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Redonner un élan au bénévolat sportif

Colin MIEGE, président du comité scientifique de Sport et Citoyenneté

Photo d'une personne qui donne une prospectus avec marqué "être bénévole"

La journée d’étude et de valorisation des bénévoles qui s’est tenue ce mardi 26 septembre à Lyon sous l’égide de Groupama Rhône-Alpes Auvergne, de la Région Auvergne Rhône-Alpes, avec l’appui technique de Sport et Citoyenneté, a permis de mieux cerner les difficultés actuelles du bénévolat sportif et d’envisager des mesures susceptibles d’y remédier.

 

Un bénévolat en mutation

On peut observer en effet depuis une décennie une transformation du bénévolat[1], mais aussi une certaine érosion, alors même que la demande adressée aux associations n’a cessé de croître et de se complexifier. Dans la grande diversité des associations sportives, l’engagement des bénévoles tend à devenir plus ponctuel et moins pérenne. On trouve en proportion davantage de jeunes et un peu moins de séniors, les moins représentées étant les actifs de la tranche d’âge 50–64 ans. Les moins diplômés sont aussi moins actifs au sein des associations. Mais le plus préoccupant tient à la difficulté de fidéliser les bénévoles, et à les remplacer s’ils viennent à se retirer. Alors que la crise sanitaire a fortement affecté le monde associatif, la reprise des activités n’a pas bénéficié d’une reprise équivalente du bénévolat.

Des associations face à des injonctions diverses

Les raisons de cette difficulté à recruter sont multiples et identifiées de longue date. On peut évoquer d’abord l’individualisme qui domine la vie sociale, et que la crise sanitaire semble avoir accentué. A quoi s’ajoute la complexité sans cesse croissante de l’environnement des associations sportives, confrontées à des injonctions multiples et parfois contradictoires : il leur faut en effet à présent contribuer à la lutte contre la sédentarité, contre l’islamisme radical, participer à l’insertion sociale et professionnelle, mieux accueillir les personnes en situation de handicap, tout en veillant à réduire l’empreinte carbone générée par leurs activités. Les bénévoles doivent respecter le contrat d’engagement Républicain, tout en attestant de leur honorabilité[2]. Les exigences techniques et sécuritaires liées à leur discipline tendent à s’alourdir, tandis que la moindre défaillance se traduit de plus en plus souvent par une mise en cause de leur responsabilité devant les tribunaux.

 

Fidéliser les bénévoles présents et attirer de nouveaux profils

Dans ce contexte quelque peu dissuasif, voire anxiogène, deux enjeux majeurs se posent aujourd’hui avec acuité : comment fidéliser les bénévoles déjà en place ? Comment donner l’envie de s’engager et recruter de nouveaux profils (jeunes, femmes, personnes peu diplômées, personnes en situation de handicap…) ?

Ateliers sur le bénévolat le 26 septembre 2023 dans le cadre de la journée des Trophées du Bénévolat organisé par Groupama Rhône-Alpes Auvergne, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Sport et Citoyenneté

Ateliers sur le bénévolat du 26 septembre 2023 dans le cadre de la journée des Trophées du Bénévolat organisé par Groupama Rhône-Alpes Auvergne, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Sport et Citoyenneté

Les ateliers qui se sont déroulés lors de la journée du 26 septembre ont permis de dégager un certain nombre de pistes :

  • Il semble important d’abord que l’association redéfinisse son projet associatif, en tenant compte de l’évolution de l’environnement sociétal dans lequel elle évolue et des attentes nouvelles de ses membres et partenaires. Un projet clarifié doit permettre à chacun de mieux comprendre les objectifs de l’association, et d’y contribuer le cas échéant selon sa propre disponibilité.
  • Tout bénévole doit être bien accueilli et guidé, surtout s’il débute. À cet effet, il est proposé de créer chaque fois que possible une fonction de « référent bénévole » au sein de l’association. Cette fonction serait confiée à un membre expérimenté chargé d’animer la communauté de bénévoles, d’identifier les besoins et les compétences non pourvus, d’accueillir, d’intégrer et, le cas échéant, de rassurer les nouveaux bénévoles. Cette fonction pourrait être partagée au sein de l’association, mais devra être séparée du champ d’intervention des dirigeants bénévoles, afin de soulager ces derniers.
  • Il importe en outre de multiplier les gratifications symboliques et les expressions de reconnaissance à l’égard des bénévoles, qui y sont en général particulièrement sensibles, car elles renforcent leur sentiment d’utilité sociale et leur estime de soi.
  • Il convient enfin de donner à toute personne l’envie de s’engager et de s’impliquer au sein de l’association, en explicitant les missions susceptibles d’être confiées, et en rassurant sur la capacité à les assumer. Cette démarche s’adresse notamment aux jeunes et aux femmes, encore trop peu présents dans les associations, notamment aux postes à responsabilité.

