Croire au pouvoir social du football pour faire face à la « crise de l’accueil » 

Par Sophie Lopez, chargée de projets européens, Think tank Sport et Citoyenneté

joueur de football maillot et short rouge

Le récit d’une « crise migratoire » occupe l’espace médiatique depuis de nombreuses années. Mais ne s’agit-il pas plutôt d’une « crise de l’accueil » des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés ? Pour Sophie Lopez, Cheffe de projets chez Sport et Citoyenneté en charge notamment du projet FIRE+, l’UE doit être plus franche dans ses positions et accompagner les acteurs de la société civile qui s’engagent sur ces sujets. 

 

« Des positions plus franches et des directives claires » 

Sophie LOPEZ

Le droit d’asile est mis à mal partout en Europe. Pourtant, il constitue un droit fondamental qui doit être octroyé à toute personne dont la situation remplit les critères de la convention de Genève. Les flux migratoires agitent les débats depuis plusieurs années. Nous faisons face à un durcissement des positions politiques à l’égard de la migration. Les différentes arrivées sont présentées par certains comme un fardeau, voire une « menace » dont les sociétés européennes doivent se débarrasser. Pour cela, tous les moyens sont bons : fermetures des frontières ; amplification des discours haineux ; raidissement des procédures de régularisation ; durcissement des autorisations de sauvetage en mer ; politique d’externalisation de la gestion de la migration vers des pays où les droits fondamentaux ne sont pas respectés… 

Depuis 2015, la crise de l’accueil des populations réfugiées et migrantes continue de s’enliser. Car oui, il s’agit bien d’une « crise de l’accueil », et non d’une « crise migratoire » ou bien d’une « crise des réfugiés » comme cela est souvent prétendu. Ce ne sont pas les arrivées qui sont devenues critiques, mais bien les conditions d’accueil qui viennent fragiliser l’entièreté du système social du pays d’accueil. 

Il est important d’inverser ce récit institutionnel et polémique. Les êtres humains se déplacent depuis toujours, et continueront à se déplacer dans le futur. Il est urgent de soutenir ces nouveaux arrivants dans leurs parcours d’inclusion. Si une coordination européenne et un soutien national sont nécessaires, les conditions de l’inclusion doivent aussi être mises en œuvre au niveau local. Si les plus hautes instances des Etats membres de l’UE ne sont pas capables d’éteindre l’incendie de la crise de l’accueil, la société civile doit prendre les devants avec une tâche qu’elle sait parfaitement remplir. 

 

Dans ce contexte, le sport demeure un outil puissant d’inclusion sociale pour les populations en exil. La Commission européenne reconnait timidement ce pouvoir d’inclusion. Le sport est identifié dans le Plan d’action en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-2027. Le programme Erasmus+ soutient les initiatives qui promeuvent l’inclusion sociale dans et par le sport. Néanmoins, le sport reste encore absent des grandes discussions, à l’image de la 7e réunion du Forum européen sur la migration, dont le thème était pourtant « L’inclusion des jeunes, clé d’une intégration réussie des migrants ». C’est pourquoi nous plaidons pour que le sport en tant qu’outil d’inclusion des réfugiés, des demandeurs d’asile et plus largement des personnes migrantes soit inscrit noir sur blanc à l’agenda européen. Nous pensons que l’UE doit présenter des positions plus franches et proposer aux Etats membres des directives claires en la matière. 

 

Le football crée du lien social entre locaux et nouveaux arrivants

Le football est le sport le plus populaire au monde. Difficile de contredire cela. Il est présent sur tous les continents. Il est facile à mettre en place. Il suffit d’avoir un ballon, quelques joueuses et joueurs, et le match est lancé ! Le club de football « du quartier » anime souvent la vie sociale locale. C’est pour cette raison que le football peut, et doit, jouer un rôle dans cette démarche d’accueil et d’inclusion sociale. 

Lorsque nous avons développé nos projets européens FIRE (Football Including Refugees in Europe) et FIRE+, nous avons fait les constats suivants : 

  • D’une part, les habitants locaux ne sont pas nécessairement « anti-immigration ». Nombre d’entre eux souhaitent rencontrer ces nouveaux venus, partager quelque chose avec eux et apprendre à les connaître. Cependant, cela ne se fait pas naturellement. 
  • D’autre part, les nouveaux arrivants se retrouvent dans une nouvelle communauté, une nouvelle ville. Certains repères ont été perdus, il faut donc tisser de nouveaux liens. 

Ce lien, ce lieu de rencontre, ce peut être le terrain de football. En jouant au football, habitants locaux et demandeurs d’asile/réfugiés partagent quelque chose. Ils apprennent à se connaître. Et cela va bien plus loin. Les nouveaux arrivants participent à la vie du club en assistant aussi bien aux matchs qu’aux événements sociaux organisés tout au long de la saison. Se forme ainsi un nouveau cercle social. 

Dans cette optique, il faut aussi penser au football. Ou plutôt, il faut revenir à ce qu’est le football : un sport de ballon. Par nature, le football n’est pas exclusif. Il ne doit pas reproduire les discriminations. Il doit s’affranchir des comportements haineux, du racisme. Il est sans doute nécessaire d’omettre l’aspect compétitif pour se recentrer sur les vertus sociales du football pour garantir une inclusion réussie des réfugiés et des demandeurs d’asile dans leur communauté d’accueil. 

Certes, le sport et le football ne règleront pas tout. Cependant, il faut encore croire au pouvoir social du football et continuer d’agir. De nombreuses initiatives ont été répertoriées partout en Europe. A travers le projet FIRE+, nous avons non seulement voulu les soutenir mais aussi les visibiliser. La démarche est enclenchée. Cependant, il reste du travail pour faire du football un véritable outil d’inclusion sociale pour tous les demandeurs d’asile et les personnes réfugiées, sans distinction, quel que soit leur nationalité ou leur pays d’accueil. Nous y arriverons ! 


Pour aller plus loin

https://footballwithrefugees.eu/ Le site du projet FIRE+ « Football Including Refugees » conduit par Sport et Citoyenneté avec 7 partenaires européens

L’inclusion par le sport des populations déplacées : échanger pour innover par Sylvain Landa, Directeur éditorial du Think tank Sport et Citoyenneté

Le sport en tant qu’outil d’inclusion des jeunes migrants doit être inscrit noir sur blanc à l’agenda de l’UE par Sophie Lopez, chargée de mission affaires européennes

Le bénévolat sportif : un fort levier d’inclusion sociale pour les personnes réfugiéesInterview avec l’association italienne Liberi Nantes Par Sophie Lopez, chargée de projets européens, Think tank Sport et Citoyenneté

 


Lire la revue :

Sport et Citoyenneté n°56 : Conclusions du projet FIRE+





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