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« L’égalité femmes-hommes et la médiatisation égale sont inscrites dans l’histoire du handball »  

Propos recueillis par Eva Jacomet, chargée de mission du Think Tank Sport et Citoyenneté 

 

Ancienne internationale française de handball avec 151 sélections à son actif et un titre de championne du monde en 2003, Nodjialem Myaro fait partie de la génération qui a fait émerger le handball féminin français au niveau international et européen. Forte de cette expérience et de son engagement de chaque instant pour le sport au féminin, elle a endossé le rôle de Présidente de la Ligue Féminine de Handball depuis 2013 et exerce également en tant que consultante télé. En amont du colloque dédié au Sport au Féminin que Sport et Citoyenneté coorganise ce lundi 23 janvier avec les Neptunes de Nantes, elle nous partage son regard sur les progrès réalisés et chemin restant à parcourir pour une médiatisation à part égale du handball et du sport. 

 

Sur les questions d’égalité entre femmes et hommes dans le sport, le handball français fait office de bon élève. Quel regard portez-vous sur la médiatisation actuelle du handball au féminin en tant qu’ancienne joueuse internationale, désormais Présidente de la LFH et consultante ?  

L’égalité femmes-hommes et la médiatisation égale, je pense que c’est quelque chose qui est inscrit dans l’histoire du handball et du handball féminin. Cette histoire a commencé, en 1999, aux Championnats du Monde de Handball en Norvège où l’Equipe de France devient vice-championne du monde. Marie-George Buffet, qui était à l’époque notre Ministre aux Sports intervient pour que le match soit diffusé à la télévision. C’est la première finale internationale pour l’Equipe de France et on fait une audience record en France avec près de 12 millions de téléspectateurs ! L’arrivée de l’Equipe de France dans une compétition mondiale a bouleversé le programme TV et on voulait que cette médiatisation perdure et se développe encore davantage.  

Depuis des années, il y a d’ailleurs, une vraie volonté qui s’est instaurée au sein de la Fédération Française de Handball de diffuser à la même hauteur le handball masculin et féminin. Défendre une médiatisation à part égale entre équipes féminine et masculines, c’est un réel engagement de la Fédération et c’est très important à mes yeux. Et ce qui est bien c’est que les audiences sont aussi bonnes chez les garçons que chez les filles ! 

 

En 2022, la FFHandball, la Ligue féminine de handball (LFH) et la Ligue nationale de handball (LNH) ont lancé officiellement HandballTV. Il s’agit d’une grande première dans l’histoire des sports collectifs majeurs puisque cette plateforme vidéo mise en place conjointement par les trois structures propose des contenus sur tous les handballs, quelle a été la genèse de cette démarche ?  

Durant la période de la crise sanitaire, la Ligue Nationale de Handball a créé sa propre OTT* afin d’assurer la diffusion des matchs. Du côté de la LFH, c’était également une solution que nous envisagions depuis plusieurs années, et cela était inscrit dans notre projet fédéral. Ce projet de développer une OTT dédiée à tous les handballs a pris forme avec l’arrivée de Philippe Bana, en tant que Président de la Fédération. Au fur et à mesure des réunions que nous avons faites à ce sujet entre la Fédération, la LFH et la LNH, cette évidence est née. Au regard du coût que représente la diffusion des matchs et de l’expérience réussie de la LNH, nous nous sommes rapprochés et associés au projet porté par la Ligue nationale de handball pour offrir cette plateforme unique qu’on a inauguré à l’occasion d’une conférence de presse le 30 août 2022.  

 

Quels sont vos objectifs à l’avenir pour renforcer encore la visibilité et la médiatisation des championnats féminins ?  

L’objectif pour la LFH est de couvrir via Handball TV un maximum de matchs des première et seconde divisions. Après 5 mois, nous avons déjà été en mesure de diffuser 56 matchs en Ligue Butagaz Energie contre seulement 20 la saison dernière. L’OTT nous permet aussi d’assurer et renforcer la visibilité de la deuxième division, bien que le cahier des charges et les attentes ne soient évidemment pas les mêmes pour les clubs de première division et ceux de deuxième division. L’objectif de la LFH, pour les clubs D2 est de les accompagner et de leur dispenser une formation pour qu’ils soient en mesure d’auto-produire les matchs et d’assurer la réalisation de vidéos de bonne qualité. Grâce à ce dispositif, 12 à 13 clubs sont de la D2 féminine sont aujourd’hui en mesure de diffuser des matchs.  

