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Les statistiques le démontrent : le sport a besoin de plus de femmes aux postes stratégiques du secteur sportif

 

La pratique d’une activité physique ou sportive est essentielle à la santé du corps et de l’esprit. Pourtant, une grande différence existe encore entre les femmes et les hommes dans l’accès à la pratique sportive. Selon l’étude Eurobaromètre la plus récente, 45 % des hommes font de l’exercice une fois par semaine, contre 37 % des femmes. Dans la tranche d’âge des 15-24 ans, à une période où s’ancrent les habitudes de vie, ce pourcentage s’élève à 75% pour les hommes, contre seulement 55% pour les femmes. Le sport a donc encore un long chemin à parcourir pour concrétiser la vision de la Stratégie européenne pour l’égalité entre les hommes et les femmes 2021-2025.

Par Goeff Carroll, Directeur Développement des compétences, EOSE

 

Les inégalités femmes-hommes dans l’accès aux métiers du sport est une réalité encore trop faiblement étudiée. De nombreux facteurs contribuent à cette disparité, mais une chose est certaine : « Si vous ne pouvez pas voir, vous ne pouvez pas être ». Cette célèbre citation tirée du documentaire Miss Representation souligne l’importance des modèles. Elle s’applique au sport comme à tout autre domaine de la vie sociale. Si nous voulons que davantage de femmes et de jeunes filles participent aux activités physiques et sportives, il est nécessaire que davantage de femmes travaillent dans le secteur sportif à des postes d’entraîneuse, d’encadrante, de dirigeante ou d’arbitre. Dans ces emplois en prise directe avec les pratiquantes, une représentation féminine plus importante pourrait faire une réelle différence.

Jusqu’à récemment, il existait peu de statistiques fiables sur l’emploi des femmes dans le secteur sportif au niveau européen. De nouvelles recherches menées par l’Observatoire européen du sport et de l’emploi (EOSE) et son réseau de membres et de partenaires permettent de mieux comprendre les tendances des emplois liés au genre. Les récents projets ESSA-Sport et SKILLS (en cours), financés par le programme Erasmus+ Sport de l’UE et menés en étroite collaboration avec Eurostat, l’office statistique de l’UE, ont analysé la main-d’œuvre rémunérée du secteur sportif sur la période 2011-2019, dans l’ensemble de l’UE et dans chacun des 28 États membres (pré-Brexit).

Dans le cadre de cette étude, trois angles de recherche ont été explorés. Premièrement, nous avons recensé tous les employés travaillant dans des organisations dont l’activité principale est le sport (par exemple, les fédérations sportives, les clubs de sport, les clubs de remise en forme, etc.). Ce nombre comprend les emplois liés à l’activité physique et sportive tels que les entraîneurs, les instructeurs et les officiels, mais aussi les emplois plus indirectement liés au sport tels que les administrateurs et les agents de maintenance. Nous nous sommes ensuite penchés sur les emplois liés au sport et au fitness dans d’autres types d’organisations, à l’image des hôtels et des spas. En combinant ces données, nous sommes parvenus à un chiffre assez précis sur la main-d’œuvre sportive totale dans l’UE, évaluée à près de 1,8 millions de personnes (2019), soit une augmentation de 21% par rapport à 2011.

 

« EN EUROPE, 44% DES EMPLOYÉS DU SECTEUR SPORT ET FITNESS SONT DES FEMMES, CONTRE 46% TOUS SECTEURS D’ACTIVITÉS CONFONDUS »

Ensuite, nous nous sommes concentrés sur les seuls emplois dans le domaine du sport et du fitness, qui représentaient en 2019 un total de plus de 980 000 personnes, soit une hausse d’environ 23% par rapport à 2011. Les données brutes d’Eurostat nous ont permis d’analyser le profil des travailleurs en fonction du sexe, de l’âge, du niveau d’éducation et du type de contrat de travail.Outre l’UE dans son ensemble, nous avons aussi analysé chacun des 28 pays individuellement. Les rapports européens et nationaux et les fiches de synthèse, ainsi qu’une explication de la méthodologie utilisée, peuvent être téléchargés gratuitement sur le site ESSA-Sport et SKILLS.

