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 Des solutions pour venir à bout des violences sexistes et sexuelles dans le sport

 

« Nous devons fournir des outils réglementaires afin de rendre les choses réalisables.»

Ces quelques mots partagés par l’Eurodéputé et Co-président du groupe Sports du Parlement Européen, Iban Garcia del Blanco à l’occasion de notre conférence « l’affaire Rubiales : le début d’une nouvelle ère ? » le 22 septembre dernier, révèle une volonté européenne de muscler l’arsenal législatif pour mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans le sport, mais alors quels sont les leviers d’actions ?

 

Véritable enjeu pour l’Union européenne à l’aube des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, les violences sexistes et sexuelles dans le sport cristallisent de nombreuses tensions et mettent en lumière un manque de moyens et de réglementations qui pèsent sur l’image du sport en Europe mais également sur les victimes.

Ewa Kopacz, Vice-présidente du Parlement européen et coordinatrice pour les droits de l’enfant, nous rappellait, dans notre revue dédiée au sujet, que « des études menées dans le monde entier sur les violences sexuelles fondées sur le genre ont montré que les athlètes féminines sont plus susceptibles d’être victimes de harcèlement sexuel dans le sport que leurs homologues masculins ». A l’image, par exemple, de la France où ce chiffre atteint 79% dans les affaires recensées [1]. De fait le sujet des violences sexuelles et sexistes dans le sport est intimement lié à la vaste thématique de l’égalité de genre dans nos sociétés. Prévenir et lutter contre les violences sexistes et sexuelles passe donc en premier lieu, par de profonds changements de mentalité dans le secteur sportif pour promouvoir l’égalité de genre.

 

Mettre l’ensemble des acteurs en ordre de bataille contre les violences sexistes et sexuelles

Iban Garcia del Blanco ajoute une autre dimension « aujourd’hui nous avons adopté des lois, il faut désormais les faire appliquer à tous les niveaux, dans le sport professionnel comme au niveau amateur ». Iban Garcia del Blanco souligne également la nécessité de créer et mettre à disposition des acteurs sportifs professionnels et amateurs des outils adaptés dans la lutte et prévention de ces violences.

S’assurer de lutter efficacement contre les violences c’est aussi inciter les acteurs du sport à consulter des organisations dont la compétence première est de lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans et hors du champ sportif comme peut le faire Colosse aux pieds d’argile en France ou l’U.S. Center for SafeSport aux Etats-Unis [2].

 

Des pistes d’actions pour lutter durablement contre les violences sexistes et sexuelles

Il existe d’ores et déjà de nombreuses solutions sur le volet législatif et opérationnel. Durant la conférence, Andrzej Rogulski, Vice-président de Sport et Citoyenneté, a abordé plusieurs leviers d’actions opérationnelles à renforcer pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le sport :

  1. La généralisation de lignes d’écoute dédiées

La mise en place de dispositifs pour la protection des victimes est une nécessité, tout comme le traitement des plaintes de manière confidentielle et sécurisée à l’image de ce que propose le « Centrum Veilige Sport Nederland » (CVSN) aux Pays-Bas. Organisme indépendant, ce centre a été créé pour signaler les violences sexuelles dans le sport. Il s’agit ici de promouvoir des solutions d’écoutes dédiées au sport en général, à une échelle nationale et non spécifique à une pratique sportive. Centraliser le dispositif d’écoute et de recueil des plaintes doit également permettre une meilleure identification de la procédure auprès des structures sportives et de ses pratiquants.

 

  1. Une fermeté dans les sanctions

La loi prévoit évidemment des sanctions, mais une fermeté plus importante des autorités et organisations sportives contre ces agissements, est attendu par les victimes et acteurs luttant contre ces violences. A l’image de l’affaire Rubiales qui a connu nombre de rebondissements, la plus grande fermeté face à ces actes doit être adoptée et partagée par tous. Il est par ailleurs crucial que soit désormais mis en place au sein des structures sportives des dispositifs de prévention et d’écoute ainsi que des mécanismes de sanctions provisoires et définitives capables d’appuyer efficacement l’action pénale ou judiciaire.

