La Ryder Cup, une expérience fondatrice avant, peut-être, l’accueil des Jeux

Interview pour la revue n°34 : Sport et Environnement

FFGolf – Thomas Charrier

Engagée depuis de nombreuses années dans une politique environnementale globale, la Fédération Française de Golf a su changer le regard porté sur sa discipline. Que ce soit dans le cadre de la charte nationale Golf et Environnement, le Golf National, salué pour la préservation de la biodiversité du terrain et son éco-gestion, ou encore la convention récente signée avec le Muséum National d’Histoire naturelle, les exemples sont nombreux. Entretien avec Thomas Charrier, Membre de la Direction des territoires et des équipements à la FFGolf.

Propos recueillis par Pierre Michel et Augustin Legris, Mastère Spécialisé en Management des Organisations de Sport, Audencia Business School

Le golf, bien que sport de plein air, n’est pas réputé pour être un sport très respectueux de l’environnement. Que faites-vous pour améliorer cette situation ?

TC : Le golf est un sport qui se pratique dans le monde entier, dans des climats forcément très différents. C’est pourquoi les consommations de ressources naturelles varient très fortement selon les territoires. Le reproche qui est fait au golf, et qui nous est préjudiciable, est que la construction de certains golfs se fait dans des milieux pauvres en eau. Construire un golf dans le désert, ça ne participe pas à la bonne image de notre sport, c’est certain. Mais ce reproche ne tient pas pour les golfs que l’on rencontre dans les zones tempérées. Il faut donc opérer une analyse au cas par cas de la gestion des ressources naturelles.

La consommation d’eau mais aussi celle de produits phytosanitaires est souvent pointée du doigt. La situation s’améliore-t-elle dans ces domaines ?

TC : La fédération a réalisé un inventaire sur les pratiques menées par les golfs en termes d’utilisation d’eau. Cela nous a permis de rédiger un état des lieux de cette problématique, disponible sur notre site internet. L’enjeu est de permettre aux personnes qui s’intéressent à ce sujet d’avoir une information récente et pertinente. Il est également important de souligner que la fédération dispose d’une « Charte nationale golf et environnement », qui est un accord signé avec les ministères de l’Écologie, des Sports et de l’Agriculture. Cet accord vise à la mise en œuvre d’un programme d’action nationale sur les thématiques de réduction des consommations d’eau et de produits phytosanitaires. Sur la partie consommation d’eau, un certain nombre de golfs n’utilisent que de l’eau potable, n’ayant pas d’autres connexions à une ressource naturelle plus acceptable. L’enjeu est donc d’identifier ces structures afin de leur proposer des alternatives. À ce titre, figure notamment la réutilisation des eaux usées traitées par les stations d’épuration. Une quinzaine de golfs en France utilisent ce mécanisme avec, désormais, un recul d’expérience. C’est un système très vertueux à de nombreux points de vue. C’est pourquoi nous aimerions le voir se développer sur l’ensemble des golfs. Cependant, la réglementation sur le sujet est stricte et la mise en place de ce type de projet s’avère très complexe.

Sur l’aspect phytosanitaire, nous avons effectué le même type de démarche en envoyant aux clubs un questionnaire pour recenser leurs pratiques d’utilisation de ces produits. Les golfs en utilisent actuellement car dans la culture des gazons sportifs, nous avons un niveau d’exigence maximum. On prépare des gazons très techniques (contrairement au rugby par exemple). Les greens, surface la plus rase représentant 2% de l’emprise d’un golf, peuvent subir différentes attaques de nuisibles (maladies fongiques, invasions de graminées…) qui imposent de recourir aux produits phytosanitaires pour maintenir leurs qualités sportives.

La fédération incite les golfs à prendre des mesures écologiques mais y-a-t-il un pouvoir de sanction ou êtes-vous soumis à la bonne volonté des golfs ?

