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« Vers une plus grande égalité des genres dans le sport »

Parution d’un nouveau plan d’action de la Commission européenne

 

Par Eva Jacomet, chargée de mission du Think Tank Sport et Citoyenneté

 

Fondé en 2020 par Mariya Gabriel, la Commissaire chargée de l’innovation, de la recherche, de la culture, de l’éducation et de la jeunesse, le groupe de haut niveau sur l’égalité des sexes dans le sport a présenté il y a quelques mois, un plan d’action et des recommandations pour parvenir à un équilibre plus équitable entre les sexes dans le sport.

 

 

L’égalité des genres, priorité transversale de l’Union Européenne

L’égalité entre les femmes et les hommes figure parmi les priorités de l’Union Européenne, en témoigne l’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « Pour toutes ses actions, l’Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité, entre les hommes et les femmes ». Par l’adoption, de sa stratégie « Une Union de l’égalité : stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025 », l’Union entend, à cet égard, encourager l’égalité entre les genres dans tous les secteurs et sphères de la société. Le secteur sportif fait à ce titre l’objet d’une attention particulière, consacrée en 2020 par la création du groupe de haut niveau sur l’égalité des sexes dans le sport.

Après près deux ans de travaux, ce groupe composé d’anciens athlètes de haut niveau, de représentants politiques, de membres de fédérations sportives européennes et internationales ainsi que d’éminents universitaires a fait paraitre un plan d’action et de recommandations « Vers une plus grande égalité des genres dans le sport ».

Il rappelle l’engagement de la Commission européenne et les initiatives existantes à l’image du soutien apporté par le programme Erasmus+ aux projets soutenant le sport féminin ou des initiatives tel que le prix #BeInclusive EU Sport Awards.

Conscient que l’égalité de genre dans le sport demeure une œuvre inachevée, ce rapport adressé tant à la Commission européenne, qu’aux Etats membres et au mouvement sportif dresse un état des lieux clair de la thématique et fournit plusieurs pistes de recommandations pour atteindre l’égalité de genre dans le secteur sportif.

Pour un accès égal au sport

Le plan d’action rappelle en premier lieu les effets bénéfiques d’une activité physique et régulière pour la santé physique et mentale ainsi que les relations sociales. Il souligne pourtant les inégalités entre femmes et hommes qui demeurent dans la pratique d’une activité physique et sportive, encore aggravées par la crise du COVID-19 responsable d’une sédentarité accrue, en particulier chez les jeunes filles et les femmes. Plus largement, le dernier Eurobaromètre sur le sport et l’activité physique, révélait que la participation des femmes au sport demeurait plus faible que celle des hommes en Europe. La fréquence de la participation des femmes dans le sport diminue également avec l’âge : alors que 33 % des femmes de la tranche d’âge 15-24 ans ne pratiquant aucune activité physique, ce chiffre s’élève à 42% dans la tranche d’âge 25-39 ans avant d’atteindre les 50 % dans la tranche d’âge 40-54 ans. Pour parvenir à un égal accès à la pratique sportive, le groupe de haut niveau plaide par exemple pour la systématisation de plan d’actions en faveur de l’égalité des genres dans le sport et le conditionnement des financements publics des organisations sportives à la mise en œuvre de ces plans.

Au contact direct des pratiquants, les femmes sont également sous représentées dans les fonctions d’entraineur et d’arbitre en particulier au haut niveau. Le groupe de haut niveau cite ainsi le rapport 2015 de l’EIGE sur l’égalité des genres dans le sport qui concluait que seuls 20 à 30 % des entraîneurs sportifs en Europe étaient des femmes. Le plan d’action rappelle l’existence de barrières multiples, parmi lesquelles on peut évoquer la prégnance des stéréotypes de genre ou encore le manque d’intérêt pour cette problématique dans les instances décisionnaires.