 

  1. Formation des acteurs du sport à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le sport

Parmi les actions évoquées, la généralisation des formations à la prévention des violences auprès des entraîneurs, du personnel sportif, des sportifs eux-mêmes ainsi que des dirigeants est un point de départ afin de changer les comportements.

Durant ces formations, doivent être évoqués :

  • Les mécanismes qui régissent les violences sexuelles dans le sport et signaux d’alerte ;
  • Les règles à établir autour du contact physique entre coachs et athlètes, la manière dont les contacts physiques sont initiés et dont ils peuvent être ressentis ;
  • Les procédures internes à suivre pour assurer la prise en charge des victimes et la gestion des personnes mises en cause ;
  • Les procédures externes à suivre et organismes où reporter cette situation ;
  • La prévention et communication à destination des athlètes autour de la question des violences sexuelles.

A titre d’exemple, pour promouvoir la formation et sensibiliser, la mairie de Lyon, moteur sur la prévention des clubs, a par exemple, en 2024, demandé à chaque club sportif lyonnais de suivre une formation contre les violences sexuelles et sexistes pour percevoir une subvention. Également à Lyon, le club de football Lyon-la Duchère s’est doté d’un pôle de Prévention, d’Écoute et de Médiation (PPEM) qui agit sur la prévention des violences sexistes et sexuelles dans le sport [3].

 

  1. Éduquer et sensibiliser dès l’enfance

Au-delà des coachs, Ilona dr. Bodnár, sociologue, a abordée durant une conférence à Budapest dans le cadre du projet européen SAYES (SAfeguarding Young European Skaters) dont Sport et Citoyenneté est partenaire, la nécessité de sensibiliser parents et enfants pour lutter contre ces violences dès le plus jeune âge.

Selon Amélie Oudéa-Castera, Ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques « un enfant sur sept est victime de violences dans le sport aujourd’hui ». Par conséquent, il est important de mettre en place des actions de prévention auprès de ce public [4]. 

 

  1. Le rôle des médias dans la libération de la parole

Le sujet des violences sexuelles dans le sport n’est pas nouveau et connaît depuis plusieurs années un mouvement de libération de la parole, dans la lignée du mouvement #MeToo et à l’image de la récente affaire Rubiales. Comme a pu le mettre en lumière l’enquête « Le revers de la médaille » du média Disclose qui révélait dès 2019 l’ampleur du phénomène des violences sexuelles dans le sport [5], les médias jouent un rôle à part entière pour rendre visible et sensibiliser à cette problématique. Ils peuvent également contribuer à faire connaître et diffuser les exemples de bonnes pratiques en la matière. Il appartient également aux acteurs du sport (dirigeants, sportifs, entraineurs, référents, etc.) d’exprimer publiquement une position claire et ferme face aux violences sexistes et sexuelles.

 

Quelques mots sur la conférence « l’affaire Rubiales : le début d’une nouvelle ère ? »

Dans l’optique d’élargir notre réflexion à propos des inégalités et violences sexuelles et sexistes dans le sport partagée par notre chargée de projet, Eva Jacomet lors d’un précédent article sur l’affaire Rubiales que vous pouvez retrouver ici, Sport et Citoyenneté a tenu une table ronde en présence de Francine Hetherington Raveney, secrétaire exécutif adjointe du Conseil de l’Europe, Patricia Campos, chroniqueuse sportive et journaliste, María Pina Tolosa, joueuse de basket professionnel, Paqui Mendez, réalisatrice et productrice de documentaires ainsi qu’Andrzej Rogulski, vice-président de Sport et Citoyenneté le 22 septembre 2023 à Valence en Espagne.

 

 

[1] source : Fabienne Bourdais, Directrice des Sports et Déléguée ministérielle à la lutte contre les violences dans le sport, revue Sport et Citoyenneté n°54 : prévenir les violences sexuelles et protéger les publics.

[2] article safe sport dans la revue 54 page 28

[3] source : Julie Junquet revue 54 page 37

[4] source : https://www.maire-info.com/imprimer2.php?param=27683

[5] Le revers de la médaille, https://abus-sport.disclose.ngo/fr/

 

Pour aller plus loin :

Découvrez la revue Sport et Citoyenneté n°54 « Prévenir les violences sexuelles et protéger les publics »

 

 

 


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