Le processus de révision de la Charte européenne
du sport est lancé

 

La Charte européenne du sport, adoptée sous forme de recommandation par le comité des ministres du Conseil de l’Europe en 1992, puis révisée en 2001, est généralement peu connue des acteurs du sports. Au demeurant, une charte n’a guère de portée juridique contraignante, et vaut surtout par l’engagement moral consenti par ses signataires. Ce document est néanmoins important, car il a été l’un des premiers d’un genre qui s’est ensuite beaucoup développé.

 

 

 

Par Colin Miège, président du Comité scientifique, Think tank Sport et Citoyenneté

 

 

 

Les 13 articles qu’il comporte ont constitué pendant des décennies le corps de la doctrine européenne du sport, fondée sur des valeurs humanistes. On y trouve notamment une définition du sport, entendu comme « toutes formes d’activités physiques qui, à travers une participation organisée ou non, ont pour objectif l’expression ou l’amélioration de la condition physique ou psychique, le développement des relations sociales ou l’obtention de résultats en compétition de tous niveaux » (art. 2, al. 1, a).

La Charte invite les gouvernements et le mouvement sportif à coopérer, notamment en vue de permettre l’accès aux installations sportives sans aucune discrimination, de créer la base et de développer la pratique du sport auprès de l’ensemble de la population, de soutenir le sport de haut niveau et le sport professionnel, et ce en tenant compte du principe de développement durable. Un code d’éthique sportive lui a été annexé en 2001.

Conscient du fait que le monde du sport a beaucoup évolué depuis les années 2000, et que certains éléments de la Charte pouvaient avoir vieilli, l’Accord partiel élargi sur le sport (APES), qui est le bras armé du Conseil de l’Europe dans le domaine du sport, a lancé une consultation quant à l’opportunité de sa révision, qui a été finalement décidée en 2019. Une première version du projet de Charte révisée comportant 21 articles a été présentée au début de l’année 2020. Si la définition du sport reste inchangée, on y relève l’affirmation selon laquelle « L’accès de tous au sport est considéré comme un droit fondamental » (art. 10). Des éléments nouveaux apparaissent, comme la mention du « secteur à but lucratif », en complément du traditionnel mouvement sportif à but non lucratif. (art. 5). Signe des temps, l’accent est mis aussi sur « l’éducation aux valeurs par le sport » (art.6) et sur l’intégrité du sport, qui implique notamment de « promouvoir une gouvernance des organisations sportives qui soit conforme aux principes de transparence, de démocratie et de solidarité », lesquels « doivent être garantis par des mécanismes de contrôle et d’équilibre des pouvoirs ». (art. 7, al. c). Enfin, le projet de charte révisée comporte des dispositions novatrices relatives au soutien à sa mise en œuvre et à son suivi (art. 20 et 21). Il s’agit ainsi de tenter d’éviter qu’elle subisse la même ignorance ou indifférence que tant d’autres résolutions et recommandations du même type.

Les organisations sportives consultées ont à ce stade apporté globalement leur soutien à la démarche de révision, tout en exprimant parfois quelques divergences. Ainsi l’organisation des comités olympiques européens (COE) souhaiterait l’inclusion de la notion de « modèle sportif européen » incluant la solidarité financière qu’elle est censée véhiculer, tout en insistant davantage sur l’autonomie du mouvement sportif. D’autres militent pour un renforcement des mesures relatives à l’éthique sportive. Certains enfin, comme l’UEFA, émettent quelques réserves sur les mécanismes de suivi envisagés, qui pourraient être jugés trop contraignants par certains gouvernements.

Une nouvelle version de la Charte sera élaborée par l’APES, en vue de sa présentation à la prochaine réunion des ministres européens chargés des sports, prévue en novembre 2020. La Charte revisitée devait être définitivement adoptée en 2021.

Nul doute qu’une version amendée de ce texte était devenue nécessaire pour assurer sa pérennité. Un solide dispositif d’accompagnement visant à mieux la faire connaître et à assurer son suivi au sein des Etats membres semble aussi approprié, afin de lui épargner le sort des innombrables déclarations aussi généreuses qu’inopérantes qui jalonnent l’histoire du sport.

 

A propos du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe réunit l’ensemble des pays européens autour de valeurs communes, telles que la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’institution s’est dotée depuis les années 1970 d’une compétence en matière sportive, qu’il exerce notamment par l’intermédiaire d’une Accord partiel élargi sur le sport (APES) et de réunions périodiques des ministres européens en charge des sports. Il est à l’origine de la Charte européenne du sport et du code d’éthique sportive (adopté en 1992, révisé en 2001). Le rôle qu’il s’est assigné est de promouvoir le sport pour tous, de combattre les discriminations et de lutter contre les dérives qui menacent le sport. Dans ce but, il a adopté de nombreuses résolutions et recommandations, qui restent cependant dépourvues de véritable valeur normative. Toutefois, certaines conventions revêtent un caractère plus contraignant pour les États qui les ont signées et qui se sont engagés à les mettre en œuvre en les ratifiant : c’est le cas en particulier de la convention contre les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives (1985, révisée en 2016), de la convention contre le dopage (1989), et de la convention contre la manipulation des compétitions sportives (2014).





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