« Les formations STAPS sont au carrefour de débouchés et d’enjeux multiples sur tous les territoires »

Alors que la rentrée universitaire approche et que, crise sanitaire oblige, bon nombre d’interrogations demeure encore, nous nous sommes entretenus avec le professeur Aurélien Pichon, Directeur de la Faculté des Sciences du Sport de l’université de Poitiers et Président de la Conférence des Directeurs et Doyens STAPS (C3D STAPS). Une filière traditionnellement prisée par les étudiants, qui bénéficie d’un fort taux d’insertion professionnelle et qui se situe aujourd’hui au croisement de nombreux enjeux.

 

Portrait d'Aurélien PichonComment abordez-vous cette rentrée 2020, dans un contexte toujours marqué par la crise sanitaire ?

AP : Il est évident que l’adaptation de nos cursus et surtout des cours de pratiques physiques et sportives aux consignes sanitaires liées à la COVID-19 risquent de poser de nombreuses contraintes. Cependant, nos collègues seront à même de s’adapter au mieux pour former nos étudiants aux sciences de l’intervention, en adaptant les pratiques sportives et en prenant en compte les consignes du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) et celles du ministère chargé des Sports et des fédérations sportives… Nous avons déjà travaillé activement pour préparer la rentrée et, comme tous, nous ferons le nécessaire pour assurer nos enseignements du mieux possible. Dans chaque UFR ou composante STAPS sur le territoire, des choix sont réalisés et des décisions sont en préparation en fonction des installations disponibles et des orientations sanitaires locales. Des marges de manœuvre sont possibles (présentiel/distanciel ; niveau Licence vs Master ; taille des groupes ; accueil des L1…). Avec l’expérience acquise depuis le 13 mars 2020 (début du confinement) concernant l’enseignement en distanciel, les équipes STAPS sont prêtes à s’adapter dans l’intérêt des étudiants et du respect de la sécurité sanitaire.

« Engager un programme de création et de modernisation d’infrastructures sportives ouvertes à tous »

Le sport a pris de l’importance pendant le confinement, les bénéfices de l’activité physique sur la santé sont apparus aux yeux de tous et le Premier ministre lui-même a plusieurs fois fait référence au sport dans sa déclaration de politique générale mi-juillet. En tant que président de la C3D STAPS, quelles sont vos attentes au vu de ces forts enjeux ?

AP : A la C3D STAPS, nos attentes sont fortes pour une réelle prise en compte des bénéfices globaux de la pratique du sport ou des activités physiques et artistiques pour le bien-être physique et mental de nos concitoyens. Cela nécessite de vrais investissements et une réelle reconnaissance des différents éducateurs sportifs, enseignants en éducation physique et sportive (EPS), enseignants en activité physique adaptée (APA), etc. qui œuvrent chaque jour auprès des élèves, des sportives et sportifs de tous âges, des patients… pour améliorer le bien-être et la santé de tous, mais aussi pour éduquer à une vie plus active à travers l’enseignement de l’EPS à l’école. L’attractivité des formations aux métiers du sport est très forte et il serait bon également de travailler à une rationalisation de l’offre de formation, tout en conservant la qualité et les exigences historique du modèle français, qui sont nécessaires à une bonne qualité d’encadrement. Dans le contexte actuel de promotion du sport dans la société et de l’attrait de nos formations, il serait également opportun d’envisager un réel programme de rénovation, de modernisation et de création d’infrastructures sportives ouvertes à tous les publics scolaires, universitaires, aux patients bénéficiaires du sport sur ordonnance mais également aux salariés des entreprises par exemple. Nous ne sommes malheureusement pas aujourd’hui à la hauteur des standards internationaux sur ce sujet (comparativement à des pays comme l’Allemagne, la Norvège, le Canada, les États Unis, la Chine…), alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 se profilent et que le sport est devenu un fait social total et un atout pour la santé publique. Les formations STAPS, au carrefour de débouchés et d’enjeux multiples sur tous les territoires, sont à soutenir dans le contexte d’une hausse continue de la démographie étudiante. Un engagement plus fort de l’État est attendu, tant en soutien de la recherche qu’au niveau des ressources humaines (emplois).

 

Dans le contexte actuel, comment envisagez-vous l’avenir de vos jeunes diplômés ?

AP : Comme celui de la culture, le secteur du sport est aujourd’hui très fortement impacté par la crise sanitaire, passée et actuelle. Nous sommes légitimement inquiets de l’employabilité de nos jeunes diplômés dans un contexte probable de diminution du nombre d’offres d’emplois et d’augmentation des compétences requises. Cependant, les diplômés STAPS bénéficient jusqu’à aujourd’hui d’un très bon taux d’insertion professionnelle (supérieur à 84% au niveau licence et à 93% au niveau master) et leur niveau d’adaptabilité est réputé pour être important. De plus, l’horizon des JOP 2024 et l’essor du sport-santé, mis en lumière également durant la phase de confinement, sont à même de redynamiser rapidement les opportunités d’emplois. Ainsi, malgré les difficultés actuelles du secteur, nous voulons croire que la plupart de nos diplômés, après peut-être quelques mois de plus que les année précédentes, pourront trouver un emploi rapidement et pourront apporter leurs compétences, leur dynamisme et leurs savoir-être. Nous restons aussi attentifs et vigilants sur le devenir de la filière historique des STAPS (filière « Éducation et Motricité » menant à l’enseignement de l’EPS notamment) dans le contexte de la réforme des concours des enseignants.

 

Les forts taux de réussite au baccalauréat 2020 vous préoccupent-ils alors que la filière STAPS est déjà très prisée, et n’a pas forcément les moyens d’absorber toutes les demandes ?

AP : Le contexte de la COVID-19 a conduit à une augmentation du nombre de bacheliers 2020 et donc à une pression encore plus forte sur nos formations en STAPS. La réforme des études de santé a, semble-t-il, également augmenté l’attractivité de nos cursus, en attirant des étudiants qui hésitaient entre des formations médicales ou paramédicales (surtout l’accès aux études de kinésithérapie) et les métiers du sport. Ainsi, les contraintes sont fortes sur nos unités, qui étaient déjà largement sollicitées et qui manquent cruellement de moyens. Nous avons doublé nos effectifs de première année de licence depuis 2008 et nous sommes malheureusement bien loin d’avoir doubler la capacité de nos infrastructures universitaires et sportives et de nos ressources humaines.

 

La Conférence des Directeurs et Doyens STAPS (C3D STAPS) a pour but d’assurer la qualité et la cohérence nationales des formations et de la recherche en STAPS. Elle s’attache en particulier à construire et à promouvoir la pertinence et la lisibilité des formations en STAPS :

  • Auprès des étudiants et des lycéens afin d’optimiser leurs choix d’orientation.
  • Auprès des universités, des ministères et des organismes afin de préciser l’identité des formations en STAPS.
  • Auprès des partenaires sociaux afin de favoriser l’insertion professionnelle des diplômés.




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