Le loisir sportif par temps de stop-and-go

 

La crise sanitaire aura de multiples impacts sur le sport. Chez Sport et Citoyenneté, nous pensons qu’elle peut être salutaire, si elle permet d’accélérer un certain nombre d’évolutions. Par le biais de tribunes d’experts, nous souhaitons recommander, aux pouvoirs publics, des mesures opérationnelles destinées à lancer le sport de l’après-crise. Nous en avions déjà recensé un certain nombre dans ce livret de propositions pour la loi Sport et Société il y a quelques mois. Aujourd’hui, alors que la politique européenne du sport ne cesse de se développer, nous renforçons cet engagement en Europe et localement.

 

 

Tribune de Pierre Weiss, sociologue et formateur au Ministère de la Famille et de l’Intégration du Grand-Duché de Luxembourg, membre du Comité Scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté. 

 

 

Le loisir sportif, c’est à la maison. Le confinement a remis de facto en question les temporalités et spatialités du sport-loisir. Ce faisant, il bouleverse les cultures sportives « établies » et leurs modes de sociabilité. Quelle que soit sa modalité de pratique (en club, dans la rue, sur un city stade, dans un parc, en entreprise…), l’activité sportive est cruellement tributaire des libertés publiques, et notamment de celles de circuler, de se rassembler et de pouvoir accéder aux espaces naturels et équipements de proximité.

 

Or, on sait déjà que le confinement n’est pas levé d’un seul coup en raison des risques sanitaires et économiques. On sait aussi qu’à l’avenir le confinement sera très probablement remis en place à chaque poussée pandémique, pour limiter la saturation des hôpitaux ; et ce, jusqu’à ce que la vaccination soit possible ou que l’on ait atteint le seuil de l’immunité de groupe. Face au stop-and-go, le sport-loisir est donc contraint – pour ne pas mourir à petit feu – de se redéfinir loin de ses repères historiques et modes d’organisation.

 

L’après-crise, c’est l’accélération du capitalisme numérique. En partant de ce postulat, la digitalisation et l’individualisation représentent inéluctablement des leviers importants de développement du sport-loisir et, plus généralement, de l’offre de services sportifs. En effet, dans un système stop-and-go, la digitalisation pourrait permettre de maintenir la continuité de ladite offre tout en limitant la dépendance à l’égard des libertés publiques sous monopole étatique. C’est le « cocooning » du marketing. Néanmoins, dans le cadre d’une politique sportive, la digitalisation (re)pose tout aussi inéluctablement la question épineuse de la précarité numérique, de la distribution inégale des compétences digitales, des inégalités de conditions de vie (en matière de santé, d’emploi, de logement et d’éducation) et des risques à la fois numériques et environnementaux.

 

C’est ici que pourrait éventuellement intervenir l’individualisation. L’individualisme contemporain suppose en effet de placer les ressources tant matérielles que culturelles des individus au centre de l’offre de services sportifs digitalisés, afin que les e-sportifs puissent cultiver leur originalité et s’émanciper de leur communauté d’origine. Pour ce faire, il s’agit non seulement d’identifier des clusters d’e-sportifs – discriminants sur le plan de la structure et du volume des ressources individuelles -, mais encore de créer des communautés virtuelles alimentant le lien social par le sport, le sentiment d’appartenance et les interactions dans l’éducation sportive.

 

Traduit sur les terrains du sport-loisir, ce capitalisme numérique implique cependant une dépendance à l’égard des nouvelles technologies et s’accompagne de fait d’externalités négatives pour les sociétés humaines, telles que le risque de cyber-attaque, le repli sur ses proches et la montée des inégalités face à la pratique sportive.

 

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