Les sportifs de haut niveau, role modèles de la lutte pour l’égalité des chances

 

par Dr Bénédicte Halba, présidente fondatrice de l’Institut de recherche et d’information sur le volontariat, membre du comité scientifique Sport et Citoyenneté

 

2020 est une année particulière, avec une crise sanitaire majeure qui n’épargne aucun pays. Elle entraîne une crise sociale et économique, avec une prise de conscience des inégalités, en particulier des discriminations dont sont l’objet des citoyens appartenant à des minorités (qu’elles soient liées à l’origine sociale, ethnique ou religieuse). La mort brutale de George Floyd a rappelé que la question noire ou raciale n’était toujours pas réglée aux États-Unis, malgré la lutte pour les droits civiques des années soixante, l’émergence d’une classe moyenne noire, un président élu en 2008 avec des origines africaines ou de multiples exemples de « success stories ».

Le monde du sport a été pionnier en la matière. Lors de Jeux Olympiques de Mexico en 1968, deux athlètes noirs victorieux, Tommie Smith et John Carlos, tendent un poing fermé, en pleine lutte pour les droits civiques, quand retentit l’hymne américain. En 2016, le footballeur américain, Colin Kaepernick, un quaterback des 49ers de San Francisco, s’agenouille : ce geste, (Take a Knee) symbolisera la lutte contre le racisme en dénonçant les violences policières.

Depuis que les droits de retransmission des grands événements sportifs sont devenus une source de financement cruciale pour le mouvement sportif (fédérations et comités olympiques) comme pour le sport professionnel (en Europe comme aux États-Unis), les sponsors ont soutenu des équipes pour bénéficier des valeurs attachées au sport : l’esprit d’équipe, le respect des règles et de son adversaire (fair play). La victoire est belle quand elle est obtenue loyalement.

Dans les années 1980, les équipementiers sportifs ont accompagné la carrière de nombreux sportifs, de manière individuelle, avec la stratégie emblématique de Nike, sponsor historique de Michael Jordan (basketball, États Unis) ou de Zlatan Ibrahimovic (football, Europe). L’équipementier a construit des légendes autour de la personnalité de ces sportifs d’exception qui appartiennent aussi à des minorités : Michael Jordan est afro-américain, Zlatan Ibrahimovic est musulman (né en Suède). Le message est fort auprès de jeunes vivant dans les quartiers sensibles qui peuvent ainsi s’identifier à des « héros modernes », qui font aussi figure de rebelles ou en tout cas d’outsider. Leur réussite sociale et économique n’a rien à envier à leurs succès sportifs.

Quand un footballeur américain, lors de la saison de la ligue professionnelle de 2016, prend ostensiblement parti contre le racisme dans la société, et que son message est immédiatement médiatisé avec l’audience de ce sport aux États-Unis, la première réaction est la stupeur. Colin Kaepernick perd ses sponsors. Nike prend finalement le parti de soutenir ce geste militant et courageux, en le choisissant comme égérie de ses trente ans (1988-2018). Si de nombreux clients de la marque « mainstream » ont d’abord brûlé des chaussures Nike, la stratégie de l’équipementier a été un vrai succès commercial : l’exposition médiatique positive a rapporté l’équivalent de 43 millions de dollars de publicité[1]. Son analyse a été judicieuse : les deux tiers des clients de la marque ont moins de 35 ans, et soutenaient le quaterback protestataire.

Les sportifs de haut niveau peuvent donc incarner à la fois la réussite sociale et économique mais aussi être les meilleurs des étendards pour l’égalité des chances, par leurs prises de position qui ont un écho et une résonance très particuliers auprès des jeunes. Tenter sa chance et avoir le courage d’affronter la réalité est un message plein d’espoir. On peut triompher de l’inégalité, par petites touches, personnelles et individuelles, tout en restant « sport ».

 

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[1] Bloomberg, 4 septembre 2018, cité par Clémentine Goldszal, « Les marques en campagne derrière George Floyd », M magazine, supplément du Monde, samedi 13 juin 2020





Sport et citoyenneté