« La transition écologique : quels défis pour le sport en Centre-Val de Loire ? »

31 janvier 2024 à la Maison des sports de Touraine, Parçay-Meslay
Mona Cazin, chargée d’étude, Think tank Sport et Citoyenneté

 

Le mercredi 31 janvier s’est tenue une soirée consacrée à la transition écologique dans le sport en Centre-Val de Loire, en présence de plus de 20 intervenants et d’une centaine de participants. Cette soirée s’inscrivait dans le cadre d’un cycle de conférences que Sport et Citoyenneté organise aux côtés des acteurs du sport réunis au sein de la Conférence Régionale du   sport Centre Val de Loire (CRS CVL).

 

Pour cette soirée d’échanges, le rendez-vous était donné à la Maison des Sports de Touraine située à Parçay-Meslay en périphérie de Tours. Cette conférence se donnait pour objectif d’interroger les défis à relever pour l’avenir du sport à l’heure où déployer la transition écologique n’est même plus une option, avec une attention particulière pour trois domaines d’actions : tout d’abord un cadrage de ce qu’est la transition écologique et des mutations qui en découlent, puis deux cas d’études concrets, sur la transition environnementale des infrastructures sportives et la mobilisation des structures associatives sportives dans ce mouvement. Pour balayer ces enjeux, plus de 20 structures étaient représentées, issues du champ du sport, de la culture et de la transition écologique. L’objectif étant d’apporter des repères communs, de favoriser le partage d’expériences et de bonnes pratiques et de nourrir les réflexions en matière de déploiement de la transition écologique au sein du secteur sportif.

En introduction de cette conférence animée par Sylvain Landa, Directeur exécutif du Think Tank Sport et Citoyenneté, le Vice-Président du Conseil départemental d’Indre-et-Loire, Olivier Lebreton s’est attaché à rappeler la volonté de faire vivre les Jeux sur l’ensemble du territoire du département, et notamment dans les communes rurales puisque : « les JOP c’est pour tout le monde ». Pour que tout un chacun puisse en profiter, plusieurs actions ont été mises en place, à l’image du déploiement de caravanes sportives circulant dans tout le département à la rencontre de ses habitants. Accueillir la plus importante manifestation sportive au monde est aussi un moyen de raviver un lien étroit entre sport et culture, un secteur duquel le sport a d’ailleurs beaucoup à apprendre. Ce lien, le Département l’a renforcé avec le lancement d’une collecte d’archives du sport, présentées sous la forme d’une exposition photographique dont les participants à la conférence ont pu profiter sur place, et qui se tiendra à l’Hôtel Bouin à Tours à partir du mois de mars.

Ces liens, Olivier Lebreton compte bien les pérenniser sur le long temps puisque faire vivre les Jeux, c’est aussi les faire perdurer dans le temps, et donc les adapter aux enjeux écologiques actuels. Cette nécessaire adaptation aux enjeux écologiques, si elle peut paraitre à première vue couteuse et contraignante pourrait également permettre de réaliser, sur un temps plus long, des économies de ressources, certes, mais financières également.

A ce discours, faisait écho le propos de Laurence HERVE, Vice-Présidente de la Conférence des Financeurs de la Conférence Régionale du Sport rappelant que cette dernière a pour mission d’associer le monde économique au monde sportif en vue de l’atteinte des objectifs de développement durable inhérents au secteur. Même si aujourd’hui, sport et transition énergique sont présentés de manière décorrélée, Laurence HERVE n’a aucun doute sur le fait qu’à l’avenir ils formeront un tout homogène, notamment parce que cette transition va concerner l’ensemble des composantes du sport.

 

Cette soirée s’est structurée en trois temps : une présentation de grand témoin suivi de deux tables rondes.

 

Didier LEHENAFF, ex-triathlète et concepteur des Eco Games a commencé par dresser un panorama des grands enjeux inhérents à la transition écologique du sport, grâce à un important travail de définition de ce qu’est la transition écologique et ce qu’elle implique.

La première table ronde consacrée à la réduction de l’empreinte environnementale du secteur à travers la question des équipements sportifs réunissait

Vincent-Xavier LE GOFF, architecte responsable d’un grand projet de rénovation urbaine sportive en région, accompagné de Jérôme Vaugoyeau, architecte conseil à l’ADAC 37, Mohamed AMJAHDI, directeur régional de l’ADEME Centre-Val de Loire ainsi que Rodolphe LEGENDRE représentant de la DRAJES.

