La reconversion des sportifs de haut niveau

Par Ayodele Ikusean, sprinteuse, administratrice du Think tank Sport et Citoyenneté

Cette tribune fait suite à l’interview d’Emilie Andéol parue dans Le Parisien le 3 décembre 2019.

On pouvait y lire qu’Emilie – malgré un titre de championne olympique à Rio en judo dans la catégorie des +100kg – était au chômage. On y lisait également le fait qu’elle cochait toutes les cases du double projet après un parcours scolaire réussi.

Plusieurs éléments m’ont interpellée : la reconversion du sportif de haut niveau est un sujet sensible, et peu d’entre nous osent prendre la parole pour relater les difficultés rencontrées à la fin de leur carrière sportive. Pourtant, de nombreux athlètes de haut niveau ont malheureusement tout misé sur leur sport, sans trop se préoccuper de leur après-carrière.

Mais Emilie Andéol possède cette double étiquette, elle a eu une expérience professionnelle (au Conseil du Val de Marne) pendant sa carrière d’athlète. 

Il y a donc plusieurs points intéressants dans son histoire : 

En premier lieu, on sait que les entreprises qui ouvrent leurs portes pour permettre de mener une pratique sportive à haut niveau sont hélas peu nombreuses. Par conséquent, ses options étant limitées, l’athlète aura tendance à privilégier l’aide financière au projet professionnel qu’on lui propose. Et quand, à la fin de sa carrière sportive, il/elle recherche un métier qui répond plus à ses aspirations, les expertises développées dans son précédent emploi ne lui permettent pas de bien se vendre sur le marché du travail… 

Second point : en France, c’est un fait, on privilégie les diplômes et les années d’expérience sur un CV plus que le savoir-être. Le/la sportif/ve de haut niveau, après avoir été éloigné(e) pendant 10 ans ou plus du marché du travail, doit repartir à zéro pour obtenir un poste qui l’intéresse sans tenir compte de l’expérience du nombre d’années post-diplôme !

Cette histoire met en lumière la difficulté de la reconversion du sportif de haut niveau de nos jours. Les parcours scolaires et universitaires s’améliorent, et l’offre académique proposée au SHN est de plus en plus riche. Néanmoins l’insertion dans le monde du travail pendant et après la carrière sportive sont des sujets qui ne sont que très peu abordés aujourd’hui. Il serait intéressant d’avoir des statistiques concrètes sur les reconversions des athlètes de haut niveau…

Je me souviens qu’en 2012, je cherchais un emploi pour vivre et me préparer plus sereinement pour me qualifier aux JO. J’étais également diplômée, et (un peu) expérimentée parce qu’ayant eu mon diplôme en apprentissage. Je mettais en avant mon parcours sportif et les qualités développées grâce au sport, mais cela ne suffisait pas : je n’avais pas assez d’années d’expérience par rapport à des diplômés du même âge.

Et le cas d’Emilie Andéol me rappelle tristement cet épisode. 

Dans la période qui est la nôtre, son témoignage est crucial. Il nous montre que malheureusement en France, ce qui compte encore le plus pour obtenir un emploi reste un diplôme de grande école et de nombreuses années d’expérience; les profils atypiques comme les nôtres ont encore bien du mal à se faire une place, et un changement des mentalités est plus que nécessaire : à l’aube des JO de 2024, c’est fondamental, vital.





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