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Racisme dans les stades : l’incident de trop ?

Par Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA et membre du comité scientifique Sport et Citoyenneté

Vue aérienne d'un stade de football

 

Le racisme à la fois vulgaire et ciblé dont a fait l’objet Vinícius Júnior, l’attaquant brésilien du Réal Madrid, est révélateur à plus d’un titre.

A la surface, cet incident confirme que le racisme reste présent dans le football d’aujourd’hui, malgré l’apparence de spectacle glamoureux et multiculturel qu’il souhaite cultiver. On aurait tort de faire de l’Espagne un cas à part : elle n’a certainement pas le monopole d’une recrudescence d’un discours à caractère xénophobe, et pour ce qui est de son football, il n’est pas non plus le seul à voir resurgir, à intervalles réguliers, des comportements et des paroles de nature raciste. Que d’autres championnats aient réussi à chasser ce racisme latent des tribunes vers les réseaux sociaux n’est qu’une piètre consolation.

L’affaire Vinícius soulève la même question à travers le continent et au-delà : comment est-ce possible qu’on puisse encore entendre ce type d’insultes d’une bêtise crasse ? L’étonnement qu’exprime une telle question met à nu le décalage persistant, voire grandissant, entre les normes socio-culturelles qui régissent l’interaction sociale dans l’espace public et le cadre très particulier du stade de football, lieu de la transgression ritualisée, et la rhétorique de rivalité exacerbée, souvent grotesque, qu’il impose à l’univers de ce sport.

Mais les réactions – massives, retentissantes et internationales – que cet incident a suscité en quelques jours révèle aussi une exaspération profonde devant ce phénomène à caractère répétitif. Elles trahissent un agacement partagé face au refus d’apprendre que les temps ont changé. Elles indiquent aussi que la stratégie de minimisation, en renvoyant tout à un présume humour de second degré, ne marche plus. Le football, pour le dire crûment, ressemble à un vieil oncle qu’on appréciait pour son authenticité, mais dont le langage devient de plus en plus embarrassant.

En même temps, ce sentiment général du « ça a assez duré ! » inspire un optimisme prudent. Dans son immense majorité, la société contemporaine a déplacé la jauge des tabous qui définit ce qui est approprié ou inadmissible dans la communication verbale et non-verbale. Et si le stade de football, en raison de sa longue histoire qui a vu des comportements s’incruster puis se consolider sur la durée, est sous l’emprise d’une certaine inertie, il finira par s’ajuster aux nouvelles règles de la vie sociale.

Le football professionnel aurait les moyens d’accélérer le processus, en prononçant bien davantage de sanctions individuelles contre les racistes dans les stades. Techniquement, c’est possible aujourd’hui. Ce qui lui manque souvent, c’est le courage de passer à l’action, au-delà de la célébration (même pas hypocrite) des « valeurs » du football. A quand le premier club de renom qui démontre publiquement qu’il est prêt à sacrifier le résultat sportif de court-terme au bénéfice de ses valeurs d’inclusion et d’égalité qu’il défend – en refusant de terminer en match, par exemple, quitte à encourir des sanctions ou perdre de l’argent ?


Pour aller plus loin

Etat des lieux du racisme dans les stades, par Albrecht Sonntag sur Eurosport.fr

« Nous devons prendre position afin de ne pas banaliser le racisme dans le sport » Interview de Thierry Witsel, à l’origine de l’initiative « Stop Racism in Sport » en Belgique et administrateur du Think tank Sport et Citoyenneté



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