 

La deuxième table ronde s’interrogeait quant à l’engagement de la pratique fédérée dans cette transition écologique, ponctuée des témoignages de Jean-Louis DESNOUES, président du CROS Centre-Val de Loire, Vincent NICOLOSI, directeur de l’UFOLEP 37, Julien MONCLAR, manager général du club de basket blésois de l’A.D.A, et de Morgen CAILLAUD, pongiste handisport.

En clôture de cette soirée, Mohamed MOULAY, conseiller régional délégué auprès du Président chargé des Sports a rappelé le rôle clé d’accompagnement des collectivités territoriales vers la conduite d’un sport plus durable et éco-responsable.

 

Les 3 points clés du débat :

 

1.      L’exigence de sobriété : une opportunité de repenser le sport au service de la société

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Cette citation extraite du discours de Jacques Chirac au IVème sommet de la Terre en 2002 semble toujours d’actualité. A la différence que, aujourd’hui, presque tout le monde semble être au fait de l’urgence d’un changement radical des modes de vie. De la phase de conscientisation, nous sommes désormais davantage dans celle de la responsabilisation souligne Didier LEHENAFF, grand témoin invité de cette conférence. Après le temps de la prise de conscience vient celui du changement et de l’action.

Pourtant, en matière de transition écologique la société et notamment le secteur sportif semble trainer des pieds à emboiter le pas. Et la difficulté réside principalement dans la divergence des intérêts individuels particuliers rendant l’atteinte d’un consensus en matière de transition écologique périlleuse.

En ce sens, porter une gouvernance cohérente et transparente permet de venir fédérer l’ensemble de ces intérêts particuliers afin de les faire converger vers un but commun.

Evoquer la transition écologique dans le champ sportif c’est avant tout définir de quelle transition il s’agit mais surtout identifier quel sport est concerné, les réponses à apporter étant à adapter à différents niveaux.

Une constante se dégage et l’ensemble des indicateurs sont sans appel à ce sujet : le sport de masse a une empreinte considérable sur l’environnement et semble antinomique avec les enjeux écologiques à relever. Pourtant, restructurer systémiquement le modèle sportif permettra de concilier cette exigence de sobriété avec la poursuite des activités sportives, voire de devenir un allier dans la conduite de la transition écologique.

L’objectif de sobriété du GIEC s’inscrit dans un spectre de consommation large et ne se borne pas à l’énergie. C’est, selon Didier LEHENAFF, à la limite une philosophie de vie : apprendre à vivre sans, et prendre du plaisir malgré tout.

Cette adaptation repose alors sur plusieurs prérequis et notamment sur une coordination étroite entre les différents acteurs du monde sportif, malgré la logique de transversalité inspirée par le concept d’écologie. Or, l’ensemble des acteurs ont leur part à jouer dans le processus. Pour cela, des outils à l’image de la Charte des 15 engagements écoresponsables, expliquant la marche à suivre dans la bonne conduite à adopter sont indispensables.

Enfin Didier LEHENAFF, souligne la nécessité de repenser le modèle économique en fléchant les capitaux pour les réorienter vers l’environnemental et le social. Le nouveau paradigme doit prendre le contrepied du précédent : le sport doit désormais se mettre au service de la société et non plus l’inverse.

Pour autant, sobriété ne signifie en rien arrêt des activités mais plutôt adapter les activités, la tenue de manifestations sportives éco-responsables étant un puissant vivier de diffusion des bonnes pratiques, en rassemblant l’ensemble des acteurs du sports simultanément au même endroit.

 

2.     La nécessaire rénovation des infrastructures : vers des terrains de jeu polyvalents et peu énergivores

Les équipements sportifs, véritables terrains de jeu indispensables à la pratique posent également bon nombre d’enjeux lorsqu’ils se confrontent avec les exigences actuelles en matière de sobriété énergétique. Notamment parce que la moitié des équipements sportifs français ont été construits avant 1987, ils constituent pour beaucoup des passoires énergétiques très friandes de ressources naturelles finies. Alors, comment repenser ces schémas d’infrastructures sportives : est-il préférable de rénover, de reconstruire ? Comment optimiser le nombre de bénéficiaire tout en limitant l’empreinte sur la nature ?

Evoquer l’enjeu de la rénovation et de la mise en conformité des nouvelles infrastructures sportives avec les nouvelles exigences environnementales, c’est se concentrer sur deux points essentiels selon Rodolphe Legendre : le chauffage et l’éclairage, à savoir les deux principales dépenses énergétiques d’une infrastructure sportive.

