Finançons responsable pour créer de la valeur partagée

1er septembre 2015

Tézenas_Magali

Magali Tézenas du Montcel

Déléguée Générale de SPORSORA 

 

Le financement du sport va irrémédiablement se tourner de plus en plus vers le secteur privé pour financer les événements, les enceintes et de façon plus générale la pratique sportive. Nous avons au sein de SPORSORA, association des acteurs de l’économie du sport, quelques réflexions à partager sur le sujet du financement durable du sport (ou financement du sport durable car l’un et l’autre sont intimement liés). Il fait l’objet de réflexions au sein des collèges et commissions de travail avec nos membres, qu’ils soient annonceurs, partenaires du sport, détenteurs de droits, médias, agences ou autres.

Les clefs d’un partenariat sportif responsable et donc durable

Les sponsors ou partenaires privés du sport sont pour la plupart engagés dans une démarche responsable. Au sein de SPORSORA, nous avons écrit et partagé une charte du partenariat sportif durable, gage d’une relation saine et responsable entre annonceurs et détenteurs de droits du sport.

Dix points composent cette charte, nous en relèverons quatre, qui ont un lien direct avec l’idée de financement responsable.

  • L’investissement dans la durée : nous avons tous intérêt, partenaires privés et mouvement sportif dans sa globalité, à nous engager dans des relations à long terme ; c’est un des facteurs clé de succès en matière de notoriété/visibilité et préférence pour les marques, mais aussi une sécurité pour le modèle économique du détenteur de droits.
  • La promotion des valeurs sociétales du sport lors des événements sportifs et de l’activation des partenariats : financer le sport peut permettre de favoriser la cohésion sociale, l’éducation et le développement personnel, de s’engager en faveur des valeurs éthiques, de prévenir et lutter contre toutes les formes de violence, de développer des projets autour du respect, de l’esprit sportif et de solidarité ou encore de promouvoir l’engagement bénévole.
  • Financer le sport de façon responsable consiste aussi pour les partenaires à rendre le sport et les événements sportifs accessibles à tous : rendre accessibles les infrastructures, promouvoir le sport pour tous, développer des actions en faveur du handicap, promouvoir l’égalité homme/femme, organiser des actions de promotion de la mixité sociale, donner un accès au sport pour les publics en situation d’exclusion.
  • Financer le sport c’est enfin développer la relation santé/sport : l’impact de l’activité physique et sportive sur la santé publique et sa promotion auprès de populations à risque n’est plus à démontrer.

Les partenaires peuvent, dans le cadre de leurs actions d’activation, faire de l’activité physique et sportive comme facteur de santé et de bien-être un axe fort de leur communication ; inscrire la lutte contre le dopage comme facteur déterminant du contrat de partenariat ou encore sensibiliser aux bons réflexes santé et sécurité de tous.

L’implication des partenaires dans la gouvernance du sport

Alors que l’on demande aux partenaires privés d’avoir une attitude responsable vis-à-vis du sport et de son financement, l’inverse est aussi nécessaire : le mouvement sportif doit se montrer irréprochable et exemplaire pour fidéliser et attirer les partenaires financiers.

Les marques partenaires doivent trouver dans le financement du sport un bon retour sur investissement. Associer sa marque à un événement, un sportif, une équipe, une enceinte sportive est extrêmement efficace en termes marketing. Mais lorsqu’il y a un (grand) écart de conduite, les conséquences pour la marque peuvent être considérables. De plus en plus de partenaires souhaiteraient ainsi pouvoir être associés à la gouvernance du sport afin d’aider les institutions sportives à garder le bon cap, dans l’intérêt de chacun. Un nouveau modèle pourrait émerger, avec un équilibre difficile à trouver entre l’implication des financeurs privés, sans risque d’ingérence malvenue, mais au profit de l’intégrité et de l’éthique du sport. Il s’agit là d’un des éléments clés pour un financement responsable et certainement d’une petite révolution pour les institutions sportives. Un partage de compétences qui ne relèverait pas de considérations financières au départ mais qui servirait pourtant la crédibilité et donc indirectement les revenus financiers du sport.