La mise en œuvre de ces mesures simples et de bon sens nécessite une mobilisation à tous les niveaux pour produire leur plein effet.

Au sein du club sportif tout d’abord, qui doit considérer comme une priorité essentielle la valorisation des bénévoles, la clarification de leurs missions respectives et l’ouverture à de nouveaux profils. La commune, qui constitue le terreau d’ancrage de l’association, se doit aussi de contribuer à la mise en valeur des bénévoles par diverses mesures : amélioration des installations existantes (vestiaires…), organisations de manifestations dédiées (forum des associations sportives, cérémonies de récompenses…), concertation et écoute du monde associatif, etc.

Le niveau départemental et régional constitue aussi un échelon essentiel : comités départementaux et régionaux olympiques et sportifs (CDOS et CROS) proposent de nombreuses formations à destination des bénévoles[3], qu’il convient de mieux faire connaître, notamment au niveau des clubs, tandis que le projet sportif territorial adopté au sein de chaque région se doit de comporter une série de mesures concrètes en faveur du bénévolat. L’instauration d’un « guichet unique », susceptible de faciliter et de simplifier le dépôt des demandes de subventions, est un serpent de mer des politiques sportives locales. Il n’en demeure pas moins un objectif pérenne que les acteurs institutionnels se doivent d’atteindre tant il constitue la revendication première des acteurs de terrain.

 

Enfin, le niveau national doit s’engager sans réserve dans ce qui peut s’assimiler à une grande cause nationale. Les fédérations sportives doivent accorder davantage d’attention et de soutien à la vie associative au sein de leurs clubs, et constituer à cet égard un centre de ressource aisément disponible, accessible et pratique, qui fait encore trop souvent défaut. L’Agence nationale du Sport devrait inclure cette mise en œuvre comme l’un des critères des financements qu’elle accorde aux fédérations.

Le ministère chargé des Sports devrait lancer quant à lui une campagne nationale de sensibilisation et d’incitation, mettant en exergue les bénéfices collectifs primordiaux résultant de l’engagement bénévole, qui débouche sur une vie sociale plus solidaire, plus inclusive et bienveillante, mais qui génère aussi d’inestimables effets positifs sur les bénévoles eux-mêmes, en matière de valorisation personnelle, d’estime de soi et de convivialité partagée.

Enfin, le secteur privé doit être sollicité. Le monde de l’entreprise foisonne de moyens dans le domaine de la gestion des ressources humaines et de valorisation des acquis qui pourraient être mieux partagés au profit du monde associatif, sous réserve d’adaptation.

Un économiste affirmait déjà au XVIe siècle qu’« Il n’est de richesse que d’hommes »[4]. Après l’avoir élargi évidemment aux femmes, cet adage s’applique avec une pertinence particulière au monde associatif d’aujourd’hui…. Il nous faut admettre que dans la période troublée et mouvante que nous traversons, la société a plus que jamais besoin de femmes et d’hommes engagés bénévolement au service de nos concitoyens, dans la conception partagée d’une vie sociale solidaire où tout ne résume pas aux actes marchands. Il convient dès lors de se mobiliser activement afin que leur effectif se remette à progresser, pour le bénéfice de l’ensemble du corps social.

 

[1] Voir à ce sujet les données parues dans l’enquête « La France Bénévole, édition 2023 » publiée par le réseau « Recherches & Solidarités »

[2]Cf. notamment la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, articles 63 à 67.

[3] A l’instar de la formation proposée par le CROS de la région AURA en 2014, intitulée « Mobiliser et former les bénévoles associatifs »

[4] Jean Bodin, 1530-1596.


Pour aller plus loin :

Sauvegarde du bénévolat, quelles solutions pour les clubs sportifs ?
Par Colin MIEGE, président du comité scientifique de Sport et Citoyenneté


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Lire le précédent article de la semaine :

Manuela Nicolosi, arbitre assistante internationale : « Nous sommes sur la bonne voie » Une interview réalisée par Eva Jacomet, chargée de projets du Think tank Sport et Citoyenneté.

 

 

 



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