3 points à retenir de la table ronde :
« Centre-Val de Loire : un projet sportif
au service du parasport ? »

21 février 2024- Angers
Clémence Raynaud  – Chargée de Mission chez Think Tank Sport et Citoyenneté 

 

 

Mercredi 21 février, l’Eure-et-Loir Campus de Chartres accueillait le troisième évènement du cycle de conférence organisé par la Conférence régionale du sport Centre-Val de Loire, en partenariat avec le Think tank Sport et Citoyenneté. Placée sous le signe du parasport, cette soirée a rassemblé une centaine de personnes pour débattre des enjeux liés au développement de l’offre de pratique sportive à destination des personnes en situation de handicap. 

Au cours des dernières années, cette offre a fortement augmenté, sous l’impulsion d’acteurs historiques comme la Fédération Française Handisport (FFH) et la Fédération Française de Sport Adapté (FFSA) mais aussi grâce à l’action de plusieurs fédérations ayant reçu délégation du ministère des Sports afin d’organiser les pratiques parasportives. Toutefois, cette offre reste encore imparfaite, avec de nombreuses disparités entre les territoires.La soirée s’est ouverte sur les propos introductifs de Paul Seignolle, Vice-président de la Conférence Régionale du Sport et de la Conférence Régionale des Financeurs Centre-Val de Loire, plaçant immédiatement le contexte. En région Centre-Val de Loire, au cours des dix dernières années, le nombre de clubs affiliés à la FFH et à la FFSA a augmenté de 67%, et 190 clubs sont aujourd’hui inventoriés dans l’Handiguide des Sports, une plateforme gérée par le ministère des Sports et Jeux Olympiques et Paralympiques référençant les structures proposant un accueil et une offre sportive adaptée aux personnes en situation de handicap. Malgré ces avancées, plusieurs constats plus contrastés apparaissent : une méconnaissance de l’offre sportive disponible, une faible accessibilité des équipements sportifs régionaux (24% seulement du parc régional est accessible), un manque d’encadrants qualifiés dans le parasport et l’accompagnement des jeunes, un manque de communication sur les évènements organisés ou encore des difficultés de mise en relation entre les associations et les structures spécialisées.

 

A sa suite, Emmanuelle Boutet-Gelineau, Conseillère départementale en charge du sport, et Frédéric Blanc, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet d’Eure-et-Loir, ont pu dresser un constat au niveau départemental. En effet, le département d’Eure-et-Loir accuse un léger retard par rapport à l’ensemble régional en matière d’offre de pratique, dénombrant 11 clubs associés et 75 licenciés. Toutefois, avec la perspective des Jeux Paralympiques, le département s’est emparé du sujet avec le souhait de pérenniser et de développer l’offre au travers d’une mobilisation d’un large réseau d’acteurs. Une occasion enfin pour Frédéric Blanc de rappeler que la loi dite Buffet du 6 juillet 2000 reconnait le sport comme un droit pour tous et de finir sur une citation de l’ancien handisportif Ryadh Sallem : « La manière dont une société considère le handicap est un choix de civilisation ».

 

Afin d’approfondir ces sujets, Sylvain Landa, directeur exécutif du Think tank Sport et Citoyenneté et modérateur des débats, accueillait tour à tour divers intervenants, à commencer par Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) et championne paralympique. L’occasion d’aborder les objectifs de l’Equipe de France et l’héritage possible des Jeux Paralympiques de Paris 2024.

 

Se succédaient ensuite deux tables rondes. La première était consacrée à la densification de l’offre de pratique pour les personnes en situation de handicap et accueillait Emmanuelle Olier, référente paralympique Centre-Val de Loire pour le CPSF, Morgan Esnault, président du Comité Départemental Handisport d’Eure-et-Loir, Daphné Vanuxem, présidente du club de gymnastique du LAC Saint-Cécile de Luisant et Maxime Camus, directeur de la ligue régionale de Sport Adapté. Au cours de la seconde table ronde, Marjorie Gandiol, éducatrice sportive dans un foyer d’accueil médicalisé à Chartres, Nathalie Grenon, co-directrice du CROS Centre-Val de Loire, Benjamin Pillerault, athlète de haut niveau et membre de l’équipe de France de Para Volley, ainsi que David Piron-Simon, conseiller pédagogique de la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) d’Eure-et-Loir, ont abordé quant à eux l’enjeu de l’inscription de la pratique parasportive dans le projet de vie de chacun.

 

 

 

Le mot de la fin était donné à Arnaud Jean, conseiller régional délégué à la jeunesse et à l’engagement et à Rodolphe Legendre, délégué régional académique à la Jeunesse, à l’Engagement et aux Sports, rappelant la nécessité de travailler la question du handicap en lien avec celle du sport en mettant en place des dispositifs favorisant son développement au niveau régional.