Le sport, élément de la Responsabilité Sociale des Entreprises  et d’héritage

Le sport possède une dimension universelle et un pouvoir d’attraction auprès de nombreuses cibles qui devraient en faire un élément majeur pour nourrir les politiques de RSE. Optimiser en efficacité et en coût les investissements des marques dans le sport, c’est apporter des éléments de réponse à certains enjeux majeurs auxquels sont confrontées aujourd’hui les entreprises, au-delà du marketing et de la communication. Le sport a une opportunité majeure à saisir en se positionnant comme outil ressource des stratégies RSE. Les détenteurs de droits doivent être en capacité de proposer à leurs partenaires et financeurs des activations pouvant être revendiquées dans un bilan de RSE.

A titre d’exemple nous pouvons rappeler l’opération « Supporters de l’emploi », lauréat du « Coup de Cœur » des Trophées SPORSORA 2015. Dans le cadre du volet sociétal du partenariat entre la FDJ et le football professionnel, une « plate-forme nationale du football professionnel en faveur de l’emploi », baptisée « Supporters de l’emploi », est mise en œuvre par les clubs, l’UCPF, la LFP et la FDJ, avec la collaboration de Pôle Emploi et de l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique).

Par ailleurs, les organisateurs de grands événements sportifs ne peuvent plus faire l’économie d’un plan de « Legacy ». L’héritage post événement pour les populations, les territoires, les entreprises impliquées fait partie intégrante d’un financement responsable. Il permet d’améliorer des indicateurs de retour sur investissement sur des axes tangibles mais aussi immatériels. Financer de façon responsable un événement, c’est être capable de mettre en place des « Fan zones », d’associer l’ensemble du territoire afin de faire partager l’événement au plus grand nombre, de donner des moments d’émotion, de bonheur partagé au-delà des personnes présentes dans le stade ou devant leur télévision, de plus en plus souvent payante. Des partenariats responsables permettront de démultiplier bonheur et émotion, valeurs immatérielles bien difficiles à évaluer.

Financer le sport de façon responsable, c’est aussi favoriser l’innovation et innover dans les entreprises partenaires.

Le sport est une terre d’innovation. Celle-ci permet notamment d’améliorer la performance sportive par un matériel toujours plus léger, rapide, connecté… mais aussi l’expérience du fan, du supporter ou du pratiquant. Financer le sport de façon responsable, c’est aussi mettre des équipes de recherche et développement au service d’équipes cyclistes, de bateaux ou voitures de course, de raquettes qui pourront dans un premier temps profiter aux sportifs de haut niveau concernés, et ensuite au grand public.

L’émergence des médias sociaux, entre autres, a permis d’attirer à une certaine forme d’activité physique et sportive des publics qui s’en étaient éloignés ou n’y avaient jamais eu accès. Le succès de pratiques telles que le Foot5, le Basket Ball 3X3, de courses telles que la Color Run ou le Mud Day, l’affluence dans les « Boost Battle Run »… ont attiré de nouveaux partenaires du sport, des marques qui n’auraient pas financé l’offre sportive « classique ». On peut donc espérer attirer, grâce à des formats et des médias innovants, de nouveaux investisseurs.

Enfin, nous pouvons nous réjouir aujourd’hui de l’émergence de nouveaux modes de financement plus participatifs. Le « crowdfunding » est arrivé récemment dans l’univers du sport en France, mais depuis de plus longues années ailleurs en Europe et aux Etats Unis. Athlètes, clubs, tous types de projets sportifs peuvent être aujourd’hui financés par des communautés, parfois même soutenus par des entreprises partenaires. Cela répond à une envie de partage d’expériences, d’une quête de sens que les nouvelles technologies permettent de partager. Ainsi aujourd’hui, Sponsorise.me ou Fosburit sont des acteurs essentiels au financement du sport, aussi bien professionnel qu’amateur.

Autre cas intéressant de financement responsable, celui de la Ryder Cup 2018 en France. Les licenciés participent à hauteur de 3€ au financement de la candidature française. Un financement participatif qui témoigne du niveau d’acceptation de l’événement par la base des pratiquants. L’héritage, et notamment le programme des 100 petits équipements, permettront aussi de développer durablement ce sport.

On le voit, les exemples de financement du sport durable sont nombreux et extrêmement variés. Ils traduisent la dynamique de ce secteur et de la volonté de collaboration entre détenteurs de droits et partenaires dans un objectif commun. De nombreuses voies restent à explorer : autant d’émotion sportive en perspective !

 

Article issu de la revue 31 de Sport et Citoyenneté, Financement durable du sport





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