L’activité physique chez les personnes atteintes d’un handicap :
InAbled Cities, une source d’inspiration pour les politiques européennes ?
Par Alexandre Charrier, chargé de projet, affaires européennes
Promouvoir l’activité physique en environnement urbain parmi les personnes en situation de handicap, et en particulier chez les personnes âgées, telle est l’ambition du projet InAbled Cities. Débuté en 2021, celui-ci touchera à sa fin en cette année 2023. A cette occasion, la European Federation for Physiology and Physical Activity (EFFPPA), dans son rôle de coordinatrice, a organisé à Bruxelles le 26 mai dernier la Conférence finale du projet. Cette dernière a permis de rassembler partenaires du projet, acteurs du secteur et décideurs politiques européens autour d’un temps d’échange consacré aux résultats du projet, à ses conséquences, ainsi qu’à son futur.
Prenant place au Parlement européen, soulignant sa dimension envisagée et sa volonté de diffuser ses résultats auprès de l’une des instances politiques de l’UE, la conférence a été accueillie et introduite par la députée européenne espagnole Rosa Estaràs Ferragut. Vice-présidente de l’Intergroupe handicaps, au sein duquel elle est impliquée depuis 2009, Mme. Estaràs Ferragut fait partie des quelques parlementaires engagé.es dans la défense des droits des personnes en situation de handicap, et notamment des femmes qui en sont affectées. Lors de sa prise de parole, elle a tâché de rappeler la nécessité de porter des initiatives telle que InAbled Cities afin de lutter contre l’inactivité chez les personnes âgées et/ou en situation de handicap.
Activités pilotes, conclusions et recommandations
Alors qu’InAbled Cities arrive à son terme, il était temps pour les différents partenaires du projet de partager leurs conclusions et de faire un retour quant aux expériences et solutions développées en son cadre. Au cœur des activités mises en œuvre dans les villes de Bologne (Italie) et de Sevilla la Nueva (Espagne), des responsables de l’activité physique (Physical Activity Managers) et des responsables de la communication (Communications Managers) ont pu suivre des formations leur permettant d’apprendre à adapter leurs activités ou stratégies aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées. Il était question notamment d’adapter un exercice musculaire tel que faire des pompes (push-up) en le simplifiant. De cette manière, l’activité devient alors plus accessible tout en conservant les effets de l’exercice classique sur le corps.
Si les programmes pilotes déployés ont rencontré un certain succès, faire participer des personnes en situation de handicap a été une tâche plus ardue. Ainsi, les participants aux activités pilotes étaient en majorité des personnes âgées. Pour ce groupe, l’offre d’activité physique a donné lieu à plusieurs résultats. Tout d’abord, il s’est avéré que cela permettait de créer des espaces de rencontres entre des individus parfois isolés. Par ailleurs, si les différents groupes étaient accompagnés lors d’une première phase, lors du déploiement de la seconde phase un suivi n’était effectué que ponctuellement par téléphone, n’affectant pour autant pas la volonté des participants d’exercer une activité physique. Un réel motif de satisfaction pour les partenaires du projet !
De ces premiers retours des partenaires du projet sont également ressorties trois recommandations principales.
- S’appuyer sur les réseaux des communautés territoriales et sur des chiffres clés afin d’accroître l’engagement des personnes en situation de handicap et les personnes âgées dans des activités sportives
- Encourager la création d’un environnement sécurisé et de confiance pour permettre les citoyens de fournir des informations en retour de leur participation à une activité
- Concevoir des exercices physiques de groupe et promouvoir un suivi sur le long terme.
L’activité physique, facteur d’inclusivité en milieu urbain et droit fondamental
L’enjeu de la conférence était également de discuter du futur du projet. Plusieurs des partenaires, dont la ville de Bologne, ont en effet déjà réitéré leur volonté de poursuivre leur engagement en faveur du développement d’activités et de solutions innovantes. Comme le mentionnait par ailleurs Ana Lisa Boni, adjointe au maire de la ville de Bologne, en charge des relations internationales et de la transition écologique, « il est vraiment important d’adapter l’environnement urbain écologiquement afin que les habitants puissent apprécier pratiquer une activité physique en ville ». Si plusieurs municipalités européennes œuvrent à rendre leurs villes plus actives, en élargissant notamment l’offre d’infrastructures sportives, elles ne prennent pas toujours en considération les besoins des personnes âgées et/ou en situation de handicap en la matière.