Ces objectifs ambitieux représentent une importante responsabilité pour les collectivités territoriales, souvent en charge de déployer ces projets d’urbanisme. Malgré un soutien matériel et financier conséquent des pouvoirs publics, il n’est parfois pas suffisant pour amorcer un changement de paradigme à la hauteur des enjeux auxquels le secteur sportif est confronté en matière de transition écologique. En ce sens, l’Agence Départementale d’Aide aux Collectivités Locales (ADAC) vient épauler les communes en les accompagnant dans leurs projets d’aménagement du territoire, avec toujours un souci d’en faire bénéficier un maximum d’usagers, tout en assurant une accessibilité adéquate, notamment en milieu rural.

Sur ce point, bénéficier de l’expertise des professionnels de la construction est précieux. Pour Vincent Xavier LE GOFF, architecte, il existe un réel enjeu d’intégration des questions écologiques et énergétiques au sein de la formation d’architecte.

Enfin, ces infrastructures doivent être pensées avec l’idée que les pratiques vont nécessairement évoluer, que ce soit comme une conséquence du changement climatique ou pour des raisons extrinsèques. Ce, avec l’enjeu de faire coïncider les équipements immuables et les pratiques qui mutent, parfois rapidement souligne Jérôme VAUGOYEAU.

 

3.     Initier des bonnes pratiques par le monde fédéré : un accompagnement nécessaire

Le secteur associatif et notamment les clubs, en tant que premier point de contact entre la pratique et les pratiquants constituent le terreau du sport au niveau local. Des bonnes pratiques y émergent voire y foisonnent parfois en matière écologique. Encore reste-t-il à créer une dynamique permettant de diffuser à grande échelle, et notamment au niveau fédéral, ces actions qui restent morcelées.

Pour ce faire, une volonté politique forte est indéniable selon Didier Le HENAFF à l’instar du déploiement de politiques d’éco-conditionnalité.

En effet, les clubs jouent un rôle prépondérant dans la transmission et dans la généralisation de bonnes pratiques.

En matière éducative tout d’abord, ils représentent un levier implicite et indirect de transmission des bonnes pratiques pour les plus jeunes selon Vincent Niccolosi, directeur de l’UFOLEP 37.

Les clubs professionnels ont aussi leur rôle à jouer. C’est ce qu’incarne le club de l’l’A.D.A évoluant en Betclic Elite et qui a fait le choix d’un virage vert, au-delà de la couleur du maillot, sans pour autant prétendre revendiquer quoique ce soit mais en « essayant d’être applicatif » pour reprendre les mots de Julien MONCLAR, manager général du club. Ce dernier alerte notamment sur les fausses croyances qui peuvent parfois encore régner en matière écologique, fondées essentiellement sur une stratégie marketing proche du greenwashing.

L’écologie ne doit, selon lui, pas s’inscrire dans une logique punitive mais plutôt encourager les bonnes pratiques. Dans cette veine, l’ADA a mis en place un système de stationnement garanti au plus près du stade pour l’ensemble des voitures se rendant au match avec plus de trois passagers, peu importe qu’il s’agisse d’une famille, de voisins ou d’un groupe d’amis.

Ce temps d’échange a également été l’occasion d’aborder le paradoxe dans lequel peuvent se retrouver parfois confronter les athlètes de haut-niveau : à la fois ils doivent de plus en plus donner l’exemple et inspirer mais dans le même temps, se rendre aux quatre coins du monde pour pouvoir effectuer des compétitions qualificatives. C’est un point qu’a notamment souligné Morgen FRIAUD, pongiste handisport témoignant parfois ressentir un manque de légitimité à s’exprimer sur la question ainsi qu’une forme de tiraillement entre ses convictions personnelles et son mode de vie.

Enfin, la nécessité d’adapter les gestes en fonction de la configuration des associations et des territoires est indispensable : il faut permettre aux acteurs associatifs de comprendre et de saisir de ces bonnes pratiques. Pour cela, structures fédérales comme athlètes doivent être accompagnés au niveau institutionnel et recevoir les moyens d’être les porteurs de flamme de la transition écologique. « L’avenir n’est pas forcément rose mais on espère qu’il sera vert » conclut avec un brin d’optimisme Jean-Louis Desnoues.

(Photo : Facilitation graphique par Explore

 


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Lire le précédent article de la semaine : 

3 points à retenir de la table ronde«Centre-Val de Loire: un projet sportif au service du parasport?»

par Clémence Raynaud  – Chargée de Mission chez Think Tank Sport et Citoyenneté





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