« Le pouvoir du sport, allié à des solutions innovantes, peut ouvrir la voie à des sociétés plus inclusives »

Champion du monde de pentathlon moderne en 1987, Joël Bouzou* a créé en 2007 Peace and Sport, une organisation mondiale, neutre, indépendante et opérationnelle qui utilise le sport et ses valeurs comme instrument de paix. Dans quelques jours s’ouvrira la 10e édition du Forum international Peace and Sport (6-8 décembre), qui mettra l’accent sur les dernières méthodes et innovations qui utilisent le sport pour répondre aux problématiques sociales et relever les défis du futur.

* Membre du Comité Scientifique du Think tank Sport et Citoyenneté

Peace and Sport fête cette année son 10e anniversaire. Depuis 2007, comment jugez-vous l’évolution de l’utilisation du sport comme outil de développement et de paix ?

JB : C’est à Monaco, il y a 10 ans, que Peace and Sport a été créée sous le Haut Patronage de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco. Au cours de cette dernière décennie, nous avons vu grandir le mouvement de la paix par le sport, avec des actions exceptionnelles et des programmes autour du sport qui ont bénéficié à de nombreuses communautés dans le monde.

Nous avons sensibilisé les dirigeants politiques et les responsables du monde sportif, à l’utilisation du sport comme outil de promotion de la paix. Véritable moteur de la célébration du 6 avril comme Journée Internationale du Sport au service du Développement et de la Paix (IDSDP), Peace and Sport mobilise chaque année des millions de personnes dans le cadre de sa campagne #WhiteCard. En 2017, plus de 43 millions de personnes ont été sensibilisées par cette campagne digitale.

Bien que la sensibilisation ait été importante, nous avons également passé les dix dernières années à œuvrer pour des changements concrets sur le terrain à travers nos projets. Les Jeux de l’Amitié sont un projet qui nous tient particulièrement à cœur depuis dix ans. Ils se déroulent chaque année dans la région frontalière entre le Burundi, le Rwanda et la République Démocratique du Congo, dans le but de rassembler des jeunes des trois nations pour promouvoir le dialogue interculturel. Les Jeux sont organisés autour du « Sport Simple Solutions », un concept qui adapte la pratique, l’équipement et les règles d’un sport aux ressources et à l’environnement local. Notre ambition est de dupliquer le modèle des Jeux de l’Amitié dans d’autres pays.

Le Forum Peace and Sport (6-8 décembre 2017) proposera cette année un focus sur l’innovation sociale dans le sport. Avez-vous des exemples à nous donner pour illustrer ce sujet ?

JB : Parmi nos activités, le Forum International Peace and Sport a été notre constante. C’est un moment pour rassembler tous ceux qui nous ont aidés au fil des années, partager et apprendre, discuter et débattre. Cette année, notre thème sera « L’innovation par le sport : un enjeu pour construire la paix » et visera à mettre l’accent sur l’utilisation de l’innovation sportive pour s’attaquer aux problèmes sociétaux les plus urgents et aux enjeux à venir.

Un exemple très concret d’innovation sociale par le sport se présente à travers nos « Sport Simple Solutions ». Au cours de nos nombreux projets de terrain, nous avons développé ce nouveau concept qui promeut les valeurs de la paix en adaptant les règles du jeu et en encourageant l’utilisation d’équipements sportifs recyclés, bon marché ou faits à la main. Par exemple, cet été, pendant les Jeux de l’Amitié, nous avons utilisé de vieux pneus, de la mousse et de la corde pour fabriquer un ring de boxe « Sport Simple » et nous voulons montrer que le sport peut être accessible partout dans le monde.

 

« Des Jeux de l’Amitié pour promouvoir le dialogue interculturel »

 

Notre monde fait face à d’importants défis (conflits territoriaux, menaces terroristes, réchauffement climatique, malnutrition…). Comment le sport pourrait-il, à l’avenir, évoluer pour répondre à ces enjeux de société ? Pensez-vous que les organisations internationales, les gouvernements, mais aussi le mouvement sportif considèrent ces enjeux comme des priorités ?

JB : Il est urgent d’appréhender les principaux défis de notre monde actuel, qu’il s’agisse de l’escalade des conflits locaux, de la question des réfugiés ou de la crise migratoire mondiale, de la montée de l’extrémisme et du repli communautaire. Il est important de sensibiliser le public aux nouvelles capacités de la communauté mondiale du sport et de la paix afin de faire du sport un outil au service de la société et de promouvoir la cohésion dans le monde entier.

Les tensions géopolitiques ainsi que l’absence d’accès aux ressources financières, à l’éducation, à la santé et aux services sociaux dans certaines zones défavorisées génèrent des situations instables alimentant le risque de crise humanitaire. Dans ce contexte, le pouvoir du sport allié à des solutions innovantes peut ouvrir la voie à des sociétés plus inclusives, créer les conditions d’une paix durable et laisser envisager un avenir prospère.

Nous sommes convaincus que l’établissement de liens entre les personnes et l’échange d’idées conduisent à des avancées significatives. Pour cela nous œuvrons comme une plateforme fédérant des champions, des ONG, des fédérations sportives, des comités olympiques et des autorités locales autour de projets de terrain d’une part, et d’une réflexion globale, d’autre part. À cet égard, le Forum 2017 vise à susciter une réflexion nouvelle pour provoquer un effet à long terme partout dans le monde.

 

Que peut-on souhaiter à Peace and Sport pour les 10 années à venir ? Quels sont les sujets ou les événements que vous souhaitez traiter/mettre en place à l’avenir ?

JB : Nous sommes particulièrement intéressés à travailler sur des sujets liés aux réfugiés, aux enfants vivant dans des zones vulnérables ainsi qu’à la promotion de l’égalité des sexes. Nous mettrons en œuvre notre méthodologie « Sport Simple Solutions » pour tous nos projets de développement. Et nous souhaitons dupliquer les Jeux de l’Amitié dans le monde en développant nos partenariats avec les Comités Nationaux Olympiques et en améliorant les « Sport Simple Solutions ».

Par ailleurs en 2018, Peace and Sport continuera à promouvoir des activités dans le camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie dans le but d’augmenter la qualité et la quantité des activités sportives proposées dans ce camp. Le sport peut jouer un rôle positif pour les enfants réfugiés, en contribuant à l’éducation et au développement social. Ces activités font partie du programme « Vivre ensemble » menée en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), les ONG opérant dans le camp et avec le soutien du Comité olympique jordanien. La force du programme « Vivre ensemble » est qu’il réunit toutes les parties prenantes. C’est la première fois que diverses fédérations internationales travaillent côte à côte pour le développement social. En outre, les ONG et les fédérations partagerons leurs compétences respectives et travailleront ensemble au bénéfice des réfugiés.

 

Informations sur le Forum international Peace and Sport





Sport et citoyenneté