Les membres du groupe de haut niveau de la Commission relèvent l’impact positif d’une « double stratégie composée de réglementations formelles (par exemple, des objectifs et des quotas) et d’approches centrées sur les femmes en matière de traitement » sur le recrutement et l’autonomisation des entraîneurs féminines. Ils appellent également de leurs vœux une densification de la recherche sur ce sujet, encore faiblement exploré au niveau européen.

Le constat dressé pour les fonctions de l’encadrement sportif s’avère transposable aux fonctions de direction et leadership du secteur sportif. Le groupe de haut niveau souligne ainsi la sous-représentation des femmes et des personnes de couleur aux postes de direction constatée à tous les niveaux, en cause notamment la masculinité hégémonique et les jeux de pouvoir observés à ces postes, l’accès plus réduit des femmes au capital social, à un réseau de connaissances, qui induit moins d’opportunités. Parmi les pistes d’amélioration présentées dans le rapport on évoquera notamment la création de quota de représentation obligeant 50% de femmes dans les organes décisionnels à tous les niveaux ou la mise en place d’une limite au nombre de mandats.

Garantir un cadre égalitaire et sûr

Le plan d’action fait également de l’avenir économique et social du sport de haut niveau féminin un enjeu crucial pour un secteur sportif égalitaire. Le secteur sportif n’échappe pas aux problématiques constatées dans les autres secteurs économiques, pis ils les accentuent. Ecarts de rémunération et de pension, différence dans l’accès à la protection sociale à environnement de travail sûr prévalent encore entre femmes et hommes dans le monde du sport. Le groupe de haut niveau cite ainsi l’étude Sporting Intelligence Global Sports Salaries Survey qui a comparé les salaires des femmes et des hommes sportifs de haut niveau et calculé un ratio d’inégalité salariale de 1 à 101. Face à ce constat, le rapport défend l’application de cadres juridiques égaux.

Dans la lignée de cette réflexion, le rapport questionne également la couverture médiatique du sport féminin et les conséquences sur la participation des jeunes femmes au sport ou leur engagement potentiel dans d’autres rôles (encadrement sportif ou direction), provoquées par un manque de visibilité des sportives de haut niveau. En dehors des grandes compétitions internationales comme les Jeux olympiques et paralympiques, les sports féminins demeurent sous représentés sur l’ensemble des canaux médiatiques. De plus, persistent des biais qualitatifs importants dans les reportages journalistiques, tels que le marquage du genre, l’infantilisation, les différences de cadrage ou l’accent mis sur la féminité. Les membres du groupe mettent ainsi en lumière une couverture médiatique biaisée sur le plan qualitatif et quantitatif et arguent pour une médiatisation renforcée et une sensibilisation des journalistes sur les biais qualitatifs constatés.

Promouvoir un cadre sportif plus inclusif envers les femmes amène enfin à questionner la problématique des violences à caractère sexiste. Le sport peut être un cadre propice à la violence et aux abus en raison de certaines de ses caractéristiques : relations d’autorité, pression de la compétition, ambition, contacts physiques inévitables, déplacements, vestiaires et douches. Ces violences peuvent être physiques, psychologiques ou sexuelles et les femmes y restent plus exposées que les hommes. Si depuis plusieurs années, les violences à caractère sexiste font l’objet d’une attention croissante dans le secteur sportif, les défis à relever restent nombreux : sécurisation des canaux de signalement, mise en œuvre de programmes d’éducation et de prévention, partage des bonnes pratiques sont ainsi identifiés comme des pistes de solution par les membres du groupe de haut niveau.

Conçu comme une boîte à outils pratique à disposition des parties prenantes du sport, ce plan d’action et de recommandations acte la volonté de la Commission européenne de « faire tout ce qui est en notre pouvoir instaurer une réelle mixité dans le secteur sportif en Europe » comme aime à le rappeler Mariya Gabriel, Commissaire européenne à l’innovation, à la recherche, à la culture à l’éducation et à la jeunesse. Aux acteurs publics et sportifs de s’en emparer pour une plus grande égalité des genres dans le sport !



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