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Politique sportive, l’impensé de la présidentielle

1er mars 2012

Dumas_Thibault

Thibault Dumas

Journaliste, Sport et Citoyenneté

Réflexion proposée dans le cadre de la présidentielle 2012

Financement de l’Euro 2016, récurrence du dopage, chamboulement de la diffusion du sport, place de l’activité physique dans l’éducation et résultats de l’élite en dents de scie. La politique sportive hexagonale est questionnée de toutes parts mais absente de la campagne présidentielle. Pourtant elle est « un élément important de l’éducation, de la culture, de l’intégration et de la vie sociale » selon l’article L100-1 du Code du Sport. Les fondamentaux de nos sociétés européennes. Tour d’horizon des programmes des principaux candidats.

François Bayrou, Mouvement démocrate (MoDem)

Trouver des paroles ou des écrits de François Bayrou en matière sportive relève presque du travail d’historien. Le dernier grand discours (http://www.dailymotion.com/video/xyq5g_francois-bayrou-colloque-sport_sport) du leader centriste en la matière date du 11 janvier 2007. Déjà candidat, mais à une autre élection présidentielle. Difficile si ce n’est impossible de relever des éléments programmatiques du MoDem sur le sujet. Selon les soutiens du Béarnais, celui-ci reste sur la ligne fixée il y a cinq ans : « le sport doit être au centre de l’éducation ». L’eurodéputé Jean-Luc Bennahmias, spécialiste des questions sportives dans l’équipe de François Bayrou, précise : « Le sport est pour nous un facteur d’inclusion sociale qui est fondamental, c’est pourquoi « le sport pour tous » doit être une priorité. C’est aussi pour cela que la question du sport et celle de l’éducation doivent être étroitement liées. Nous n’oublions évidemment pas la question du rôle économique du sport, un domaine qui brasse beaucoup d’argent et qui nécessite d’être réglementé ». Dans le camp orange, on dénonce par ailleurs un Ministère des Sports ou un Secrétariat aux Sports organisé comme « une salle d’attente pour personnalités en porte à faux ou en manque de titres ». François Bayrou devrait présenter ses propositions détaillées en matière de politique sportive le 20 mars prochain à Paris. Il se murmure que l’ancien sélectionneur de l’équipe de France, Aimé Jacquet pourrait l’épauler dans cette tâche. « Muscle ton jeu François ! »

François Hollande, Parti socialiste (PS)

La scène se passe le 11 février dernier à Créteil. François Hollande est tout sourire au milieu d’une ribambelle de sportifs ou anciens sportifs de haut niveau. Simple faire-valoir pailleté, le sport ? Quoi qu’il en soit le candidat socialiste détaille son programme, en 53 minutes et 12 pages de discours. Le Ministère des Sports – qui a connu 5 locataires en 5 ans – sera rattaché à un grand pôle éducatif et organisera une « conférence nationale du sport français » déclinée au niveau régional. Sur les fameux 60 000 postes promis dans l’éducation, « une partie d’entre eux seront affectés à l’éducation physique et sportive ». « Une partie » ? Valérie Fourneyron, députée-maire de Rouen en charge du sport dans la campagne du PS, précise que « dans une période de rigueur budgétaire, on ne veut pas faire d’effet d’annonce. Cela n’est pas raisonnable ». Pareil pour les 150 000 emplois d’avenir (ou jeunes) que le Corrézien souhaite orienter « vers le sport, au bénéfice des associations dans les territoires qui sont identifiés comme prioritaires ». Pas de chiffrage précis. Pour augmenter les recettes du Centre National pour le Développement du Sport (CNDS), le camp socialiste plaide pour une augmentation de la taxe Buffet sur les droits de diffusion du sport et des prélèvements sur les jeux « en dur » de la Française des jeux et les paris en ligne. Sans surprise, François Hollande veut « encourager » l’organisation de grandes manifestations sportives par la France. Un point qui fait (quasi) unanimité chez les candidats.

Eva Joly, Europe écologie – Les Verts (EE-LV)

L’ancienne magistrate au Ministère des Sports d’un gouvernement de gauche ? « Si je fais 2-3%, on va me donner le ministère de la Jeunesse et des Sports, et ça s’arrêtera là » a-t-elle lancé le 5 février lors d’un meeting à Paris. Simple boutade ou désintérêt flagrant ? Pour l’instant, l’écologiste s’est faite remarquée dans le monde de l’auto-moto par sa proposition de « l’arrêt du subventionnement public aux compétitions mécaniques les plus polluantes comme la F1 ». Sortie remarquée également contre le transfert de David Beckham au PSG : « Ce n’est pas du jeu, mais du business. A son âge et avec l’état de ses genoux, il va vendre des T-shirts ». Un positionnement « moral » que l’on retrouve dans le programme de EE-LV pour 2012 (http://eelv.fr/wp-content/uploads/2011/12/Projet_EELV_OK_adopte_dec2011.pdf) sous le titre  » Du sport business au sport pour toutes et tous « . Des propositions générales pour ne pas dire vagues : garantie de l’accès au plus grand nombre à la pratique sportive, plan de reconnaissance du bénévolat sportif, instauration d’une vision humaniste du sport de haut niveau. Spécificité verte, la volonté de limiter la construction de grands équipements sportifs coûteux. Que fait-on de l’Euro 2016 dans cette optique ? « Il y a sans doute des gens très compétents sur le sujet chez les écologistes mais le sport reste un impensé absolu » analyse un député PS, sous couvert d’anonymat.

