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« Il est essentiel de s’appuyer davantage sur le sport dans les démarches d’éducation à l’environnement  »

Fondée il y a plus de 30 ans par des surfeurs confrontés à la pollution aquatique, Surfrider Foundation Europe est aujourd’hui un acteur reconnu en matière de protection environnementale et d’éducation au développement durable. Des enjeux qui imposent un changement de paradigme dans la façon dont le secteur fonctionne, selon Yann Leymarie, responsable « Sports » de l’ONG et coordinateur du projet européen Green Sports Hub Europe.

 

Yann Leymarie photoVous êtes chargé des questions de sport au sein de la Surfrider Foundation Europe. Quels sont les objectifs de la Fondation et comment mobilisez-vous le sport ?
YL : L’ONG a été fondée en 1990, quand des surfeuses et surfeurs se sont regroupés pour défendre leur terrain de jeu après avoir été malades à la suite de sessions dans l’eau.

La protection de l’Océan, du littoral, des lacs, des fleuves et des rivières fait donc partie de notre ADN, mais notre champ d’action s’est depuis élargi au-delà de la seule question des déchets aquatiques, avec une vraie expertise autour de la qualité de l’eau, à la santé des usagers, à l’aménagement du littoral et de manière générale au changement climatique.

 

Le sport et l’environnement sont interconnectés. Le sport est le témoin du dérèglement climatique mais il est aussi en partie responsable car les pratiques sportives, même de nature, ne sont pas toujours vertueuses. Comment réduire selon vous l’impact négatif du sport sur l’environnement ?
YL : Nous observons une demande assez nette de transition vers des pratiques plus responsables. Nous échangeons de manière régulière avec plusieurs fédérations sportives, des clubs mais aussi des usagers. Ils nous éclairent sur leur mode de pratique, leurs difficultés, les aménagements qu’ils envisagent.

De notre côté, nous leur apportons des connaissances techniques pour passer à l’action. Cette démarche est à renforcer pour faire changer les habitudes et les comportements. Il s’agit aussi de lutter contre les inégalités entre les fédérations, car elles n’ont pas toutes les moyens de mettre en place des stratégies ou des actions contre le dérèglement climatique.

 

Chaque année, 8 millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans l’océan. La qualité des eaux se dégrade. Quelles sont vos solutions pour agir dans ce domaine ?
YL : L’enjeu est avant tout d’engager une démarche concertée avec l’ensemble des acteurs locaux sur ces sujets. Nous militons pour un suivi et une analyse constante de la qualité des eaux, pas seulement de baignade mais aussi celles qui accueillent des activités nautiques. Il est important de veiller à ce que les seuils bactériologiques ne soient pas dépassés, mais il est crucial de surveiller les nouvelles menaces identifiées. Nous menons plusieurs actions en ce sens.

Le projet « Plastic Origins » consiste à intervenir en amont, afin d’identifier les zones de pollutions plastiques au niveau des bassins versants.

Le projet « Curl » consiste lui à poser des capteurs sur les manchettes des baigneurs et des surfeurs afin d’évaluer leur niveau d’exposition aux polluants chimiques présents dans les eaux récréatives littorales.

C’est aussi le sens de notre manifeste européen pour des eaux saines, que nous portons à travers la campagne « Healthy Waters ».

 

Vous militez pour plus d’éducation à l’environnement et au développement durable. Peut-on davantage s’appuyer sur le média « sport » selon vous ?
YL : En matière environnementale, le sport comme la culture sont les premiers sacrifiés. On oublie souvent leur capacité à transmettre des messages au plus grand nombre. Il est donc essentiel à mes yeux de s’appuyer davantage sur le sport dans les démarches d’éducation à l’environnement. Nous portons le projet « L’Echappée bleue » avec notre ambassadeur, le skipper Paul Meilhat.

L’idée est d’initier des enfants à la voile, sur plusieurs mois, tout en les sensibilisant à la protection des milieux aquatiques. Ces enfants résident en région parisienne et n’ont, pour beaucoup, jamais vu la mer. Comment être sensible à quelque chose que l’on ne connaît pas ? Le programme a connu un immense succès, car il répond à des enjeux sociétaux et écologiques.

Autre exemple, nous collaborons avec la Ligue normande de voile afin de restructurer leur volet pédagogique en matière de respect de l’environnement.

 

« Le sponsoring de demain devra être inévitablement plus responsable  »

 

De plus en plus d’événements sportifs se revendiquent écoconçus ou écoresponsables ou, a minima, souhaitent donner du sens à leurs actions. Quel est votre sentiment sur le degré de maturation des acteurs sportifs sur ces sujets ?
YL : Beaucoup d’organisateurs nous contactent pour repenser leurs pratiques. Au niveau européen, on s’aperçoit que ces sujets avancent vite. Le principal enjeu selon moi est de repenser le modèle économique du sport. D’un côté les acteurs sportifs expriment une volonté de développer des techniques plus responsables, et de l’autre, ils sont assez dépendants des habitudes prises et des leviers économiques classiques.

L’exemple du sponsoring sportif est parlant. Comment se détacher de partenaires plus ou moins responsables, alors que le modèle économique du sport (professionnel et amateur), dépend de ces annonceurs ? L’opinion publique est aujourd’hui une alliée forte. Le sponsoring de demain devra être inévitablement plus responsable.

 

Vous coordonnez le projet « Green Sport Hub Europe », qui accompagne les acteurs sportifs désireux de s’engager vers plus de durabilité. Vous avez publié notamment une enquête sur les freins au changement. Quels en sont les principaux enseignements ?
YL : Le frein financier est évidemment très présent, mais la question de l’accès aux connaissances et aux ressources est également ressortie de manière assez nette. Certaines structures sportives considéraient aussi que ce n’était pas leur rôle de s’engager sur ces questions. Il y a donc une vraie question d’éducation et de sensibilisation à effectuer.

L’Europe est un terrain de jeu immense, dans lequel chaque pays a son identité propre. Par exemple, le Portugal est très avancé en matière d’éducation à la protection de l’Océan. La Bulgarie a l’un des meilleurs taux de retour sur les éco-cups alors que l’Autriche possède une qualité des eaux exceptionnelle. C’est pourquoi il faut s’améliorer le partage de bonnes pratiques, car si le problème est résolu quelque part, cela peut permettre d’aller plus vite ailleurs.

Nous militons pour un observatoire européen du sport, qui permette d’agréger des données fiables et comparables entre les États. Cela nous permettrait d’agir plus efficacement.

 

Propos recueillis par Sylvain Landa et Martin Richer


Retrouvez l’ensemble des articles dans notre revue spéciale n°53
« Sport et Objectifs de Developpement Durable »

Revue Sport et Citoyenneté 53



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