 

 

 

Les 3 points clés du débat :

1. « Que les Jeux ne soient pas que des Jeux » : l’héritage des Jeux Paralympiques sur le développement des pratiques parasportives

L’objectif est lancé pour l’équipe de France en vue de ces Jeux Paralympiques : une ambition de retour dans le top 8 mondial. Après quelques déceptions au cours des dernières années, la France veut parvenir à se hisser de nouveau dans le Top 5 mondial dans le futur, réaffirmant par la même occasion son rôle de nation pionnière dans les Jeux Paralympiques. Cet objectif ambitieux signifie doubler le nombre de médailles d’or obtenues aux Jeux de Tokyo.

 

Un objectif réalisable selon Marie-Amélie Le Fur, qui souligne que les aides publiques ont été multipliées par 3,5 depuis Tokyo, ce qui a permis de renforcer l’accompagnement socio-professionnel des athlètes ou encore d’explorer de nouveaux champs dans la recherche de la performance par exemple. Au-delà de cet objectif de performance, c’est un véritable défi de médiatisation que souhaite relever le Comité Paralympique. Morgan Esnault le note au niveau départemental : un problème de communication persiste autour du parasport, ayant pour conséquence que beaucoup de personnes en situation de handicap n’ont pas connaissance des possibilités qui leur sont offertes pour pratiquer du sport. L’enjeu, au travers des Jeux Paralympiques, est donc de donner plus de visibilité aux pratiques parasportives, à la fois pour les personnes en situation de handicap, mais également auprès du grand public. C’est aussi de rendre accessible l’offre disponible, en la communiquant de manière plus large auprès des potentiels pratiquants. Pour Marie-Amélie Le Fur, les Jeux Paralympiques permettront d’ancrer dans les souvenirs des Français des émotions positives en lien avec le parasport, là où les études sociologiques démontrent que le handicap reste encore souvent attaché à une sémantique négative.

 

Ainsi, comme Marie-Amélie Le Fur l’affirme, il faut faire en sorte que « les Jeux ne soient pas que des Jeux » mais qu’ils aient des répercussions sociales et sociétales au-delà des terrains de sport. Il s’agit de progresser plus vite sur les questions d’accessibilité, de transports, de moyens et d’accompagnement. Ces Jeux doivent servir de catalyseur et impulser un changement de paradigme dans l’effectivité du droit à l’accès au sport des personnes en situation de handicap, en allant notamment au-delà des normes de construction pour les nouveaux équipements sportifs, pour épouser le principe d’une accessibilité d’usage.

 

La question de l’héritage des Jeux représente donc un véritable défi. Pour le relever, il s’agira de parvenir à orchestrer les bonnes volontés des territoires, qui souvent agissent de manière indépendante. La création des Conférences Régionales du Sport et la mise en place de référents paralympiques dans les territoires constitue une opportunité pour structurer les énergies, fédérer une diversité d’acteurs issus de nombreux secteurs amenés à se connaitre et à travailler entre eux. 

(Photo : Facilitation graphique par Explore

2. Une nécessaire structuration et densification de l’offre au sein des territoires

 

Dans une étude réalisée en 2019 et présentée par Emmanuelle Olier, le taux de licenciés à la Fédération Française d’Handisport et la Fédération Française de Sport Adapté en région Centre-Val de Loire était de 5,2% contre 24,4% pour l’ensemble des fédérations sportives. Les raisons de cet écart sont multiples. Comme Marie-Amélie Le Fur le mentionnait durant son intervention, la distance moyenne pour une personne en situation de handicap pour se rendre dans un club est de 50 kilomètres. Cependant, en région Centre-Val de Loire, et encore plus précisément au sein du département d’Eure-et-Loir, les distances à parcourir sont parfois beaucoup plus élevées souligne Morgan Esnault. Il devient alors nécessaire de créer un maillage plus important de clubs en capacité d’accueillir et d’encadrer les personnes en situation de handicap souhaitant pratiquer une activité sportive.

 

 

 

Ce développement de l’offre passe notamment par la structuration de comités départementaux et régionaux dédiés aux pratiques parasportives. C’est dans ce contexte qu’a été créé en 2019 le Comité Départemental Handisport d’Eure-et-Loir, dans un des derniers départements à ne pas en être doté, et fonctionnant dans un premier temps sur une base uniquement bénévole. L’enjeu est le même pour la ligue régionale de Sport Adapté dirigée par Maxime Camus, qui a pour objectif de couvrir tous les territoires, mais qui, pour le moment, ne dispose pas d’un comité départemental en Eure-et-Loir. Ces acteurs jouent un rôle important dans la structuration de l’offre sur les territoires en permettant de coordonner les formations et de mener des actions auprès des clubs. En effet, seulement 1,4% des clubs sportifs se disent en capacité d’accueillir des personnes en situation de handicap et craignent de mal s’y prendre. Pour pallier ceci, la ligue régionale de Sport Adapté a par exemple créé son propre organisme de formation pour proposer des formations qualifiantes, en réponse à la forte demande exprimée par les éducateurs sportifs et sociaux.

