L’héritage des Jeux Paralympiques

 

coeLord Sebastian Coe

Président de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF)

Réflexion proposée dans le cadre de la revue Sport et Citoyenneté n°26, dossier spécial « Sport et Handicaps en Europe : vers une conception universelle ? »

 

Deux années ont passé depuis la fin des Jeux Paralympiques de Londres, unanimement salués comme l’une des éditions les plus abouties de l’histoire. Depuis, le Gouvernement britannique a mis en place une structure dédiée à assurer l’héritage des Jeux de Londres 2012 dont l’ambassadeur est Lord Sebastian Coe, Président du Comité Olympique Britannique (BOA) et quadruple médaillé olympique d’athlétisme.

Il est difficile de croire que deux années ont passé depuis les Jeux Olympiques et Paralympiques de Londres 2012. En effet, je reviens tout juste des Jeux d’Hiver de Sotchi en tant que Président du Comité Olympique Britannique et, de ce point de vue, je suis bien entendu ravi que l’ensemble de nos athlètes aient fait de ces Jeux les plus réussis de tous les Jeux Olympiques d’Hiver, avec un total de dix médailles, dont deux en or.

Pour revenir aux Jeux de 2012, on me demande souvent si, à l’époque, je me doutais que les Jeux Paralympiques seraient un tel succès. Le public avait en mémoire les éditions précédentes, où les sièges étaient vides, où il manquait une bonne couverture médiatique et où ces Jeux étaient perçus – quoique plutôt injustement – comme une activité ajoutée à « l’événement principal » qu’était les Jeux Olympiques.

Une « fatigue olympique »

Certains parlaient de « fatigue olympique », comme si une fois les Jeux Olympiques terminés, le public en aurait eu assez. Néanmoins, je suis toujours resté confiant dans le fait que les Jeux Paralympiques seraient un événement sportif réussi à part entière. J’avais aussi toute confiance dans le fait qu’ils signaleraient un changement résolu des mentalités envers le handicap.

Dès le début du processus de candidatures, en tant que Comité Organisateur, nous étions clairs sur le fait de ne pas considérer les Jeux Paralympiques comme un simple supplément. Ils représentent, après tout, le deuxième événement multisport au monde. Nos équipes travailleraient pour faire des deux Jeux des événements au succès identique. Cela a permis de poser les bases dès le départ, et les valeurs Paralympiques étaient autant dans notre ADN que celles du mouvement Olympique. Même nos partenaires commerciaux accepteront de sponsoriser les deux Jeux et ma joie fut intense lorsque chacun de nos partenaires olympiques décida d’être aussi un sponsor paralympique.

Le rôle des médias a été bien sûr crucial. Au Royaume-Uni, Channel 4 détenaient les droits de diffusion et a réalisé un travail remarquable. Leurs efforts – qui faisaient des Jeux Olympiques un échauffement avant l’événement principal des Jeux Paralympiques – ont permis d’éveiller l’intérêt pour ces sports, pour les athlètes et pour le mouvement Paralympique. Plus important, ils ont poursuivis leurs efforts. Ils ont utilisé l’opportunité des Jeux pour fidéliser le public handicapé, tant devant la caméra que derrière, et depuis ces Jeux beaucoup d’entre eux sont devenus des présentateurs réguliers sur Channel 4 et pas seulement des programmes en lien avec le handicap. La BBC a aussi joué un rôle majeur en diffusant un superbe documentaire sur Ludwig Guttmann, le père fondateur du mouvement Paralympique.

Le moment était propice à l’action. Nous avons pris une décision courageuse en vendant l’ensemble des billets pour les Jeux Paralympiques – précédemment, les organisateurs avaient l’habitude de donner les places pour assurer la venue du public dans les stades, mais pour nous les Jeux étaient maintenant une entreprise commerciale (le public en possédait des parts : les détenteurs de billets, les sponsors, le gouvernement et les autres bailleurs de fonds tels que les loteries). Et le public récompensa notre approche en nous soutenant fortement et en écoulant les billets.

