Contre  la haine en ligne et la violence dans le sport – Just do it

 

Dr Bénédicte HALBA

Présidente fondatrice de l’Institut de recherche et d’information sur le volontariat

Membre du comité scientifique de Sport et Citoyenneté

(www.iriv.net).

 

L’esprit de Fair Play est intrinsèquement lié aux valeurs du sport. On respecte son adversaire qui n’est pas son ennemi. On peut être combatif sur le terrain. L’esprit de compétition est un atout indéniable et une obligation pour gagner. Mais il ne doit jamais dépasser les limites du terrain de sport et surtout ne pas dégénérer en bataille rangée, entre les supporters après le match et parfois même entre joueurs d’équipes adverses. Plusieurs faits divers ont défrayé la chronique ces dernières années avec des cas de supporters ou de familles de joueurs qui menaçaient l’arbitre ou d’autres joueurs quand ils n’étaient pas satisfaits des résultats. La violence s’est installée sournoisement et a pu créer une véritable psychose auprès des arbitres ou de joueurs quand ils doivent affronter des équipes avec lesquelles ils ont eu maille à partir.

Comme les affrontements entre bandes rivales de jeunes qui se lancent des défis sur Internet pour se battre ensuite sur le terrain, les mêmes phénomènes se retrouvent dans le sport entre équipes rivales. Le sociologue Marwan Mohammed parle de « digitalisation des conflits entre bandes » (1). Ce qui existe dans les sports collectifs s’applique aussi à des différends plus individuels. Vendredi 26 février 2021, deux demi-frères ont assassiné un jeune boxeur de 15 ans, Aymane, à l’avenir prometteur, dans la maison de quartier Nelson Mandela de Bondy (Seine Saint Denis). Même si la cause du différend n’est pas claire, le club de boxe de la ville décrivait la jeune victime comme une « graine de champion » qui a pu susciter des jalousies.

La violence est le troisième fléau du monde sportif avec les matches truqués et le dopage. Dans les trois cas, les règles les plus élémentaires du sport sont violées. La violence a toujours existé mais elle a pris une autre dimension avec le phénomène des réseaux sociaux qui donnent un écho beaucoup plus important aux invectives et une spirale dévastatrice se met en marche que l’on peut difficilement arrêter. Les hooligans, des bandes de supporters ultras dans le football, ont pu être mis au pas quand les clubs de football ont négocié avec des associations « officielles » de supporters qui étaient chargées de jouer les intermédiaires en leur accordant de généreuses subventions ; certains esprits critiques ont insinué que les clubs avaient « acheté la paix sociale ». Mais la paix peut être à ce prix.

Comme procéder avec la haine en ligne ? Le premier problème est d’identifier les auteurs de la haine pour les neutraliser. Les plus virulents et les plus haineux sur les réseaux sociaux avancent souvent masqués, sous le couvert de l’anonymat. Mais si un club ou une équipe en particulier sont concernés, on peut réussir à trouver l’origine des messages. Un deuxième problème est de contrebalancer les messages haineux qu’on ne peut pas empêcher par d’autres informations, plus spectaculaires, pour frapper les esprits. Le sport est un formidable vecteur de communication pour les équipementiers sportifs qui aiment s’afficher sur les maillots des joueurs dans les compétitions les plus suivies comme la Coupe du monde de football ou les Jeux Olympiques.

Pourquoi ne pas utiliser leur force de frappe aussi contre la haine en ligne ? Les jeunes retiendront les messages les plus percutants mis en scène avec art, surtout s’ils sont inédits et utilisent les dernières techniques audiovisuelles. La loi de Greesham (conseiller financier de la reine d’Elisabeth I et co-fondateur de la Bourse de Londres) énoncée au XVIème siècle stipule que « lorsque dans un pays circulent deux monnaies dont l’une est considérée par le public comme bonne et l’autre comme mauvaise, la mauvaise monnaie chasse la bonne ». La raison est que le réflexe est de conserver la « bonne monnaie » pour thésauriser ; et de se débarrasser de la mauvaise qui circule. Faisons le pari pascalien qu’en matière d’information « la bonne information » circule plus que la « mauvaise information ».

Pour reprendre le slogan d’un équipementier sportif « Just do it »  !

1. Entretien de Marwan Mohammed avec le journaliste Samuel Laurent, Le Monde, jeudi 25 février 2021





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