 

Source : Club Inclusif

D’autre part, le CPSF a mis en place il y a un an le programme « Club inclusif » pour sensibiliser et accompagner les clubs souhaitant adapter leurs activités aux personnes en situation de handicap, avec des formations déclinées sur tous les territoires. Le LAC Sainte-Cécile de Luisant, présidée par Daphné Vanuxem, a bénéficié de ce programme. Si la section Partagym, regroupant au sein d’une même séance des enfants en situation de handicap ou non, et leurs parents, préexistait au lancement du programme, elle a vu ceci comme une opportunité pour bénéficier de formations et entrer en collaboration avec d’autres clubs para-accueillants. Cela lui a également permis de prendre connaissance des outils et des ressources existantes.

 

3. « Pas que de l’évènementiel » : l’enjeu de la durabilité des pratiques parasportives

 

La densification de l’offre parasportive nécessite d’être accompagnée par une mise en place durable des activités sportives à destination des personnes en situation de handicap. Comme le souligne David Piron-Simon, celles-ci ne doivent pas être que de l’évènementiel mais doivent s’inscrire dans des pratiques revisitées destinées à inclure le sport dans le quotidien de tous. Dans certains établissements médico-sociaux, les temps d’activités physiques relèvent plutôt d’évènements ponctuels. Marjorie Gandiol, éducatrice sportive dans un foyer d’accueil médicalisé accueillant en majorité des adultes présentant des troubles autistiques, revient sur la politique de son établissement, qui a créé dès 2005 un poste d’éducateur sportif pour permettre aux résidents une pratique régulière. L’objectif est ici d’inclure le sport dans le projet personnalisé de chacun et de donner du sens à l’activité menée, au-delà de sa dimension occupationnelle.

 

Source : Sport et Handicap 44

Pour généraliser et faciliter ces initiatives, le CPSF a lancé le dispositif « ESMS&CLUBS », un programme visant à mettre en lien les clubs sportifs et les établissements médico-sociaux. L’objectif est de créer des liens réguliers et de permettre d’inscrire la pratique sportive dans le quotidien des personnes en situation de handicap sur le long terme. La F.A.M. Maison Saint-Fulbert de Chartres, qui participe au projet « ESMS&CLUBS », a pu par exemple bénéficier de la venue d’un éducateur d’un club de squash afin d’encadrer une séance et proposer une nouvelle pratique sportive aux résidents sur le long terme. Depuis son lancement en 2020, « ESMS&CLUBS » a permis de multiplier par deux le nombre de projets entre des clubs sportifs et des établissements médico-sociaux en Centre-Val de Loire, grâce notamment au partenariat noué avec l’Agence Régionale de Santé. 

 

Source : CROS Centre Val de Loire

 

Dans une perspective similaire, le Comité Régional Olympique et Sportif Centre-Val de Loire, représenté par Nathalie Grenon, a lancé le projet « Heure & CAP » autour de l’idée qu’en une heure, « on est capable de… ». Cette initiative permet de créer des cycles réguliers d’activités physiques d’une durée d’une heure hebdomadaire dans les établissements médico-sociaux, en faisant intervenir un éducateur sportif issu d’un club.

 

 

Selon David Piron-Simon, la mise en place de pratiques inclusives doit se faire dès l’école, et notamment au travers des cours d’EPS, qui par nature favorisent l’inclusion. Morgan Esnault, qui au-delà de ses fonctions de président du Comité Départemental Handisport d’Eure-et-Loir est également professeur d’EPS et formateur notait que de plus en plus de professeurs des écoles incluent désormais tous les élèves dans leurs temps d’activité physique, permettant d’inclure le sport dans le projet éducatif de chacun de manière durable. Ainsi, David Piron-Simon rappelle que cet enjeu s’inscrit dans l’ambition de l’Education Nationale de garantir une école pour tous. Toutefois, cela nécessite de la sensibilisation, tel que le fait Benjamin Pillerault, de la formation ainsi que la mise en place de pratiques réfléchies au quotidien. Il affirme qu’il faut questionner de manière innovante le modèle de fonctionnement actuel afin de se décloisonner et de proposer un modèle éducatif plus adapté aux besoins de tous les enfants, en tenant compte des trois temps de l’enfant, à savoir le temps scolaire, le temps périscolaire et le temps extra-scolaire. Ainsi, proposer des activités physiques dès l’enfance constituerait un premier pas vers l’inscription du sport de manière durable dans le projet de vie de chacun. La formation d’éducateurs et la densification de l’offre permettront ensuite de pérenniser cet accès au sport pour tous.

 

 

 


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