TC : C’est de toute façon la limite. On est une fédération de clubs, nous n’avons pas vocation à rentrer dans leur gestion proprement dite. On a un pouvoir d’incitation et notre vocation est surtout de permettre aux clubs de pouvoir accéder à un maximum de services afin d’engager ensuite ce type de conversion. Ils sont libres de pouvoir le faire. Cela tient aussi à leur propre contraintes, économiques notamment, car il faut être en capacité de pouvoir financer des programmes de ce type, sans compter le matériel quelquefois nécessaire. On ne peut donc pas sanctionner les clubs qui ne peuvent pas engager ces investissements. On essaye de les inciter à le faire, à mettre en place des dispositifs qui leur permettent d’accéder à des aides financières comme celles des Agences de l’eau. On a des conventions par exemple avec celle de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, qui permet aux clubs concernés d’accéder à des aides financières sur des programmes d’investissements permettant de réduire la consommation d’eau et de produits phytosanitaires. On aimerait déployer ce dispositif sur l’ensemble des bassins. Un certain nombre de clubs se sont déjà engagés dans ces investissements vertueux.

Beaucoup d’événements auront lieu prochainement en France, comme la Ryder Cup 2018 et, peut-être, les Jeux Olympiques en 2024. Cela change-t-il votre approche ? La fédération internationale et le CIO ont-ils un droit de regard en matière d’environnement sur ce qui a été fait ?

TC : Oui, tout à fait. Par exemple, pour prétendre accueillir la Ryder Cup, il faut répondre à un cahier des charges qui contient des aspects environnementaux. On a donc réalisé un ensemble de travaux d’aménagements sur le Golf National de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui sera le lieu d’accueil de la Ryder Cup. Ces travaux visent à améliorer la gestion de l’eau, la capacité d’accueil logistique et événementielle et tout ce qui concerne la préparation des terrains.

En ce qui concerne Paris 2024, nous sommes déterminés à accueillir les épreuves de golf si Paris était retenu. Au regard de ce qu’on peut mettre en place actuellement, le plus gros du travail sera ainsi déjà réalisé. La Ryder Cup est donc une expérience fondatrice pour nous dans la perspective d’accueillir les Jeux.

Il est important de noter aussi que le Golf National est intégré dans un programme de certification environnementale (Golf Environment Organization). De plus en plus de golfs s’inscrivent dans ce type de démarche. Il s’agit de programmes de management de la qualité qui nous poussent à améliorer l’ensemble des points touchant à l’environnement, à la gestion de l’eau, des déchets, des énergies…

En matière de préservation de la biodiversité, nous avons lancé cette année un programme d’études de la biodiversité des golfs français avec le Muséum National d’Histoire Naturelle. Un volet spécifique est consacré au Golf National dans la perspective de l’accueil de la Ryder Cup en 2018. L’European Tour, organisateur de la Ryder Cup, et le Royal and Ancient, autorité européenne du golf, soutiennent ce programme innovant dont l’objectif est de concilier la préservation de la biodiversité du site avec l’accueil d’un événement exceptionnel comme la Ryder Cup.

Quels sont les objectifs à venir pour votre fédération ?

TC : La fédération a des objectifs de rationalisation quant à l’utilisation des ressources. Pour autant, on n’est pas en capacité demain de ne plus utiliser de fertilisants ou d’autres produits sur les parcours de golf, sans altérer drastiquement leur qualité. Tendre vers le maximum écologique induit aussi des limites, sachant que la problématique que nous rencontrons concerne plus la difficulté à trouver des alternatives satisfaisantes à certains produits utilisés par exemple pour lutter contre les nuisibles. Si on enlève tous les outils sans proposer des alternatives tenables, on met en péril toute la filière. La démarche de progrès est présente et on l’incite à tous les niveaux, mais ça ne peut pas être une conversion radicale. Une interdiction de certains produits conduirait à la fermeture de beaucoup de golfs.

 

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