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Sport à l’école : les défis d’une rentrée « olympique »

Sylvain Landa, Directeur exécutif, Think tank Sport et Citoyenneté

4 enfants faisant du sport durant la rentrée

 

Quelques 12 millions d’élèves ont fait leur retour en classe ce lundi 4 septembre. Nul doute que bon nombre d’entre eux vont entendre parler de sport cette année. Mais en pratiqueront-ils davantage ? Que ce soit pour des raisons de santé publique ou de repérage des futurs talents, les enjeux sont pourtant nombreux.

Une année sous le signe du sport

L’année scolaire 2023/2024 sera traversée par la tenue en France de deux des plus grands événements sportifs au monde :  la coupe du monde de rugby qui débute ce soir, et les Jeux olympiques et paralympiques, qui se tiendront lors des prochaines vacances d’été et à la rentrée 2024/2025. Deux événements qui vont permettre de placer le sport au cœur des échanges entre professeurs et élèves, que ce soit dans le cadre des enseignements ou lors de projets de classe ou d’établissement. Mais cette séquence peut-elle permettre à notre pays de progresser sur la place donnée à l’éducation physique et sportive et, plus globalement, à l’activité physique, dans les écoles ?

Évolution du niveau d’activité physique des enfants en fonction de leur âge et de leur sexe (ONAPS, Repord Card 2022)

Selon les dernières données publiées par l’Observatoire Nationale de l’Activité Physique et de la Sédentarité (ONAPS, Repord Card 2022), la moitié des garçons et un tiers des filles âgés de 6 à 17 ans atteignent les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, à savoir 60 minutes d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse par jour. Quelque soit l’âge de l’enfant, cette situation s’est détériorée entre 2014 et 2018. En parallèle, les temps sédentaires ont progressivement augmenté, notamment durant la crise sanitaire. Une situation caractérisée de « bombe à retardement sanitaire » dans un rapport d’information parlementaire rédigé par Régis Juanico et Marie Tamarelle-Verhaeghe en 2021. Deux ans plus tard, le même Régis Juanico réitère son propos dans un ouvrage au titre éloquent, « Bougeons », cosigné avec l’ancien conseiller Sport de Matignon Hakim Khellaf pour la Fondation Jean Jaurès. Au-delà du constat, les auteurs proposent une série de solutions pour remettre les Français en mouvement, « de la naissance à l’Ehpad ». Parmi elles, le renforcement de la place de l’activité physique à l’école figure en bonne place.

Des solutions et des difficultés

Pourtant, les expérimentations et les dispositifs développés ces dernières années n’ont jamais été si nombreux : « 30 minutes d’activité physique quotidienne » à l’école, « deux heures de sport en plus au collège », des expérimentations pour les lycées, un plan pour encourager le sport à l’université… Ce mardi, le président de la République annonçait encore le lancement d’un nouveau plan de 5000 terrains de sport dans ou à proximité des établissements scolaires d’ici à la fin 2026, ainsi que sa volonté d’instituer un test d’aptitudes physique déployé auprès des élèves de 6e. Ces mesures permettront-elles d’inverser la tendance ? Les effets sont évidemment à analyser à moyen terme, et seront inévitablement scrutés. Mais le défi s’annonce immense. Au-delà de la difficulté d’influer sur des habitudes de vie qui dépendent souvent de multiples facteurs (lieu de résidence, mobilité, organisation de la cellule familiale, culture familiale…), les conditions pour faire plus de sport à l’école sont-elles bien réunies ? La difficulté à respecter les volumes horaires prévus dans les programmes, le déficit de formation des enseignants, notamment dans le premier degré, la difficulté à enrayer le décrochage sportif à l’adolescence et à agir en coordination avec les acteurs associatifs sportifs ou encore le manque d’infrastructures adaptées sont régulièrement pointés du doigt.

Une culture sportive à l’école ?

La considération faite au sport à l’école mérite d’être aussi questionnée. Elle figure justement parmi les raisons invoquées pour expliquer le manque de résultats des équipes de France aux Championnats du monde d’athlétisme et de basket-ball cet été. Pour Stéphane Diagana, « il y a d’autres pays qui prennent le sport plus au sérieux », citant comme exemple la Slovénie, ce pays de deux millions d’habitants coincé entre l’Italie et la Croatie, aux résultats sportifs exceptionnels et où la culture sportive est présente au quotidien (voir à ce sujet l’interview que nous a accordés le ministre slovène de l’économie, du tourisme et des sports slovène Matjaž Han). Cette culture sportive, « de la naissance à l’Ehpad », dont les conséquences se mesurent aussi en nombre de médailles, fait écho selon nous au concept de « littératie physique », mis en lumière dans nos récentes publications. Née au Canada, la littératie physique se définit comme « la motivation, la confiance, la compétence physique, le savoir et la compréhension nécessaire qu’une personne possède et qui lui permettent de valoriser et de prendre en charge son engagement envers l’activité physique tout au long de sa vie ». À l’échelle européenne, l’Irlande apparaît comme un pays pionnier en la matière. Le pays l’a formalisée comme un axe prioritaire de ses politiques sportives. Depuis plusieurs années, l’agence gouvernementale Sport Ireland a ainsi adopté le cadre LISPA (« Lifelong Involvement in Sport & Physical Activity »). Ce cadre établit l’enseignement dès le plus jeune âge d’une littératie physique par le biais de trois phases.

  • La première, destinée aux très jeunes enfants (1-8 ans), concerne l’acquisition des compétences de base en matière de mouvement et de motricité.
  • Elle est suivie d’une seconde phase d’acquisition de compétences spécifiques (8-12 ans), devant permettre à tous les enfants d’apprendre à jouer et à pratiquer différents sports et activités physiques.
  • De ces deux phases découle la troisième, qui concerne les adolescents et les adultes. Elle est séparée en deux parcours : la pratique d’une activité physique et sportive à long terme centrée sur le loisir et un mode de vie actif ou bien la pratique d’une discipline sportive en compétition ou à haut-niveau.

Si l’idée n’est pas forcément nouvelle, la littératie physique nous rappelle néanmoins la nécessité de mettre l’accent sur le développement des compétences dès la petite enfance. Si, dès le plus jeune âge, un enfant se sent capable et prend l’habitude de pratiquer une activité physique régulière, il lui sera plus facile de maintenir ce comportement tout au long de la vie. Appliquée à l’école, elle oblige à raisonner de manière transversale pour inscrire l’activité physique au quotidien, que ce soit dans la manière de se rendre à l’école, mais aussi dans la façon d’enseigner ou encore de jouer sur la cour de récréation. Autant de pistes d’action à concrétiser en cette année « olympique » ?


Cet article est publié dans le cadre du format « hebdo Sport et Société », chaque vendredi, abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir le prochain article dans votre boite mail !

 



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