Bien que les statistiques ne reflètent pas toujours parfaitement la réalité, notre analyse de l’équilibre entre les sexes dans les emplois du secteur sportif – entraîneurs, instructeurs, dirigeants et officiels – suggère que le secteur du sport a encore beaucoup à accomplir. Malgré la croissance globale de la main-d’œuvre, au niveau européen, les femmes ne représente que 44,1% des employés du sport et du fitness. Ce chiffre s’avère inférieur à celui de l’emploi féminin dans l’ensemble de l’UE, tous secteurs d’emploi confondus (46,3%), et il a même diminué ces dernières années. En 2011, 46,1% de ces emplois étaient occupés par des femmes (-2% en neuf ans).

Quelques motifs de satisfactions demeurent cependant, car certains pays font mieux que la moyenne européenne. C’est le cas de la Finlande par exemple, où 60,6% des travailleurs du secteur du sport et du fitness étaient des femmes, soit une hausse de 15% depuis 2011. En Lettonie aussi, où nous avons constaté que 53,6% des emplois du secteur sportif étaient occupés par des femmes – soit une augmentation de 15%. En Hongrie, tout en restant minoritaire, la proportion de travailleuses du sport et du fitness semble, quant à elle, avoir plus que doublé entre 2011 et 2019. Il est cependant important de noter que l’équilibre entre les sexes dans les emplois liés au sport dans ces pays n’est pas nécessairement corrélé à la situation générale du secteur de l’emploi dans ces pays. Ainsi, en Finlande, tous secteurs confondus, seuls 48,5% des emplois sont occupés par des femmes.

A la lumière de ces explications, il apparaît clairement que certains pays offrent davantage d’opportunités aux femmes de travailler dans le secteur sportif. Les approches de ces États membres gagneraient à être étudiées et adaptées au sein des autres pays de l’UE. Pourquoi certaines nations réussissent-elles mieux que d’autres ? Cela reflète-t-il simplement les tendances socio-économiques générales ou est-ce le résultat d’efforts spécifiques du secteur pour développer l’emploi féminin ? Des études supplémentaires sur ce sujet sont nécessaires.Ce qui est également encourageant pour l’emploi féminin, c’est le résultat d’une enquête menée auprès des employeurs du secteur, dans le cadre du projet ESSA-Sport. Sur près de 4 000 répondants, 71% d’entre eux ont convenu que « la main-d’œuvre du secteur du sport et de l’activité physique devait être inclusive (reflétant le sexe, le handicap et les minorités de la société). » Les employeurs ont donc conscience de cet enjeu et pourraient être disposés à investir davantage pour atteindre cet objectif, s’ils savent comment procéder. Pour ce faire, le secteur doit se servir des expériences réussies au sein de ces nations « pionnières ».

« RENFORCER LA RECHERCHE ET PROMOUVOIR LES EXEMPLES DE RÉUSSITE »

EOSE poursuit ses recherches et son analyse de la main-d’œuvre rémunérée par le biais du projet SKILLS, qui analysera les données pour 2020 dans le courant de l’année. Ce projet sera particulièrement important pour suivre l’impact de la Covid sur l’emploi sportif, y compris pour les femmes. Nous avons par ailleurs lancé un nouveau projet, intitulé V4V, dont une partie consistera à recueillir et analyser des données sur les caractéristiques de la main-d’œuvre bénévole, dont le sexe. EOSE pilote également le projet WINS, dont l’objectif principal est d’accroître la participation des femmes dans les fonctions d’arbitrage. Enfin, notre organisation est partenaire d’une nouvelle candidature déposée dans le cadre de l’appel à projets Erasmus+ Sport, qui espère examiner plus en détail la diversité dans la main-d’œuvre sportive et mettre en lumière les bonnes pratiques en la matière.



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