Marine Le Pen, Front national (FN)

Cherche programme désespérément ! Le sport est absent du projet de la candidate du FN et seulement deux communiqués sur le sujet jalonnent son site internet : l’un félicite l’équipe de France féminine de handball (20 décembre 2011), l’autre les pilotes Stéphane Peterhansel et Cyril Despres (16 janvier 2012). « C’est normal, ces questions doivent être traitées par le Parlement » précise-t-on du côté de l’équipe de campagne de l’eurodéputée. Cette dernière s’exprime d’ailleurs peu sur le sujet. Sauf le 13 janvier 2012 ou elle déclarait lors d’une conférence de presse devant l’American European Press Club : « ça me gêne que le Qatar ait acheté le PSG », ajoutant, « les investissements massifs qu’il fait en banlieue [un fonds d’investissement de 50 millions d’Euros, ndlr] le sont à raison de la proportion très importante de musulmans qui sont dans les banlieues françaises ». Éric Domard, conseiller sport de Marine Le Pen, comble le trou béant laissé par sa candidate : « Premier axe, on souhaite lutter contre la financiarisation du sport de haut niveau ». Dans le détail : renégociation des traités européens, retour sur l’arrêt Bosman (1995), principe de 50% de fonds venants d’investisseurs locaux lors de la reprise d’un club, plafonnement progressif des salaires, lutte contre la télédiffusion payante des événements sportifs. « Second axe, on veut soutenir le sport amateur par une meilleure redistribution de l’argent généré par le sport professionnel ». Sans plus de précisions.

Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche (FG)

« Je suis contre le fric dans le sport », lançait Jean-Luc Mélenchon sur LCP Assemblée Nationale, le 13 septembre 2011, tout en concédant que les terrains de sport n’étaient pas son univers. Heureusement le candidat rouge est épaulé par un Parti communiste français (PCF) drapé de son expertise historique en la matière. L’attelage annonce la couleur en souhaitant porter le budget du Ministère des Sports à 1% du budget de l’État. Différence notable avec le PS, ce portefeuille ne comprendrait aucune autre attribution. Autre dissonance avec les socialistes, « la suppression pure et simple de la loi de mai 2010 libéralisant les jeux et les paris en ligne », dixit Nicolas Bonnet responsable de la commission sport au PCF. Une « conférence nationale du sport » régionalisée, similaire à celle de François Hollande cette fois-ci, est envisagée. « 70% des deux programmes sont similaires » analyse un spécialiste, anonymement. Le livre-programme « L’humain d’abord » prévoit par ailleurs, à la section « Être bien dans son corps vive le sport », « l’éducation physique et sportive obligatoire de la maternelle à l’université, qui sera assurée par des enseignants spécialisés : sa durée ira de 3 heures à 5 heures par semaine ». Reste à trouver des moyens à la hauteur des ambitions de Jean-Luc Mélenchon, candidat anti-austérité. Un événement « sport » est prévu le 10 mars à Ivry-sur-Seine (94).

Nicolas Sarkozy, Union pour un mouvement populaire (UMP)

3% c’était la promesse du candidat Sarkozy pour le budget des sports, il y a cinq ans. Entouré d’un parterre de champions il s’était même fendu d’un « Le sport c’est plus important que tout », le 14 avril 2007 à son QG de campagne. Les temps ont changé. Selon les estimations, la part du budget étatique pour la politique sportive serait de 0,08% à 0,15% aujourd’hui. Du côté de l’équipe de Nicolas Sarkozy on répond que « le budget alloué au Centre national pour le développement du sport (CNDS) a dépassé 250 millions d’euros en 2011 (+25 % par rapport à 2007)». Fidèle à sa stratégie d’annonces en meetings, le président-candidat n’a pas encore dégainé son programme « sport ». Il faut donc se référer au programme de l’UMP établit lors d’une convention nationale sur le sujet à Paris le 20 octobre. Sous la bannière  » La France au sommet du podium  » il se décline en 18 propositions, comprenant notamment : l’éducation au cœur de la formation sportive, la création d’un comité de l’éthique ou encore la constitution d’une cellule de lobbying permanente pour les candidatures aux grands événements sportifs. « Le sport est l’outil le plus important pour l’insertion, la cohésion et le lien social. Un euro investit dans le sport c’est 100 euros d’économisés dans le social et 1000 euros dans le judiciaire » synthétise Bernard Depierre, secrétaire national de l’UMP en charge du sport. Le député de Côte d’Or ajoute que Nicolas Sarkozy souhaite « renforcer la Conférence nationale du sport, améliorer les grandes infrastructures et consolider financièrement un Ministère des Sports « authentique » tout comme le CNDS ».

A des degrés variables, le sport est présent dans le programme des principaux candidats à la présidentielle. Néanmoins, il est traité par les aspirants à l’Élysée comme la réponse aux préoccupations d’une corporation. Les sportifs de haut niveau et les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS), pour faire court. Le sport est pourtant transversal et universel, c’est un fait social, économique, politique et médiatique majeur. A tel point que l’Union européenne s’en est saisie, ce qui a échappé à nombre de candidats. Rappelons que le traité de Lisbonne reconnaît la « spécificité » du sport, que la Commission européenne vient d’annoncer un budget de 238 millions pour le sport ces 7 prochaines années et que la législation communautaire prend une place croissante dans l’encadrement (ou non) de cette activité. Il est temps que les présidentiables se mettent véritablement au sport.





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