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Lutte contre le dopage, contre le trucage de matches et bonne gouvernance à l’ordre du jour de la 14e conférence des ministres européens responsables du sport

10/12/2016
Colin MIEGE
Président du comité scientifique, Sport et Citoyenneté

 

L’Accord partiel élargi sur le Sport (APES) du Conseil de l’Europe, qui a été mis en place en 2007 et qui regroupe aujourd’hui 37 Etats membres, a organisé conjointement avec le gouvernement hongrois, sa conférence biennale des ministres responsables du sport (29 novembre, Budapest). Les thèmes principaux étaient « La lutte contre le dopage et la manipulation de compétitions sportives » et « Vers une meilleure gouvernance dans le sport grâce à une coopération renforcée entre les instances sportives nationales et les acteurs du sport ». Les ministres du sport des États parties à la Convention culturelle européenne, des États membres de l’APES et des États non membres ayant le statut d’observateur ont participés à la conférence. La réunion était également ouverte aux membres du Comité consultatif installé auprès de l’APES, qui compte une trentaine d’associations ou de groupements sportifs, dont le Think tank Sport et Citoyenneté, représenté en la circonstance par Colin MIEGE, président de son Comité scientifique. A cette occasion fut distribuée aux participants la revue Sport et Citoyenneté n°36 (Sept. 2016) réalisée en partenariat avec l’APES, et portant sur le thème « Sport et Droits de l’Homme ».

Parmi les nombreuses interventions de cette conférence, de tonalité plus ou moins protocolaires, on retiendra les plus marquantes.

En ouverture, la Secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe (CoE), Mme Battaini-Dragoni, s’est demandé comment éviter de nouveaux scandales dans le sport. La diversité des acteurs peut être considérée comme un obstacle, mais elle constitue aussi une richesse. Il faut par ailleurs que les gouvernements se mettent d’accord pour ratifier la Convention sur la manipulation des compétions sportives signée à Macolin en septembre 2014, qui est ouverte à tous les pays du monde et non pas aux seuls européens. En ce qui concerne le dopage, il faut mettre en place des mesures visant à prévenir les conflits d’intérêts pour progresser. Un accord au sein du CoE est indispensable, ce qui suppose une coopération internationale renforcée.

La lutte contre le dopage et le trucage des compétitions

Le commissaire européen Tibor Navracsics a souligné que la mise en œuvre de la convention sur la manipulation des compétions sportives est actuellement bloquée par un seul pays (Malte). Il est précisé par ailleurs que trois ratifications ont été enregistrées sur les cinq requises, ainsi que 26 signatures. Le Commissaire a annoncé ensuite une étude à venir de la Commission sur l’opportunité de modifier les législations nationales antidopage pour respecter le droit de l’UE. En matière de bonne gouvernance, les grandes organisations sportives (OSI) doivent adopter des principes de base. Sous l’égide de la Commission qui encourage la diffusion d’une culture de bonne gouvernance, 32 OSI se sont engagées à respecter ces principes.

Anders Solheim, chef du comité de suivi de la convention européenne contre le dopage, a indiqué que trop d’agences nationales (NADOs) ont des liens étroits avec leur gouvernement ou avec le mouvement sportif. Le comité de suivi prépare en conséquence une recommandation sur la nécessaire indépendance des NADOs. Par ailleurs, il est prévu de renforcer les visites de conformité de la mise en œuvre de la convention dans les États membres.

Sir Craig Reedie, président de l’AMA, a évoqué les évènements qui ont concerné la Russie. Mais selon lui le système fonctionne, le Code mondial est cohérent et les modes de suivi sont efficients. Il a souligné que le passeport biologique de l’athlète est mis en place un nombre croissant de pays. Un système de sanctions graduelles est proposé. Un programme visant à protéger les lanceurs d’alerte doit démarrer au début 2017. Éventuellement, une autorité indépendante sera créée. Enfin le renforcement de la protection des données personnelles enregistrées dans le système ADAMS est en cours.

Vers une meilleure gouvernance dans le sport

La deuxième partie de la réunion portait sur les dispositions mises en place en Australie pour inciter les organisations sportives à améliorer leur gouvernance, avec le mot d’ordre suivant : « la bonne gouvernance ne garantit pas le succès, mais la faible gouvernance garantit assurément l’échec ».

