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Les femmes et le sport :

une victoire en entraîne une autre !

 

 

Céline Mas, Présidente ONU Femmes France

 

En mai 2019, à quelques jours du lancement de la Coupe du monde féminine de football en France, la footballeuse brésilienne Marta Vieira da Silva est devenue ambassadrice de bonne volonté d’ONU Femmes. Performeuse de premier plan, Marta a remporté le prix de la meilleure joueuse de la FIFA. Dans son discours à l’ONU, elle a rappelé les vertus émancipatrices du sport pour la petite fille qu’elle était. Une petite fille qui n’était pas vouée à devenir championne mais qui a levé les obstacles avec patience et passion tout au long de sa vie.

 

Les mots de Marta illustrent à merveille la magie du sport pour les femmes. Alors que les mauvais esprits seraient tentés d’en faire une commodité, une pause sans conséquences prise au temps des loisirs ou de l’ennui, il se révèle en réalité un puissant agent transformateur des vies des femmes et des filles à travers le monde.

 

Pourtant, l’Histoire n’a pas toujours été tendre en la matière. Aucune femme n’a concouru aux premiers Jeux olympiques de l’ère moderne en 1896. Son fondateur, Pierre de Coubertin, avait même estimé que l’inclusion des femmes dans la compétition serait « peu pratique, sans intérêt, inesthétique et incorrecte. » Ce n’est qu’en 1900 qu’elles furent autorisées à y participer pour la première fois. Il a fallu attendre plus de cent ans, en 2012, pour qu’elles soient autorisées à participer à la boxe, dernier sport olympique à les inclure. Aujourd’hui, même si les hommes sont encore largement majoritaires, parmi les sportifs ou l’encadrement, les femmes gagnent du terrain dans toutes les disciplines.

 

« Briser les stéréotypes de genre »

 

Au-delà des championnes, role models indispensables pour inspirer le plus grand nombre, les femmes et les filles du monde utilisent leur pratique afin de briser les stéréotypes de genre. Pèse sur les femmes le soupçon de limitation physique, d’être inaptes à la performance que les traditions assignent aux caractéristiques classiques de la virilité. C’est ainsi qu’au Mexique, ONU Femmes, aux côtés d’autres acteurs parmi lesquels l’institut mexicain de la jeunesse, a soutenu l’organisation d’un tournoi HeForShe dans huit universités du pays. Ce moment de concentration et de liesse a permis de promouvoir la place des femmes dans ce sport et de réunir autour des compétitrices des hommes et des femmes de bonne volonté. En Égypte, où les normes et stéréotypes de genre ont cours, un projet novateur a aussi vu le jour : une équipe de football américain entièrement féminine, SheWolves, formée dans les quartiers de Dokki et de Mohandeseen, au Caire, en 2016. Elle a joué le premier match de football américain féminin en Afrique et a remporté les championnats de la ligue en décembre 2016. Au début, les critiques ont été vives, comme le raconte l’entraineur Ziad Gaafar Mohammed : « Les locaux disaient que le football américain pour les femmes, ça ne marcherait pas. Ils se conforment à un état d’esprit traditionnel. De nos jours, les gens ont souvent en tête des stéréotypes selon lesquels les femmes ne méritent que de rester à la maison et de faire la cuisine et la lessive. Ils ne sont pas habitués à voir les femmes réussir dans tous les domaines comme les hommes. Mais, dans les faits, ces femmes ont dompté le football américain. »

 

Renverser les paradigmes ancestraux qui limitent les possibilités des femmes, voilà l’une des vertus du sport. Il peut aussi permettre de tisser des liens dans des situations de dénuement et de crise. C’est ainsi qu’il est l’un des leviers d’intégration important pour les femmes et les filles en temps de guerre. Comme la culture, il joue un rôle de socialisation qui redonne de l’espoir à des survivantes de situations dramatiques. C’est pourquoi en Jordanie, ONU Femmes a créé des tournois de football destinés à accélérer l’intégration de réfugiées syriennes à la communauté locale. Il est plus simple de faire des rencontres authentiques portées par la ferveur d’un sport plutôt que dans la vie quotidienne où chacun peut camper sur ses positions. Connaître l’autre, c’est se donner une chance de l’apprécier à sa juste valeur. Le sport est un révélateur de conscience.

 

« Le sport est un révélateur de conscience »

 

Enfin, il est un ferment de l’autonomisation économique car il pourvoit des opportunités et l’audace de les saisir. Le programme « Une victoire en entraîne une autre », mené conjointement par ONU Femmes, le Comité international olympique, Women Win et l’ONG brésilienne Empodera, aide ainsi à l’autonomisation économique des filles et des jeunes mères brésiliennes, par le biais de formations professionnelles et d’activités sportives hebdomadaires. Financée par la Swedish Postcode Foundation, une version adaptée du programme a été créée pour répondre aux besoins spécifiques des jeunes mères, incluant des structures de garde d’enfants sur place. Bon nombre de participantes ont salué l’espace de discussion privilégié généré par ces moments. La simplicité d’être avec les autres, de partager des expériences similaires, de s’encourager : des gestes d’attention qui ouvrent les portes de l’avenir. Ensemble, elles sont plus fortes ! Via le sport, elles s’autorisent à développer leur leadership et à devenir des championnes. Autant de qualités dont elles ont besoin pour relever les défis de leur parcours professionnel. Et c’est efficace : la majorité des 850 filles ayant pris part au programme dans sa phase pilote (de 2015 à 2018) ont vécu des changements de vie notables. Par exemple, Raphaela Barbosa Lacerda, diplômée grâce au programme en 2016, a récemment été embauchée par une entreprise internationale de cosmétiques. Elle témoigne : « Prendre part au programme m’a donné la maturité d’affronter mes problèmes, la force d’exprimer mes idées et le courage de poursuivre mes rêves. C’est ce qui m’a le plus aidé à atteindre ce que je voulais. » Lacerda est heureuse de rendre un peu de ce qu’elle a reçu : régulièrement, elle se porte volontaire auprès de sa communauté, en organisant des réunions pour les adolescentes où elle parle de l’autonomisation des filles. La prochaine phase du programme, de 2018 à 2020, se concentrera sur l’expansion et la diversification des partenariats ainsi qu’à la création d’un réseau dédié à l’égalité des sexes et aux sports. Regroupant des organisations ayant une stratégie, des indicateurs, des outils et des systèmes de mesure communs, il permettra de constituer un pôle de connaissances promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes au Brésil. Une première dans le pays pour créer des émules à travers le monde.

 

 

Autant de parcours, de programmes, d’exemples qui prouvent, s’il en était besoin, les prodiges du sport. L’objectif de développement durable n°5 des Nations Unies dédié à l’égalité des sexes puise dans la créativité sportive et dans ses capacités à réunir des femmes de tous horizons des résultats durables. Il faut continuer à visibiliser le sport féminin alors qu’il bénéficie d’une piètre couverture médiatique[1], à soutenir les femmes dans la pratique de tous les sports et à inviter les hommes à soutenir le mouvement pour en amplifier les effets. Sur les rings, les terrains, les tatamis, le gazon, elles font des étincelles appelées à durer. Elles gagnent et elles aiment cela. Elles sont aussi libres et aussi joyeuses que n’importe quel autre joueur. Mais pour elles, c’est un droit qu’elles ont appris à conquérir, à partager et à défendre pour que s’accélère cette ouverture salutaire des terrains sportifs.

 

www.onufemmes.fr

 

[1] Selon le Centre Tucker, le sport féminin ne reçoit que 4% de la couverture médiatique sportive.



Sport et citoyenneté