Il faut noter aussi tout le travail qui a été réalisé en amont pour percevoir le championnat féminin comme un produit à diffuser. Je pense notamment à la mise en place du tracé unique au sol. Avant, on avait un chevauchement des tracés pour la pratique du handball, mais également du basket et du volley, cela compliquait la diffusion du handball au féminin. La LFH a accompagné et co-financé la rénovation des salles pour garantir le tracé unique, ce qui est une réelle avancée pour une meilleure diffusion. En tant qu’ancienne joueuse professionnelle, je vois une vraie évolution. Nos matchs n’étaient pas diffusés au début de ma carrière et ce n’est qu’à la fin de ma carrière que certains matchs étaient diffusés mais il s’agissait exclusivement des finalités en Coupe de France ou en Coupe de la Ligue.  

Nous allons poursuivre cette dynamique. L’objectif de la LFH est de montrer davantage de matchs des divisions féminines mais ma volonté est également d’élargir et de proposer de nouveaux contenus. Nous devons nous emparer de sujets qui touchent nos sportives de haut-niveau. On doit pouvoir et parler et montrer comment vit une handballeuse, quels sont les freins et les leviers qui conditionnent ses performances.  

 

Plus généralement, la Ligue Féminine de Handball s’engage fortement pour la défense du droit des sportives et de l’accès des femmes à la pratique sportive, quelles formes cela prend-il ? 

La LFH a soutenu l’adoption de la Convention collective du Handball Professionnel féminin. La Convention a été signé de manière tripartite avec les partenaires sociaux, cela a été un énorme travail qui a été fait entre les syndicats des joueuses, les syndicats des entraîneurs et les clubs pour trouver cet équilibre. Elle permet notamment de garantir le droit à la maternité des joueuses. Elle assure un revenu minimum pour qu’une handballeuse qui aurait un souhait de maternité puisse le vivre sereinement et que cela ne soit pas un frein à sa carrière sportive. In fine, c’est tout simplement rattraper un retard qui est injuste. Il est important que cela puisse inspirer d’autres sports à aller dans ce sens-là.  

Au niveau de la LFH, on s’est beaucoup concentré sur la partie terrain, on cherche désormais à penser et voir le handball autrement, comme levier sociétal mais également comme élément pouvant contribuer à meilleure santé, sans oublier les enjeux de performance. Ce sont ces axes là que nous poursuivons et que nous souhaitons aborder de la meilleure des manières. En matière de santé, nous cherchons à nous approprier la problématique et voulons la travailler de manière transversale, dans la pratique pour tous via le développement du handfit par exemple comme dans le haut-niveau, sur les problématiques qui touchent les sportives de haut-niveau à l’image de l’impact des cycles menstruels.  

Sur la question des cycles menstruels, c’est le début d’une longue histoire je crois. En France, nous sommes très en retard sur ces sujets, aux Etats-Unis par exemple, l’équipe de football nationale adapte les entraînements aux cycles menstruels depuis plusieurs années. Quand on découvre l’impact du cycle menstruel en matière d’alimentation ou de risque de blessures, on prend conscience que c’est non seulement une question de santé des femmes mais aussi de performance des sportives.  

Nous sommes heureux de porter ces enjeux tellement forts et de pouvoir bénéficier du soutien et de l’engagement de nos partenaires avec qui nous partageons ces valeurs communes sur ces sujets ! 

Mobilisés sur la question de l’accès et de la place des femmes dans le sport, le Think Tank Sport et Citoyenneté et les Neptunes de Nantes, club de volleyball et handball féminin de haut niveau et vainqueur de la Ligue Européenne de Handball en 2021 organisent un colloque intitulé « Priorité politique, développement économique et médiatique : défis d’aujourd’hui et de demain pour le sport au féminin » ce lundi 23 janvier à la Cité des Congrès de Nantes. Plus d’informations ici 

*Une plate-forme OTT (over-the-top) est un service qui permet de diffuser des flux vidéo et en direct sur n’importe quel appareil connecté à Internet.  

 

@Nodji_Myaro


Pour aller plus loin:

Notre dernière article de l’hebdo sport et société : Quel avenir pour la gouvernance du mouvement olympique et sportif international face à une crise de légitimité ?

 



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