« Le public ne voit plus les handicaps, juste les capacités sportives »

Et puis les Jeux sont venus – et quels Jeux ! Je n’ai jamais entendu de pareil bruit et autant de vacarme que lorsque David Weir a pris la position de leader dans le 5000 mètres ; le plafond du centre aquatique s’est presque écroulé lorsqu’Ellie Simmonds est arrivée pour nager et même le grand Usain Bolt n’a pas entendu son nom scandé de la même manière que Jonnie Peacock, avant sa finale du 100 mètres. C’était à vous donner la chair de poule.

Cependant, ce qui m’a le plus surpris durant ces épreuves sportives, c’est que le public ne voyait plus alors leurs handicaps : ils voyaient leurs capacités. Il s’agissait d’athlètes qui réalisaient des exploits remarquables, que des « personnes valides » (comme on les appelle) n’auraient jamais pu atteindre. Lors de la cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques, je racontais ce que l’un des volontaires handicapés (qui a fait de ces Jeux une réalité) m’avait dit : que ces Jeux « avaient levé le nuage de la limitation ».

Mais où en est-on aujourd’hui ? Alors que le deuxième anniversaire des Jeux approche, est-ce que les choses ont véritablement changé ? Je suis partisan du oui. En tant qu’ambassadeur de l’héritage des Jeux auprès du Premier Ministre britannique, je prends part au groupe consultatif de l’héritage paralympique. Dirigé par le Ministre britannique pour les personnes handicapées, Mike Penning et l’adjointe au maire de Londres pour l’éducation et la culture, Munira Murza, ce groupe pionnier, qui inclut des anciens athlètes paralympiques, des représentants d’organisations de personnes handicapées et des partenaires commerciaux qui ont aidés à rendre possible les Jeux, continue d’aider à façonner l’héritage potentiel des Jeux.

Nos athlètes paralympiques, dont ceux qui viennent tout juste de rentrer de Sotchi, ont inspiré aussi bien les personnes handicapées que les « valides » à reprendre le sport. Depuis que Londres a été désigné pour accueillir les Jeux (2005), plus de 351 000 personnes handicapées pratiquent désormais une activité sportive de manière régulière et 42 des 46 instances sportives dirigeantes se sont fixées des objectifs spécifiques en vue d’augmenter le nombre de personnes handicapées pratiquant leur discipline.

Cependant, il n’est pas seulement question de sport. Il s’agit aussi de transport, d’urbanisme et d’infrastructures. Nous avons lancé un projet qui vise à changer la façon dont les professionnels de la construction sont formés au Royaume-Uni, afin que les futurs bâtiments ainsi que les espaces publics soient aussi accessibles et inclusifs que le Parc Olympique l’a été en 2012.

L’héritage olympique

Il existe aussi un autre héritage des Jeux de Londres 2012 qui ne fut exposé qu’en 2014 à Sotchi : l’allumage de la flamme olympique dans la ville britannique de Stoke Mandeville, un endroit désormais reconnu par le Comité Paralympique International (IPC) et plus largement la communauté internationale comme le lieu de naissance du mouvement Paralympique.

L’IPC a décidé qu’à partir de 2014 la Grande-Bretagne figurerait toujours sur l’itinéraire de la flamme paralympique. Un lien permanent a ainsi été forgé entre le premier événement paralympique de Stoke Mandeville (1948) et tous les futurs Jeux Paralympiques – en soit un des plus grands héritages des Jeux de Londres 2012.

Bien entendu les Jeux paralympiques n’ont pas rendu la situation parfaite en si peu de temps. Nous souhaitons que plus de personnes handicapées fassent du sport et aient les mêmes opportunités que les personnes valides dans tous les aspects de la vie.

Je suis néanmoins convaincu que les Jeux Paralympiques de 2012 ont et continue d’avoir un impact très positif dans ce domaine.





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