Objectifs de développement durable et sport : entre le Plan de Kazan et l’Agenda 2030

 

 

Giovanni Di Cola, Bureau International du Travail

Pauline Alméras, diplômée de Sciences Po

 

Il y a un an, le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres annonçait la fermeture du Bureau des Nations Unies pour le sport au service du développement et de la paix (UNOSDP). Si cette décision a surpris, elle a par ailleurs suscité un regain d’intérêt pour le sport au service du développement et de la paix (SDP), c’est-à-dire le sport comme outil d’insertion, de récréation et comme instrument de dialogue pour la paix.

A l’heure actuelle, la réflexion sur le SDP s’articule autour de deux axes : d’une part la définition du concept de SDP, et d’autre part l’avenir du sport en général avec une référence particulière au Plan d’Action de Kazan adopté par la Conférence internationale des Ministres et hauts-fonctionnaires de l’Éducation physique et du sport (MINEPS VI), sous l’égide de l’UNESCO en juillet 2017.

Le concept de SDP est actuellement en passe de gagner une meilleure place parmi les thématiques sportives connexes que sont l’éducation physique, le sport compétitif et de haut niveau, la récréation et les loisirs. Dès les années 2000, le SDP s’est inscrit dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (ODM) puis dans celui des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 (ODD), adoptés en 2015 par l’Assemblée générale des Nations Unies[1].

Depuis, de nouvelles approches du SDP ont émergé, incluant les droits de l’Homme, les droits fondamentaux des travailleurs et des athlètes lors des événements sportifs majeurs dans les discussions relatives au sport durable[2]. Ces réflexions et les actions qui les accompagnent devront à l’avenir être approfondies. Toutefois, en prenant en compte l’ensemble de ces sujets, le Plan de Kazan propose un cadre global d’action et de suivi permettant d’évaluer les progrès effectués, quel que soit le type de pratique sportive considérée.

Un second défi auquel est confronté le mouvement SDP est celui de la coopération et du leadership. Le Bureau des Nations Unies pour le sport au service du développement et de la paix (UNOSDP) a souvent été critiqué – parfois à tort – pour sa difficulté à remplir son mandat, trop large au demeurant.

En avril 2017, le Secrétaire général de l’ONU M. Guterres a appelé à un renforcement de la coopération entre le Comité International Olympique (CIO) et les Nations Unies, via l’Agenda olympique comprenant la stratégie de développement durable du CIO et ses engagements pour contribuer aux ODD. Cependant, le CIO aura du mal à prendre la tête du secteur sportif au sens large, lequel inclut le sport de haut niveau organisé autour des Jeux Olympiques et Paralympiques (champ d’action traditionnel du CIO) mais aussi des domaines plus éloignés comme le SDP, l’éducation physique ou toute autre forme de pratique sportive. Ainsi, pendant que le Plan de Kazan constitue un outil solide, la question du leadership reste donc posée. Elle devient même centrale compte-tenu du nombre de plateformes de discussion désormais actives.

Si elle témoigne d’un intérêt certain pour le sujet, cette prolifération de forums de discussion pose des questions concrètes de cohérence et de coordination. Le Centre pour le sport et les droits de l’Homme[3] devrait voir le jour en juin 2018 et offre un modèle intéressant d’action multipartite organisée au sein d’une structure unique. Novatrices, ses modalités d’organisation sont prometteuses. L’avenir nous dira quel rôle jouera ce nouveau Centre.

« Une nouvelle forme de leadership reste à inventer »

À l’heure actuelle, l’enjeu pour les acteurs du SDP est de construire un nouveau schéma permettant d’assurer la cohérence des actions, en s’appuyant sur Plan de Kazan. Pour ce faire, il est indispensable de dépasser les logiques concurrentielles et d’inviter chacun à se recentrer sur ses missions qui lui ont été confiées par leur charte fondatrice. Cela permettrait d’approfondir les sujets traités et d’exploiter pleinement les compétences de chacun.

Une nouvelle forme de leadership reste à inventer. Selon nous, il s’agit d’allier, dans un climat de confiance, un leadership collectif avec un leadership individuel : une forte dynamique de groupe permettant d’assurer la cohérence des politiques et une organisation reconnue comme un leader légitime pour assumer des activités précises ne pouvant être effectuées que collectivement. Pour être efficace, ce leadership devrait s’appuyer sur une méthode clairement définie.

Le SDP dispose d’une réelle force créative jusque-là insuffisamment exploitée. Nous sommes actuellement dans une période charnière, pleine d’opportunités pour réinventer la coopération. Une nouvelle gouvernance efficace ne peut émerger qu’avec des acteurs force de propositions et prêts à accompagner le changement.

 

 

[1] ALMERAS Pauline, Le sport au service du développement et de la paix : réflexions sur la centralité des Nations unies, L’Harmattan, 2018.

[2] Institute for Human Rights and Business, « Rights Through Sport: Mapping ‘Sport for Development And Peace’ » (April 2018).

[3] Sur la MegaSporting Events Platform for Human Rights :

Sur le Centre pour le sport et les droits de l’Homme : https://www.ihrb.org/megasportingevents/resource-view/joint-statement-centre-for-sport-human-rights





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