Cette intervention a été suivie de celle de Jean-Yves Lourgouilloux, procureur adjoint au pôle financier à Paris, qui a énuméré les facteurs de risque susceptibles d’affecter les organisations sportives internationales :

  • Hyper personnalisation du pouvoir, qui conduit à un sentiment de toute puissance et d’impunité ;
  • Durée excessive des mandats des présidents, accompagnée d’un pouvoir absolu ;
  • Népotisme ;
  • Absence de contre-pouvoirs ;
  • Hyper affairisme et/ou hyper politisation.

Avec la monétisation du sport, plus les sommes brassées sont importantes plus grandes sont les tentations. Il est donc indispensable qu’un organe de contrôle externe soit mis en place. Dans le scandale de l’IAAF, 20 pays sont concernés. Il est nécessaire par conséquent qu’une bonne coopération judiciaire et policière s’établisse pour obtenir des résultats.

Miss Heidi Blake, journaliste d’investigation et animatrice de BuzzFeed UK, a relaté ensuite les résultats de quatre années d’investigation au sein de la FIFA, puis de la fédération internationale de tennis (matchs truqués). Elle a indiqué qu’une dizaine d’officiels de la FIFA ont été filmés en caméra cachée alors qu’ils acceptaient des pots de vin, tandis que le rapport d’enquête établi à la demande de la FIFA par l’ancien procureur Garcia, qui pesait quelque 350 pages, s’est traduit par la publication d’un résumé édulcoré d’une trentaine de pages que l’auteur a ensuite désavoué. Elle conclut elle aussi à la nécessité d’une autorité de contrôle extérieure et indépendante.

Lors de la session conclusive, le secrétaire général du CoE, T. Jagland, a insisté sur la crise générale de confiance dans les institutions et à l’égard des pouvoirs politiques qui a envahi les sociétés européennes, et qui se traduit par un cynisme généralisé accompagné d’une montée du populisme. Selon lui, si la confiance dans le sport est détruite, c’est la vie démocratique qui est menacée.

On retiendra enfin le propos du président du comité consultatif (Jens Sejer Andersen), qui a exprimé une certaine impatience face aux nombreux défis à relever dans le domaine du sport, en soulignant que les gouvernements hésitent à agir, alors qu’il est patent que la criminalité organisée a infiltré le mode sportif, notamment celui du sport professionnel. Il a insisté sur le fait que les scandales à répétition finissent par avoir un effet négatif sur le sport amateur pratiqué au quotidien.

Plutôt que de parler d’autonomie du sport, il serait préférable selon lui d’évoquer la liberté d’association. Il a repris l’idée de conditionner l’octroi de subventions à l’engagement de respecter certains principes de bonne gouvernance. Il s’est interrogé sur le fait qu’un tiers seulement des OSI publient un rapport financier annuel. Les OSI ne peuvent s’appuyer seulement sur l’auto-évaluation, il est nécessaire d’appliquer un regard extérieur sur leur gestion. Il a évoqué ensuite une disposition de la nouvelle Charte internationale de l’éducation Physique et du sport publiée sous l’égide de l’UNESCO, qui indique que dans chaque pays, « toutes les parties prenantes doivent participer à la création d’une vision stratégique, à l’identification des options de politique et des priorités pour l’éducation physique, l’activité physique et le sport »[1]. Cela justifie une consultation préalable la plus large possible, d’autant que la plupart des activités physiques ou sportives se déroulent dans des cadres qui échappent au mouvement olympique.

En résumé, une réelle préoccupation de la part des États sur les problèmes auxquels le sport est aujourd’hui confronté était perceptible, au delà des propos convenus habituels dans les conférences internationales de ce genre.

 

Liste des résolutions adoptées par la Conférence des ministres

Résolution n° 1.1

Rôle des gouvernements face aux nouveaux défis de la lutte contre le dopage dans le sport au niveau national et international

Résolution n° 1.2

La Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives : état d’avancement

Résolution n° 2

Vers une meilleure gouvernance dans le sport grâce à une coopération renforcée entre les instances sportives nationales et les acteurs du sport

 

Retrouvez également la contribution écrite du Think tank Sport et Citoyenneté à la XIVème conférence des ministres sur le thème de la bonne gouvernance dans le

 


[1]Après la dernière réunion MINEPS V à Berlin, la prochaine réunion MINEPS sous l’égide de l’UNESCO est prévue du 5 au 8 juillet 2017 à Kazan, en Russie.





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