loi impose aux joueurs de suivre neuf années consécutives d’études avant de signer un contrat sportif. En Finlande, au-delà du talent et de la volonté de s’entraîner, un jeune joueur doit respecter ses obligations scolaires. Certes comme en France jusqu’à l’âge de 16 ans. Mais surtout, la proportion d’athlètes finlandais de plus de 18 ans ayant encore le statut d’étudiant, toutes disciplines confondues, est de 60%. Un pourcentage très élevé lorsque l’on connaît les difficultés d’aménagement des emplois du temps pour les sportifs de haut niveau. Des chiffres encourageants qui doivent inspirer notre modèle. En Italie, les « ski colleges » et le « Sport Liceum de Coubertin » permettent cette conciliation entre sport de haut niveau et acquisition de connaissances scolaires. Cependant, ces quelques bonnes pratiques restent trop marginales. Dans la plupart des pays européens, la situation est très difficile pour les joueurs qui souhaitent poursuivre des études supérieures, malgré les aménagements spécifiques possibles. Très peu de joueurs suivent actuellement des programmes universitaires et peu d’entre eux seront diplômés.

Favoriser une double formation

Aujourd’hui, l’âge moyen estimé de l’interruption des études est de 18 ans en Europe. Les bases d’une discussion européenne autour de ce sujet ont d’ores et déjà été posées. Les lignes directrices sur la double formation mises en avant par la Commission européenne dans la Communication sur la dimension européenne du sport en date du 18 janvier 2011 doivent aujourd’hui être mises à l’agenda. Déjà, en 1992, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe identifiait la nécessité de soutenir « l’éducation équilibrée dans des instituts de formation et l’insertion, sans heurt, dans la société par le développement de perspectives de carrière pendant et après le sport de haut niveau ». Pourquoi la France, pays de football, ne pourrait-pas aujourd’hui être à l’avant-garde sur ces questions ? La double formation pourrait être imposée dans nos centres de formation aujourd’hui. Détenir un certain niveau d’études apparaît comme primordial. Cet élan pourrait, pourquoi pas, impulser un mouvement au niveau européen.

Réflexion proposée dans le cadre de l’EURO2012 de football et parue sur le site de notre partenaire : Le Plus Nouvel Observateur 

 





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