« Le sport doit devenir un vrai sujet de politiques publiques transformatrices »

Quelle France dans 10, 20, 50 ans ? Telle est la question que pose l’ouvrage « Faire réussir la France ? » de Jacques Attali, publié aux éditions Fayard. L’écrivain et économiste y dresse une série de 30 réformes et 250 actions urgentes à mettre en œuvre pour faire de la France une nation prospère, fière de son identité, ouverte au monde et donnant sa chance à chacun de ses habitants. Fait rare pour un ouvrage de ce type, la place du sport y est discutée, notamment en matière de cohésion sociale. Entretien exclusif.

Dans votre ouvrage « Faire Réussir la France », vous indiquez que le sport devait être l’une des priorités de l’élection présidentielle 2022. Pour quelles raisons ?

JA : Le sport est, par les valeurs de dépassement de soi et d’altruisme qu’il porte, un vecteur central de la cohésion sociale. C’est aussi un outil sanitaire puissant ; la pandémie que nous traversons l’a de nouveau souligné. Le sport s’inscrit directement dans la promotion de ce que j’appelle l’économie de la vie, c’est-à-dire une action dans le quotidien, dans l’intérêt des générations futures pour la production de biens nécessaires à la soutenabilité de son développement.

On ne peut plus fermer les yeux sur le fait qu’il est crucial de lui donner une place centrale dans l’action publique, parce qu’aujourd’hui la chaise tue plus que la cigarette. Toutes les autorités sanitaires nous alarment sur les conséquences dévastatrices de nos modes de vie contemporains. L’inactivité physique va même dans les années qui viennent devenir la première cause de mortalité évitable devant la cigarette.

 

Comment faire en sorte que le sport ait demain une reconnaissance politique plus forte ?

JA : Il faut démontrer à ceux qui ne jurent que par les chiffres qu’il y a urgence à agir pour mettre plus de sport à tous les moments de nos vies. La pratique d’une activité physique régulière réduit de 25 à 30% les risques de cancers du côlon, du sein et de l’endomètre. Elle réduit d’un tiers le risque de maladies cardiovasculaires.

Dans un rapport récent de France Stratégie, le coût social de l’inactivité physique est même chiffré à 140 milliards d’euros par an. C’est deux fois le budget de l’Éducation nationale et 250 fois celui du ministère des Sports. Le sport est reconnu de manière opportune comme un objet politique utile, il doit devenir un vrai sujet de politiques publiques transformatrices.

 

Dans votre ouvrage, vous évoquez beaucoup de chiffres montrant une pratique différente et souvent plus faible des femmes. Quelles sont vos solutions pour les inciter à pratiquer davantage ?

JA : L’un des grands enjeux des années à venir est de multiplier les occasions de faire du sport à tous les moments de la vie de chacun : à l’école, dans la ville, au travail. De nombreuses études démontrent que le principal frein à la pratique des adultes est logistique ; on arrête le sport parce qu’on ne trouve plus le temps. Les entreprises, les clubs sportifs, les collectivités locales doivent faire en sorte d’adapter leur offre, et de multiplier les possibilités de faire du sport à tous les moments de la journée.

Nous recommandons également, dans « Faire réussir la France », un effort généralisé sur la petite enfance – qui concentre tous les défis sociaux, sanitaires et culturels. Je salue à ce titre l’annonce par Emmanuel Macron dans sa campagne de généraliser le programme « 30 minutes d’activités physiques quotidiennes » à l’école inspiré par Paris 2024, et que nous appelions de nos vœux.

 

« Multiplier les possibilités de faire du sport tout au long de la journée »

 

Le sujet du handicap est assez peu évoqué dans votre ouvrage. Selon vous, l’inclusion des personnes en situation de handicap en France passe-t-elle aussi par le sport ?

JA : Les personnes en situation de handicap doivent au même titre que l’ensemble des Français avoir accès à une activité physique et sportive convenant à leur pathologie. Pour certains, cela peut même entrer dans le cadre de leur traitement. Nous appelons ainsi à une meilleure prise en compte et à un développement de la prescription de séances d’activité physique adaptée. Celle-ci est aujourd’hui possible, mais elle est méconnue des médecins comme des patients et elle n’est pas prise en charge par l’assurance maladie. Nous recommandons la création d’un forfait de 24 à 36 séances dans le cadre du parcours de soin, pour accompagner la reprise d’une activité dans de bonnes conditions.

 

L’impact économique du sport est assez bien identifié et mesuré, mais ce n’est pas le cas de son impact social. On ne dispose que de peu de données et de méthodes pour évaluer ces impacts. Alors que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 se profilent, comment peut-on selon vous progresser sur ce sujet ?

JA : Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris sont avant tout une formidable occasion d’inspirer notre jeunesse en lui donnant à voir dans son pays ce qu’il y a de plus beau dans le sport : le partage, l’union, mais aussi le dépassement de soi. Ils présentent également l’avantage de servir de catalyseur et offrent une résonance unique pour le sport. Tous les acteurs du projet et plus largement du monde du sport doivent désormais se mobiliser pour en assurer un impact durable et réellement transformant pour la société.





Sport et citoyenneté