A Bologne, la municipalité démontre une forte implication dans la promotion de l’activité physique à destination de personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Cet engagement à développer un environnement urbain plus inclusif se fonde sur un processus décisionnel particulier. En effet, comme l’expliquait Ana Lisa Boni, la municipalité promeut des méthodes participatives orientées vers « l’idée d’un travail de proximité et axé sur la solidarité ». En y consacrant un budget important, sur lequel les habitants ont leur mot à dire, la ville se renseigne sur les besoins de ses résidents, et en particulier des personnes âgées et/ou en situation de handicap.
Par ailleurs, les échanges ont également porté sur la reconnaissance de l’activité physique en tant que solution pour faire face à de nombreuses maladies dont les maladies mentales. En effet, comme l’indiquait Mr. Güemes Pedraza, directeur des relations internationales pour le groupe social ONCE, selon la Charte Internationale pour l’éducation physique, l’activité physique et le sport, l’activité physique est un droit fondamental pour tous (Article 1er). Plus que signifier que chacun doit pouvoir accéder ou avoir l’opportunité de pratiquer une activité physique, cela met en avant le besoin essentiel que cette dernière représente pour l’humain.
Ainsi, Mr. Güemes Pedraza a appuyé sur l’importance qu’un projet tel qu’InAbled Cities se poursuive et permette à un plus grand nombre d’acteurs de prendre conscience des enjeux que représente le fait de pouvoir proposer une offre adaptée aux milieux urbains, et surtout adaptée à des publics en situation de handicap et/ou âgés. Néanmoins, a été souligné la nécessité de prendre en compte l’approche pratique que les municipalités risquent d’adopter à l’égard d’un tel projet. Il incombe donc aux promoteurs d’InAbled Cities de le rendre facilement accommodable pour les autorités locales au risque qu’elles refusent de s’engager dans une initiative qui puisse leur paraître laborieuse.
Intégrer l’agenda politique européen, la prochaine étape ?
A un niveau différent, celui des institutions européennes, la question du handicap comme celle de l’activité physique n’est pas au centre des préoccupations des eurodéputés, commissaires ou représentants permanents des Etats Membres de l’Union européenne. Pour autant, des initiatives et des groupes parlementaires traitent de leurs enjeux, comme le démontre l’existence de l’Intergroupe handicaps depuis 2009. Seulement, la promotion de l’activité physique en milieu urbain pour faire face aux barrières que peuvent rencontrer les personnes en situation de handicap ainsi que les personnes âgées peine à s’inscrire à l’agenda politique européen. Comme a pu en témoigner l’eurodéputé maltais Alex Agius Saliba durant la conférence, le Parlement européen a travaillé à la rédaction d’initiatives portées vers la considération des handicaps. M. Alex Agius Saliba, en sa qualité de membre de l’alliance d’eurodéputés pour la santé mentale (MEP Alliance for Mental Health), a défendu l’idée qu’il fallait accroître les considérations politiques sur le sujet. Cette alliance a pour objectif de mettre à l’agenda politique de l’Union européenne le sujet de la santé mentale. M. Agius Saliba a en effet tenu à rappeler que les maladies mentales « freinent la prospérité, causent des défis économiques et affectent la qualité de la vie, non pas seulement des personnes atteintes par ces pathologies mais également de leur environnement proche ».
Par conséquent, il devient nécessaire de placer au cœur des initiatives la question de la santé mentale, en en évoquant les conséquences mais surtout en faisant la promotion de solutions durables et respectueuses.
Entre nécessité d’inscrire la problématique de l’accès à l’activité physique chez les personnes en situation de handicap et chez les personnes âgées à l’agenda politique européen, et l’importance de reconnaître l’activité physique comme une solution essentielle pour améliorer la santé et le bien-être des citoyens européens, le projet InAbled Cities a témoigné d’un véritable apport à la discussion sur ces sujets. Cette conférence finale a permis d’attirer le regard sur les difficultés encore présentes tout en faisant émerger l’espoir de voir un tel projet se poursuivre et prendre une nouvelle dimension. Désormais, il s’agira pour les partenaires du projet, les acteurs des secteurs de la santé et du sport, ainsi que les autorités politiques locales, nationales et européennes, de faire preuve d’implication autour d’une thématique que la COVID-19 a contribué à exacerber et que le phénomène de vieillissement de la population européenne risque également d’accroître.
Pour aller plus loin
Le site d’InAbled Cities : https://inabledcities.eu/
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Revue n°42 Sport et Citoyenneté Villes Actives