Relancer le sport, pour tous !

 

Depuis le 17 mars 2020, le sport français est, à l’instar de nombreux secteurs, paralysé par les exigences de confinement qu’impose la crise sanitaire du Covid-19. Des grandes arènes aux gymnases municipaux, les infrastructures sont orphelines de leurs athlètes et de l’activité qui d’ordinaire les anime. Bien que sa pertinence n’en soit absolument pas remise en question, cette mise en sommeil produit des conséquences dévastatrices et immédiates sur l’ensemble de l’écosystème sportif, qu’il s’agisse du sport professionnel, du sport amateur mais aussi et surtout, du « sport pour tous »[1]. Profondément touché, le secteur sportif demeure en attente de solutions concrètes pour faire face à la crise.

 

Le sport français à l’arrêt, vers l’atrophie d’un vecteur fondamental de lien social

Face aux inquiétudes naissantes des acteurs du sport, Sport et Citoyenneté s’est associé à La Centrale du Sport dans le cadre d’une enquête directement adressée aux dirigeants de clubs et aux pratiquants afin de mesurer l’impact de la crise sanitaire sur le sport amateur. Cette étude a pour objet d’appréhender quelles seront les conséquences économiques à court et moyen terme pour ces structures, mais ambitionne également de questionner, par l’absence, le rôle social que celles-ci jouent au quotidien et d’en démontrer l’importance. Les premiers résultats de cette enquête tendent d’ailleurs vers un net constat : avant d’être un lieu de compétition, les clubs amateurs sont d’abord considérés par les pratiquants eux-mêmes comme un espace de vie, un lieu de socialisation, de partage et de rencontres. Pour Sport et Citoyenneté il est primordial de maintenir un soutien politique fort au sport car il représente un important levier de cohésion sociale susceptible d’accompagner le processus de sortie de crise.

 

Cependant, si le sport peut être perçu comme tel, il ne doit en aucun cas être perçu comme un outil magique. Ce postulat est d’autant plus important lorsque l’on évoque le cas du « sport pour tous », où l’activité sportive est susceptible d’être mobilisée comme vecteur d’inclusion sociale auprès de populations vulnérables ou éloignées de la pratique. À cette fin, il doit être manipulé avec minutie et les pratiques doivent en être adaptées pour ne pas avoir un effet contre-productif et reproduire des situations sociales de violence ou de mise en échec. En l’absence d’un réel soutien les acteurs du sport pour tous, fragilisés par une tension contextuelle de l’écosystème, ne seront pas en mesure de répondre avec efficacité à cette mission, pourtant essentielle en matière de santé publique et de progrès social.

L’urgence est réelle, et construire les solutions pour y répondre invite à imaginer des solutions de manière collective, c’est-à-dire également à l’échelle européenne.

 

Le financement du sport pour tous, une structure à repenser

Par sa position européenne, Sport et Citoyenneté fait un constat malheureusement peu encourageant : le sport pour tous est fragilisé dans tous les pays européens en période de crise. Partout où ils permettent au sport d’exister, les acteurs locaux, clubs et associations sont en danger parce qu’ils sont dépendants financièrement. Une étude de 2014[2] sur l’impact de la crise de 2008 sur le sport en Europe révélait que le sport pour tous était le secteur sportif le plus touché, et ce quelle que soit la structure de son financement au niveau national. Que leurs acteurs tirent principalement leurs ressources d’entités publiques comme en France, ou privées comme dans le Sud de l’Europe, le constat est identique. A contrario, d’autres secteurs sportifs, comme le secteur de l’évènementiel sportif, ont été moins fortement impactés.

Alors, le sport pour tous ferait-il face à un mal structurel ? On peut l’imaginer, et les différentes initiatives qui fleurissent pour penser « le sport de demain », plus durable, sont de bon augure. À cet égard, une réflexion européenne trouve, elle aussi, tout son intérêt. Que ce soit par la coopération ou en s’inspirant mutuellement, les pays européens peuvent être instigateurs de solutions permettant au sport pour tous d’adopter un modèle pérenne. La crise actuelle relance assurément le débat sur le financement du sport pour tous au sein du marché intérieur[3].

 

Un soutien nécessaire à l’échelle européenne

Sport et Citoyenneté et le réseau SHARE ont pris position pour que le sport ne reste pas en marge des mécanismes de soutien et de relance européens actuellement en discussion. À l’échelle européenne, le secteur sportif représente 5,67 millions d’emplois et génère près de 280 milliards d’euros chaque année[4]. La crise du Covid-19 a d’ores et déjà eu un impact négatif sur tous les acteurs du sport, qu’il s’agisse des clubs amateurs ou professionnels, de l’industrie du sport, mais aussi des sportifs et des travailleurs indépendants. Or, tous ces secteurs sont interdépendants. Face aux difficultés des structures sportives associatives, et en particulier les plus petites d’entre elles, c’est l’activité physique, la santé, le lien social et le bien-être des citoyens européens qui est compromis. C’est pourquoi les réponses européennes et nationales doivent être à la hauteur de ce que le sport et ses acteurs apportent à la société.

Dans la dynamique de sortie de crise, le rôle du sport ne saurait donc se limiter au « maintien de l’existant ». Sport et Citoyenneté tend au contraire à le considérer comme une opportunité de développement en matière d’innovation sociale. Pour ce faire, il est crucial que le sport de demain soit doté de moyens, humains et financiers, accompagnés de choix politiques forts en sa direction, pour lui conférer, en ce qu’il représente un formidable vecteur de cohésion sociale, sa pleine puissance.

 

[1] Le concept de « sport pour tous » fait référence à une volonté politique de permettre l’activité physique à tout âge, pour tout milieu social ainsi que pour tout état de santé. Il se détache du cadre compétitif et priorise la notion de loisir.

[2]Földesi, Gyöngyi, 2014, The Impact of the Global Economic Crisis on Sport, Physical Culture and Sport. Studies and Research,63.https://www.researchgate.net/publication/286874609_The_Impact_of_the_Global_Economic_Crisis_on_Sport

[3]Andreff, W. ,2010,What future sustainable funding model(s) for grassroots sports in the internal market? BrusselsConference, February 16th.

[4]https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/865ef44c-5ca1-11e8-ab41-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-71256399

 

 

PDF – « Position paper on the impact of the COVID-19 crisis on the sport sector »


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Sport et citoyenneté